TEMOIGNAGES. Les deux gendarmes lot-et-garonnais ayant patrouillé avec Emmanuel Macron racontent leur expérience
Publié le 10/10/2023 à 16:32 , mis à jour à 17:39
Retour sur l’expérience insolite qu’ont vécue le 2 octobre deux gendarmes du Lot-et-Garonne : durant plus de deux heures, ils ont fait équipe avec le président de la République. Un souvenir gravé à jamais.
Scène insolite, le 2 octobre 2023 en Lot-et-Garonne : outre le soleil d’été, le président de la République arrive à pied dans la cour de la gendarmerie de Damazan, les mains dans les poches, suivi de son ministre de l’Intérieur, tape la discussion avec les militaires au garde-à-vous, avant de partir avec eux en patrouille sur les routes de campagne.
Une opération de communication de l’Elysée ? Sans doute, puisque ce jour-là, entouré d’un aréopage de journalistes dûment accrédités, le Président Macron était venu annoncer la création de quelque 239 nouvelles brigades en France, dédiées à la sécurité de proximité, dans ces territoires ruraux où les gendarmes se faisaient plus rares depuis vingt ans. Pour l’occasion, Emmanuel Macron voulait vivre quelques heures du quotidien des gendarmes, et pour mieux expliquer les missions deux guides lui ont été assignés : les maréchaux des logis-chefs Angélique et Johnny.
« J’avoue, j’ai pas mal stressé »
Deux gendarmes de terrain. Angélique (maman solo de 38 ans) travaille à la brigade du Mas-d’Agenais depuis quinze ans. Et le chef Johnny (44 ans, père de quatre enfants) est en poste à Tonneins depuis onze ans. Ils connaissent parfaitement leur zone de patrouille.
» On nous a annoncé peu de temps à l’avance que nous allions conduire le Président, qui voulait participer à une patrouille en milieu rural, raconte Angélique. J’avoue que j’ai pas mal stressé, et j’ai mal dormi la veille… La mission n’est pas banale, c’est même unique puisque aucun président de la République ne s’était jusque-là livré à un tel exercice, d’où chez moi une certaine tension. Il fallait aussi être à la hauteur de la confiance accordée par nos chefs. »
« L’idée, complète le chef d’escadron Wolff (patron de la compagnie de Marmande) c’était de patrouiller comme tous les jours, d’être dans le réel et le spontané. Rien n’a été aseptisé, ni préparé. Il fallait réaliser nos missions classiques, avec de la police route, du contact avec la population, avec les entreprises, de la surveillance de village, etc. »
« Je suis à vous… »
A Damazan, le colonel Houzé (qui commande la gendarmerie en Lot-et-Garonne) indique au Président, en montrant ses deux subordonnées : » Vous allez monter avec eux… ». Le chef de l’Etat se tourne vers le binôme : » Je suis à vous… », tombe la veste, puis monte à l’avant du véhicule.
Au volant, le chef Johnny n’a jamais eu de copilote aussi gradé. Une fois la portière fermée (Angelique veillera à ne pas coincer le pied d’Emmanuel Macron…) la voiture part en patrouille, suivie d’un second véhicule. « Le chef de l’Etat était seulement accompagné de son garde du corps, ajoute le commandant Wolff, et dans la seconde voiture se trouvait d’autres gendarmes en patrouille. Il n’y avait pas d’autre dispositif de sécurité, pas de surveillance sur les sites où les voitures se sont arrêtées. »
A Villeton, au bord de la RD120, le Président participe à un contrôle de vitesse avec un cinémomètre. » C’est un axe roulant, il y a une école à côté, nous sommes souvent ici pour faire de la prévention », précise le chef Johnny, qui ajoute : « Les écoliers nous ont vus, et ils ont crié : « Hey il y a M. Macron ! » Il s’est alors dirigé avers eux, pour parler. C’était très sympa. »
« Sympa » ? C’est l’impression que dégage le président de la République, qui ne sera pas avare en paroles à l’intérieur du véhicule, ni en questions. » Il voulait en savoir plus sur notre véhicule, qui est récent, et j’ai d’ailleurs précisé que toutes les gendarmeries n’en disposaient pas encore, explique la cheffe Angélique. Il souhaitait des précisions sur les moyens dont nous disposions, alors on a évoqué les caméras piétons, les ordinateurs portables que l’on emporte avec nous. M. Macron voulait aussi connaître les problématiques du Lot-et-Garonne, et nous n’avons pas caché que l’on connaissait en milieu rural une hausse de la criminalité, du trafic de stups, de violences intrafamiliales. Il a découvert notre terrain, fait de champs, de petits villages, d’habitats parfois isolés et éloignés. » « On a parlé sans langue de bois, il était bienveillant, et cela m’a marqué », ajoute le maréchal des logis-chef Johnny.
Après Villeton, la patrouille se dirige vers Razimet, et s’arrête chez un entrepreneur victime récemment d’un cambriolage. Un point est fait sur l’enquête judiciaire. » C’est aussi l’une de nos missions importantes, ajoute le patron de la compagnie de Marmande, que celle d’assurer le suivi de l’enquête et d’accompagner la victime. » Puis opération de surveillance générale vers le Mas-d’Agenais, avant un long stop à Clairac, où le Président doit donner une interview télé.
Un repas-buffet est programmé, et le chef de l’Etat va inviter les deux sous-officiers à participer au déjeuner. Un instant convivial, encore imprévu, laissant la place à des échanges sur la vie personnelle des deux militaires. Emmanuel Macron prend ensuite le temps d’échanger avec des habitants, avec des syndicalistes agricoles, avec des écoliers et enseignants, avant que le trio de patrouilleurs se rejoigne la gendarmerie de Tonneins.
Une grande fierté
» La mission a été accomplie, se satisfait Angélique, et j’en suis très fière évidemment. Cette journée restera gravée dans mon esprit comme l’un des moments les plus forts de ma carrière. Moi, c’était la première fois que je voyais un président de la République, et je ne suis pas sûre que nos grands chefs aient vécu une telle expérience. » Pour Johnny, qui avait déjà côtoyé des personnalités lorsqu’il servait dans la Garde républicaine, « j’ai tenté de représenter tous nos camarades, et ce fut aussi un immense honneur de représenter le Lot-et-Garonne. J’ai eu un copilote à l’écoute, soucieux de nos missions quotidiennes. Quelques heures plus tard, quand tout était fini, j’ai écrit à mon père que j’étais encore plus fier d’être gendarme. »
« On n’a pas fait de casting, souligne le commandant Wolff. Nous avons pris deux gendarmes expérimentés, mais dans la seconde voiture il y avait aussi une jeune gendarme de 20 ans. Rien n’a été caché au Président, nos militaires n’étaient pas briefés pour dire ceci ou cela. On était dans l’authenticité, et le chef de l’Etat l’a très bien senti, et nous en a remerciés. Et pour nos deux sous-officiers, c’est évidemment une expérience magnifique. »