Ripou ou victime d’une machination ?
On soupçonne ce gendarme bien noté d’avoir « volé » 20 déodorants. Un règlement de comptes ou un dérapage qui, pour le principe, mérite d’être sanctionné ?
Par JÉRÔME PIERRAT
Lorsqu’on parle de ripoux, on s’attend à plonger dans les relations coupables entre flics et indics, sur fond de trafic et d’enrichissement personnel à la clé. David Delobel, 44 ans, adjudant à la gendarmerie de Nozay dans l’Essonne, reconnu par ses pairs pour être un excellent enquêteur, est accusé d’être un ripou pour avoir dérobé vingt déodorants lors d’une perquisition chez une présumée voleuse.
Ce qu’il conteste farouchement. Le gendarme a effectivement embarqué le carton de déodorants en attendant que sa propriétaire lui apporte les justificatifs d’achat. S’il a bien commis une faute de procédure en omettant de rédiger un procès-verbal de saisie, il s’est contenté de laisser les déos dans son bureau en attendant les pièces demandées, sans y toucher. À la différence de certains collègues qui se sont servis au passage. Aussi, lors de son procès le 22 janvier dernier, le procureur a requis contre lui 18 mois de prison avec sursis et n’a pas hésité à demander – rien que ça – sa radiation à vie de la gendarmerie. L’affaire a été mise en délibéré. En sortant de l’audience, l’adjudant et sa femme ont tenté de mettre fin à leurs jours.
Un règlement de comptes ?
Jointe par Le Point, son avocate Caroline Wassermann dénonce un dossier vide, fruit d’un règlement de comptes de l’un de ses supérieurs, qui ne l’apprécie guère, doublé d’une collusion entre le parquet et la gendarmerie de Nozay. Pour elle, « cette affaire est emblématique d’un grave problème judiciaire concernant le traitement des affaires pénales. Aujourd’hui, à 95 %, l’institution fait le choix des enquêtes préliminaires plutôt que d’ouvrir une information judiciaire avec nomination d’un juge d’instruction. Ce qui bafoue totalement les droits de la défense. » Dans le cas d’une « préliminaire », les avocats n’ont en effet pas accès au dossier et ne peuvent pas non plus demander d’actes (expertise, confrontation, etc.).
Dans sa propre maison, l’adjudant se retrouve seul. En effet, à la différence des policiers, les gendarmes n’ont pas le droit d’être syndiqués, même pour défendre leurs droits… Mercredi 29 janvier, le délibéré est tombé : David Delobel a été condamné à 14 mois avec sursis et cinq ans d’interdiction. Il a aussitôt fait appel.