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Le - REPORTAGE. Dans le laboratoire des « experts » de la gendarmerie de la Manche

REPORTAGE. Dans le laboratoire des « experts » de la gendarmerie de la Manche

Le groupement de gendarmerie de la Manche dispose d’un plateau technique dernier cri, dédié à l’exploitation des scènes de crime. Il nous a ouvert ses portes.

Les techniciens en identification criminelle (TIC), gantés et portant blouse blanche, recherchent les traces invisibles à l'oeil nu au sein de leur labo aseptisé, où se dénouent les affaires les plus importantes.
Les techniciens en identification criminelle (TIC), gantés et portant blouse blanche, recherchent les traces invisibles à l’œil nu au sein de leur labo aseptisé, où se dénouent les affaires les plus importantes. (©Ludovic AMELINE)

Par Ludovic Ameline

Publié le 26 Mar 21 à 20:19 

Ils sont quatre : trois hommes et une femme (prochainement affectée), tous officiers de police judiciaire, mobilisables 24 heures sur 24.

Ensemble, ils forment la cellule d’identification criminelle du groupement de gendarmerie de la Manche. La seule à intervenir sur l’ensemble du département pour faire parler les empreintes, les taches de sang, les fibres, les armes… sur une scène de crime.

La cellule – il en existe une dans chaque département – est déclenchée par l’officier de permanence. Elle est mobile et dispose d’un véhicule qui lui permet une grande autonomie. Les TIC prennent des permanences d’une semaine pour l’ensemble du département.Lieutenant-colonel Yannick Le SausseCommandant en second du groupement de gendarmerie de la Manche

Une fois les prélèvements effectués, les militaires poursuivent leurs investigations au sein de leur plateau technique, qui a été remis à niveau.

Un labo high-tech

Des équipements neufs sont venus relooker les installations, qui ont fait l’objet d’une accréditation ISO 17025 conforme aux exigences européennes par un organisme indépendant le Cofrac (Comité français d’accréditation). Nous avons pu les découvrir.

Dans une première salle, dite physico-chimie, les gendarmes assurent la révélation de traces digitales sur différents supports.

On utilise un certain nombre de produits chimiques pour révéler ces traces invisibles à l’œil nu. Le plateau dispose d’une cuve de fumigation de cyanoacrylate. On dépose la trace collectée sur un support non poreux. La machine diffuse un mélange d’eau et de colle chauffée qui se pose sur les sillons. Si la trace est trop faible, il est possible de pulvériser un colorant, que nous fabriquons nous-mêmes, qui rendra les lignes de la trace plus repérables sous des rayons ultraviolets.Adjudant Guillaume DupuitTechnicien en identification criminelle

Une autre cuve projette un produit qui s’attaque aux acides aminés. Chauffé, ce produit révèle les lignes par réaction chimique.

Les techniciens passent du temps à détecter la présence d'empreintes sur une scène de crime.
Les techniciens passent du temps à détecter la présence d’empreintes sur une scène de crime. (©Ludovic AMELINE)

Autre machine à disposition, la vacuum box, qui sert à relever les traces de foulage.

Elle est utile notamment pour les lettres anonymes ou de menaces. Elle permet de retrouver sur une lettre des informations invisibles à l’œil nu. L’auteur a pu écrire sur une autre feuille auparavant ôtée. Des traces d’écriture ont pu être laissées comme une signature, une adresse… C’est toujours bluffant de la faire apparaître !

Nous passons ensuite devant une armoire, sécurisée et équipée d’une VMC, où sont entreposés tous les produits chimiques et les préparations maison.

De l’obscurité jaillit la lumière

Nous entrons dans une deuxième salle, aux murs noirs. Elle dispose d’une table rétro-éclairée de grande dimension pour le traitement des scellés.

Un « Crimescope » (une source lumineuse qui émet des longueurs d’ondes allant de l’infrarouge à l’ultraviolet) associé à une paire de lunettes filtrantes, permet d’isoler les traces les plus récalcitrantes.

Un appareil photo pour la macrophotographie vient compléter l’équipement pour des analyses de matières toujours invisibles à l’œil (mise en évidence de traces d’outils ou du maniement d’objets, fibres, détection du bulbe contenant de l’ADN…).

C’est aussi dans cette salle que s’effectue la comparaison des empreintes. S’y trouvent les ordinateurs qui vont permettre de traiter les empreintes digitales relevées lors d’une garde à vue ou sur une scène de crime. Elles seront ensuite envoyées au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

Minutie

Dans une dernière pièce enfin, les TIC (Techniciens en identification criminelle) recherchent les traces ou fluides biologiques, dans les affaires de viols notamment. Les techniciens stockent là les scellés qui sont répertoriés avec minutie pour une traçabilité totale.

On trouve également une cabine de séchage, pour sécher, par exemple, les vêtements d’un corps retrouvé dans l’eau.

Si les indices sont exploitables, ils sont envoyés à l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale), basé à Pontoise. Ce sont eux les vrais experts, nous ne sommes que des acteurs de l’enquête.

Labo roulant

La cellule d’investigation criminelle que dirige l’adjudant-chef Didier Androuard, dispose également, depuis décembre 2012, d’un laboratoire roulant qui répond à l’ensemble des besoins des TIC. Il peut ainsi assister les enquêteurs sur le terrain, quel que soit le lieu.

Ce laboratoire roulant est de toutes nos interventions : découvertes de corps, incendies criminels, viols, cambriolages… Il a été aménagé pour nous garantir une grande autonomie. Nous pouvons ainsi rester facilement 48 heures sur une scène de crime.Adjudants Guillaume Dupuit et François Lemarchand

Le véhicule comprend un bureau intégré et un véritable petit « labo ». Dans leur camion, un matériel conséquent permet aux gendarmes de véritablement passer la scène de crime au peigne fin et ainsi relever et collecter tout ce qui pourra être utile à l’enquête.

Transformable en bureau, il est équipé, entre autres, d’un groupe électrogène, d’un frigo pour conserver les prélèvements et d’un microscope. Là, les TIC prélèvent et conditionnent les scellés, de façon à éviter toute pollution.

A l'arrière du labo roulant, tout le matériel nécessaire à leurs missions.
A l’arrière du labo roulant, tout le matériel nécessaire à leurs missions. (©Ludovic AMELINE)

Barnum pour abriter les corps ou éviter les flashs des médias, climatisation, lumières, auvent de protection, outillage spécialisé, rien n’a été oublié pour affronter les affaires les plus délicates.

À l’arrière du camion, des boîtes, minutieusement disposées, laissent imaginer, à en juger par leurs étiquettes, qu’elles renferment les techniques les plus à la pointe : anthropo-odonto, moulages, révélations spéciales, incendie, kit balistique.

Une autre valise abrite la célèbre « crime light », vue dans la série « les Experts ». Grâce à ces lampes de haute intensité et à une paire de lunettes spéciales, on peut voir des fibres ou du sang invisibles à l’œil nu.

Ils disposent également d’enveloppes kraft de toutes tailles, indispensables pour le conditionnement des indices.

Pas de plastiques, le papier kraft permet aux scellés de respirer. Cela évite le phénomène de condensation qui élimine l’ADN. Seul inconvénient, on ne voit pas au travers. Cela nous oblige à tout clicher avant.Adjudant Guillaume Dupuit

Des tamponnoirs d’ambiance peuvent permettre de trouver des résidus de poudre sur des vêtements ou la peau. Grâce à une caméra endoscopique, et à son cordon flexible, les gendarmes peuvent également inspecter les endroits les plus inaccessibles en un clin d’œil, comme un évier.

Bref, la parfaite panoplie des « experts ».

Source : actu.fr

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