Un vaste réseau de trafic d’armes imprimées en 3D démantelé en France et en Belgique
Trois cents gendarmes ont été mobilisés pour interpeller quatorze personnes, récupérer huit imprimantes 3D, sept armes entièrement fabriquées en impression 3D ainsi que vingt-quatre armes conventionnelles.
Publié hier à 22h21
Après le démantèlement d’un vaste réseau en France et en Belgique de trafic d’armes fabriquées avec des imprimantes 3D, Nicolas Bessone, le procureur de Marseille, s’est alarmé lundi d’une « ubérisation du trafic d’armes ». « Il s’agit d’une première en France » qui « ne manque pas de nous inquiéter », a-t-il déclaré à l’occasion d’une conférence de presse lors de laquelle trois de ces armes saisies à la fin de janvier ont été présentées.
Pilotées par la division « cyber » de la gendarmerie nationale, des investigations minutieuses menées pendant un an, qui comprenaient l’infiltration d’enquêteurs au sein de groupes Telegram, auront été nécessaires pour parvenir à ce vaste coup de filet dans les régions françaises Provence-Alpes-Côte d’Azur, Ile-de-France, Grand-Est et Midi-Pyrénées ainsi qu’en Belgique.
Trois cents gendarmes, dont des membres du GIGN, ont été mobilisés pour interpeller quatorze personnes, récupérer huit imprimantes 3D, sept armes entièrement fabriquées en impression 3D ainsi que vingt-quatre armes conventionnelles, pour la plupart non déclarées et saisies principalement chez des collectionneurs.
A la tête de ce réseau figurait un homme de 26 ans, déjà condamné pour une infraction liée aux stupéfiants, habitant la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var). Alors qu’il a depuis déménagé en Belgique, un mandat d’arrêt international a été émis à son encontre pour qu’il soit remis aux autorités françaises.
« Il partageait une mentalité de libertarien » s’inscrivant dans « la mouvance proarmes étasunienne » dont le but est de « diffuser des armes au plus grand nombre de personnes pour se protéger de l’Etat [que ses adeptes] considèrent comme totalitaire et oppresseur », a expliqué le colonel Hervé Pétry, chef de l’unité nationale « cyber ».
Pièces envoyées une par une à l’acheteur
En tout, six personnes ont été placées en détention provisoire, cinq autres sont sous contrôle judiciaire, dont une maintenue à domicile sous bracelet électronique. Toutes ont entre 18 ans et une trentaine d’années, certaines ont des antécédents judiciaires.
Parmi elles, les unes s’occupaient de la fabrication des armes, les autres servaient d’intermédiaires pour la revente. Des acheteurs (collectionneurs ou personnes liées au trafic de stupéfiants) ont également été arrêtés. Afin d’échapper aux contrôles, les pièces fabriquées à l’aide d’une imprimante 3D étaient envoyées une par une à l’acheteur
« Cela reste interdit par la loi avec des peines pouvant aller jusqu’à six ans d’emprisonnement », a rappelé M. Bessone. « Il s’agit d’une ubérisation du trafic d’armes », lesquelles étaient vendues sur des sites en ligne en cryptomonnaies, a-t-il poursuivi. Il en conclut que « la délinquance s’adapte aux nouvelles techniques ».
Parmi les armes saisies figurent des « FGC-9 » pour « Fuck Gun Control » aux caractéristiques similaires aux fusils-mitrailleurs : tirant des cartouches traditionnelles de 9 millimètres, le calibre d’arme de poing le plus répandu au monde, ils pouvaient être fabriqués depuis le domicile de la personne avec une imprimante 3D « achetée pour environ 150 euros » en suivant un guide facilement trouvable sur le « dark Web ».
Ces armes, « de bonne voire très bonne » qualité, dépourvues de marquage et donc non traçables, sont « proches à 95 % du modèle d’origine », a précisé le colonel Pétry. Elles pouvaient ensuite être revendues entre 1 000 et 1 500 euros, « soit moins cher qu’une kalachnikov », selon le procureur.
Une arme de type FGC-9 a été utilisée en juin dernier lors d’une tentative d’assassinat manquée : deux personnes sur une moto volée avaient tiré sur des personnes rassemblées devant un commerce du centre de Marseille. L’arme avait ensuite été retrouvée, et deux suspects arrêtés, confondus par leur ADN.
En 2019, le tireur de Halle, en Allemagne, avait utilisé une arme imprimée en 3D conçue par ses soins lors de son attaque contre une synagogue et un restaurant turc, qui avait fait deux morts.