« Les enfants allaient se noyer, on n’avait pas le choix » : quatre gendarmes sauvent des migrants de la noyade
Dans la nuit de jeudi à vendredi 25 octobre, plusieurs migrants ont été sauvés de la noyade par une poignée de gendarmes qui n’a pas hésité à se jeter à l’eau. Ils racontent ce sauvetage sur RTL.
publié le 25/10/2024 à 19:47
Une nouvelle tragédie a été évitée de peu dans la Manche. Dans la nuit du jeudi au vendredi 25 octobre, une embarcation de fortune avec une soixantaine de personnes à bord a fait naufrage à une cinquantaine de mètres de la côte. Quatre gendarmes n’ont pas hésité un instant à se jeter dans l’eau glacée pour porter secours à ces migrants.
« Nous étions en train de surveiller la plage avec les jumelles thermiques. Ensuite, vers 1h45, j’ai mon camarade, le chef Gauthier, qui aperçoit une masse lumineuse dans les jumelles thermiques. On se dit qu’on va se déplacer pour faire une levée de doute. Et effectivement, plus on se rapproche, on s’aperçoit qu’il y a un groupe d’une cinquantaine de migrants qui sont en train de mettre une embarcation à l’eau« , raconte l’adjudant-chef Frédéric au micro de RTL.
« Ils sont en train de courir sur la plage en direction de la mer. Donc, on se transporte le plus rapidement possible sur place. Maisle délai d’intervention étant assez élevé, parce qu’on est à plus de 2 km du lieu d’intervention, le groupe a réussi à mettre l’embarcation à l’eau. Le bateau, lorsqu’on arrive, se trouve à une cinquantaine de mètres du bord. Donc, on éclaire la zone d’intervention avec le véhicule. On constate effectivement qu’il y a une embarcation avec une soixantaine de migrants à bord. Certains ne sont pas porteurs de gilets de sauvetage ».
Une partie du bateau se met à exploser, à crever
Adjudant chef Frédéric
« Le bateau commence à dériver. Il est pris d’une avarie moteur. On s’aperçoit que le barreur a du mal à démarrer le moteur. Et là, il se met à pivoter et à frotter un pieu, un pic à moule. Une partie du bateau se met à exploser, à crever. On entend une déflagration et on entend des cris. On a un mouvement de panique qui commence à débuter sur le bateau et une partie des passagers qui tombe à l’eau. On enlève nos gilets pare-balles. On enlève notre ceinturon avec l’armement. Et là, on se jette à l’eau pour aller chercher principalement les familles« .
« Parce qu’on s’était aperçu qu’il y avait une famille avec trois enfants. Deux, quatre et dix ans à peu près. On entend : ‘Family, family’. Donc, on se rapproche. Et là, on s’aperçoit qu’on n’a plus pied. Donc, on est obligé de nager. On nage, on arrive à récupérer la famille, les trois enfants. Parce qu’effectivement, là, ils sont frigorifiés. Là, l’eau, je pense qu’elle devait être à 12°C maximum. Puis l’air, hier, il faisait 8 degrés », témoigne l’adjudant chef.
Les gendarmes arrivent arrivent donc à mettre cette famille en sécurité, mais ils ne s’arrêtent pas, ils y retournent. « Je pense qu’on a dû faire une quinzaine d’allers-retours, sachant qu’il n’y a qu’une vingtaine de migrants qui ont réussi à sortir par eux-mêmes du bateau. Tout le reste, en fait, attendait. On entendait : ‘Please police, please police’. En fait, ils nous attendaient ».
Des naufragés « tétanisés »
« Tant qu’on n’allait pas les chercher, ils ne bougeaient pas. Ils étaient tétanisés, ils étaient soit accrochés au pic à moule, soit accrochés à l’embarcation », continue de détailler l’adjudant-chef Frédéric, qui n’a pas hésité une seule seconde. « De toute façon, on n’avait pas le choix. Là, c’était le drame assuré. Là, on n’a pas réfléchi. On s’est dit qu’il faut qu’on y aille. On n’a pas le choix. Les enfants vont se noyer, donc on n’a pas le choix. Il faut qu’on y aille. Donc là, en plus, quand on a vu leur regard désespéré, on n’a pas eu le choix ».
De son côté, le gendarme Damien, est resté en observation sur la plage au niveau du véhicule qui éclairait l’observation. « J’alerte immédiatement le CROSS Gris-Nez pour déclencher un éventuel secours en mer au cas où il y aurait des victimes qui se font remporter par les eaux. Mes collègues se jettent donc à l’eau. Ils se retrouvent à nager parce que rapidement, ils n’ont plus pied. Je les vois se saisir de quelques personnes, revenir au bord de l’eau. Ils font des allers-retours entre l’embarcation et moi », raconte-t-il.
« Dans un premier temps, je récupère des femmes et des enfants, notamment trois enfants. Par la suite, on apprendra qu‘ils avaient deux ans, quatre ans et dix ans. Je les mets à l’intérieur de mon véhicule puisqu’il y a le chauffage et autres et que les enfants sont totalement trempés. Je leur mets à disposition des couvertures de survie. Les allers-retours de mes camarades continuent pour sortir un maximum de personnes de l’eau ».
Je constate la présence d’un homme migrant au sol, vraisemblablement inconscient
Gendarme Damien
« À un moment, je constate la présence d’un homme migrant au sol, vraisemblablement inconscient. Je me dirige vers lui. Un migrant est à sa hauteur et lui met des gifles au visage pour essayer de le réveiller, mais je vois bien qu’il ne sait pas quoi faire. Je me saisis d’un couteau d’intervention. Je coupe son gilet de sauvetage. Je procède à trois compressions thoraciques. Et là, le migrant rejette une énorme quantité d’eau par la bouche. Je le passe tout de suite en position latérale de sécurité. Il reprend tout de suite ses esprits ».
« Et là, on constate la présence d’un second migrant allongé sur le sol qui ne bouge pas. Lui est conscient, respire. On arrive à trouver un de ses camarades d’infortune, on va dire, qui parle un petit peu français. Il nous confie que ce dernier se serait fait piétiner par un grand nombre de personnes dans le mouvement de panique. Il se plaint de douleurs cervicales, dorsales, n’a plus de motricité et sensibilité au niveau des membranes inférieures et supérieures. Donc on décide de faire une immobilisation de ce dernier. Et ensuite, on se saisit de nos plaques de désensablement de véhicules pour faire un brancard de fortune. On extrait les victimes de la plage à l’aide de notre véhicule d’intervention », décrit le gendarme.
« À la fin de l’intervention, on s’est tous rassemblés sur un parking. Et puis, on a rassemblé tout le groupe de migrants. Et là, beaucoup de migrants sont venus vers nous en disant : ‘Thank you, thank you, my best friend, my best friend’. Ils nous remerciaient de notre intervention« , rebondit l’adjudant chef Frédéric. « Il y a même une dame qui est venue vers nous, elle nous a pris les mains, nous a embrassé les mains en disant merci, merci. En fait, c’est la dame qu’on avait secourue avec les enfants, avec les trois petits-enfants, la famille. Ça nous a fait chaud au cœur de voir ça, qu’il nous remet à remercier ».