Vouziers: journal d’un gendarme de campagne, un soir de contrôle routier
Une opération anti-délinquance a eu lieu ce jeudi de 16 heures à 20 heures dans tout l’arrondissement de Vouziers. Le procureur avait autorisé l’ouverture des coffres tandis qu’à 19 heures, le contrôle du couvre-feu a pris le relais. Nous y étions.‹›En chiffres: 12 points de contrôles fixes couverts ce jeudi, une patrouille mobile sur les routes, 159 voitures contrôlées et 182 individus.
Le contrôle routier, c’est un peu comme la pêche. Des fois ça mord, des fois pas du tout. Mais au moins les contrôleurs se sont-ils montrés, changeant de carrefour au gré des heures comme les pêcheurs changent de coin pour lancer. « Il faut qu’on soit visible. Si les délinquants croisent les gendarmes régulièrement, il y a des chances pour qu’ils se disent : ce n’est pas ici qu’il faut agir. »
Le capitaine Jean-Michel Pommier et son adjoint, Laurent Yernaux, commandent tout à la fois les gendarmeries de Vouziers, Monthois, Attigny, Machault, Bairon, Buzancy et Grandpré. Au total : 118 communes, un territoire immense représentant 27 % des Ardennes et une densité pourtant proche de la Namibie. « Autant dire que pour relier deux points, ça prend du temps. » Nous l’avons éprouvé jeudi.
Dans le cadre d’une opération anti-délinquance, 24 hommes, professionnels, réservistes, adjoints-volontaires (et en réalité près d’une moitié de femmes !) ont quadrillé les petites et grandes routes de l’arrondissement. « Ce contrôle est particulier car on a demandé au procureur une réquisition pour faire ouvrir les coffres. » En cause : la recrudescence des vols en tout genre ces dernières semaines. « Généralement, pas de gros préjudices, mais ça embête le monde. Les voleurs s’adaptent au Covid et comme les gens sont chez eux la journée, ce sont plutôt les granges, garages, véhicules ou résidences secondaires qui sont visités. » Lors d’une dernière opération, 55 kilos de tabac avaient ainsi été saisis en provenance du Luxembourg. Direction Grivy-Loisy, pour commencer.
Le flair du gendarme
Mais au juste, on arrête qui ? « Ah ça, c’est le flair, comme un douanier ! » Et on arrête comment ? « C’est un geste à maîtriser. Parfois les gens ne comprennent pas, ils roulent vite, on ne sait pas sur qui on va tomber. Le but, c’est de rentrer vivant », détaille ce gendarme retraité, devenu réserviste et assisté, ce jour-là, d’une jeune femme étudiante en ergothérapie. « Il y a une façon de s’adresser aux gens », poursuit M. Pommier, toujours prompt à bavarder quelques instants, avec ce motard à la plaque d’immatriculation non-conforme ou ce commercial en alimentation animale. « Il faut discuter pour apprendre des choses! Et en cas de comportement idiot, on peut, nous aussi, endosser le costume. »
Le coup du bluff
Bilan à Grivy : un défaut de contrôle technique sur fond de chiens hurlant dans l’utilitaire, un ferrailleur fumant pour échapper (momentanément) à l’alcootest et une verbalisation pour pneus lisses. « Je vais juste là, à 500mètres », se défend l’homme au lourd chargement.
Changement de crèmerie, direction Monthois. Sur la route, on s’arrête pour vérifier que cette voiture stationnée n’éprouve pas de difficultés. On suit cette fourgonnette, aussi, qui coule un stop et zappe un clignotant. « On serait méchants, ce serait trois points direct! » Le papy un peu perdu, à l’intérieur, présente ses excuses et s’en tire avec un avertissement.
À Monthois, tout va bien, y compris pour ce jeune homme qui rentre du travail, aux « yeux fatigués et au teint un peu pâle. » Les fonctionnaires y vont au bluff: « vous consommez du cannabis ? » « Oui, mais pas depuis deux mois. » Le client est honnête: un test salivaire et huit minutes plus tard, circulez, il n’y a rien à voir.
Suivront quelques ouvertures de fourgons, blancs, noirs, avec ou sans remorque, et le contrôle insolite d’un étrange automobiliste habillé en femme… Puis, direction Bairon. « Les trois quarts du temps, on contrôle des gens du cru, on les connaît. » Comme cette infirmière, évoquant l’état de la réanimation à Manchester… Ou ce break immatriculé en Roumanie, « à ne pas manquer », avec dans son coffre, une tronçonneuse. « C’est un bûcheron, il a tout le matériel. » Et l’homme de préciser dans un français moyen, tandis que les soldats cherchent le numéro de série de l’outil :« On m’en a déjà volé trois ! » Comme quoi…