Ille-et-Vilaine : pour protéger son collègue, le gendarme tire dans les pneus de la voiture volée
Un militaire de la gendarmerie de Dol-de-Bretagne a tiré à 5 reprises dans les pneus d’une voiture pour éviter à son collègue d’être renversé. Le conducteur a été condamné ce lundi
Publié le 21 Août 23 à 18:43
Le 16 juillet 2023, deux gendarmes de la brigade de Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) se rendent sur un terrain à Saint-Broladre, dans le cadre d’une enquête. Quatre jours auparavant, une Dinannaise a porté plainte contre son fournisseur de cocaïne qui lui avait dérobé sa voiture pendant qu’elle s’était rendue aux toilettes d’un restaurant de Pontorson.
Cinq coups de feu dans les pneus
Un des deux militaires frappe à la vitre de la Mercédès Class A dérobée. L’homme de 21 ans qui dormait à l’arrière se précipite au volant, démarre, percute en marche arrière le véhicule de gendarmerie.
Il continue jusqu’au fond du petit terrain où il emboutit l’une des deux caravanes qui s’y trouvent. Puis il repart à toute allure pour tenter d’échapper à l’adjudant chef et à son collègue, débutant depuis dix jours, venus l’interroger.
Persuadé que le conducteur fonce en direction du plus jeune, son supérieur tire à cinq reprises dans les pneus du véhicule qui part dans le fossé après avoir une nouvelle fois « tapé » dans la Peugeot 5008 des gendarmes. Puis il s’extirpe à nouveau, échappant à ses poursuivants.
La voiture sera retrouvée en piteux état 10 km plus loin. Et le jeune homme – qui n’avait pas le permis de conduire -sera interpellé, cinq heures plus tard, grâce à un maître-chien.
« Je suis un malfaiteur »
Devant le tribunal de Saint-Malo, où il est jugé en comparution immédiate ce lundi 21 août 2023, il assure qu’il n’a aucunement mis en danger les deux militaires. « Ils n’étaient pas dans mon axe. Je comprends qu’ils aient pu penser que j’ai voulu foncer sur eux – je suis un malfaiteur – mais je savais ce que je faisais. Vous n’êtes pas obligé de me croire », dit-il à la juge sur un ton qui finit par monter face à ses questions. Il reconnaît cependant « avoir paniqué » lorsque les gendarmes l’ont réveillé : « J’avais bu et fumé du cannabis la veille. Sans réfléchir, j’ai voulu fuir. »
Peur des représailles
Les gendarmes qui ont fait l’objet d’interruption temporaire de travail sont absents à l’audience. On apprend par leur avocate, Charlotte Hunot, qu’ils redoutent les représailles de cet homme qui compte sept condamnations dont cinq pour violence, à son casier judiciaire.
Ils ont certifié s’être sentis en danger « face à la détermination » du fuyard. L’adjudant-chef a expliqué, lors de son audition par la brigade de recherches de Saint-Malo, que son « jeune collègue a eu chaud » et que c’est la première fois en 30 ans qu’il avait sorti son arme de service. Les deux hommes se disent perturbés par cette intervention et demandent que le prévenu soit interdit de séjour en Ille-et-Vilaine pour ne pas croiser sa route.
Le jeune homme qualifie de menteurs les deux gendarmes :
Où sont les vidéos ? Ils auraient dû actionner leurs caméras. C’est leur parole contre la mienne.
Un détenu agressé, un gardien menacé
Il nie également avoir volé la voiture. Tout comme il se défend d’être trafiquant de drogue. « Je connais juste du monde qui en a. » Il fournissait cependant régulièrement la propriétaire de la voiture : « Elle me l’a prêtée, pour services rendus. » La femme tient un autre discours. Elle avait porté plainte aussitôt et dû appeler ses parents pour la conduire chez elle. « Il me menaçait, me demandait souvent de le véhiculer », affirme-t-elle.
Le prévenu prétend que sa violence, « c’est du passé ». Mais il doit bien admettre qu’à peine incarcéré après son arrestation, il a frappé un détenu qui l’aurait insulté et qu’il connaît bien. « C’est tout ? » demande la juge qui lui rappelle qu’il a aussi menacé un gardien. « Ça, c’est rien, je ne menace pas de frapper quelqu’un, je le fais », s’indigne-t-il.
Puis il perd le contrôle face au procureur, Fabrice Trémel qui lui demande pourquoi il a refusé de communiquer aux enquêteurs, le code de son téléphone : « Est-ce parce qu’on y aurait trouvé des contacts de trafiquants de drogue ? »
« Et s’il y a une sextape dans mon téléphone ? »
Les mots fusent : « Et s’il y des sextapes dedans ? Et si je ne veux pas que les enquêteurs voient des images de moi et ma femme faisant l’amour ? », répond-il sur un ton agressif où le tutoiement se substitue au respect de rigueur – « Mais c’était un tutoiement narratif », le défend, quelques minutes plus tard, son avocat, Frédéric Birrien.
Pour le procureur, hors de question d’envisager un sursis probatoire :
Son objectif unique et absolu était de fuir à tout prix. Dès qu’il est frustré, il fait montre de violence. Violence dont, c’est inquiétant, il n’a aucune conscience. Il ne fera rien pour régler le problème, ses sursis ont été par deux fois révoqués, on ne peut lui faire confiance.
Le parquet requiert quatre ans de prison ferme.
Frédéric Birrien trouve la peine « disproportionnée : les gendarmes n’ont pas fait de sommation. Le refus d’obtempérer n’est pas caractérisé. Ils pouvaient tirer s’ils étaient en danger mais celui qui a sorti son arme a précisé qu’il était un peu excentré par rapport au véhicule. Quant au plus jeune, ce sont les tirs qui lui ont fait prendre conscience de la dangerosité du moment. Je déteste cette phrase mais s’il avait voulu ôter la vie, il pouvait réellement foncer sur les gendarmes ».
Deux ans de prison et interdit de séjour en Ille-et-Vilaine
Le tribunal a reconnu le jeune homme coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés et l’a condamné à deux ans de prison ; une interdiction de séjour en Ille-et-Vilaine de trois ans. Il devra indemniser les gendarmes à hauteur de 1 500 €. L’indemnisation de la propriétaire du véhicule sera jugée au civil.