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Yvelines. Le gendarme solitaire prenait des initiatives surprenantes, en dehors des procédures

Relaxé par la justice mais sanctionné par l’institution. Ce gendarme d’Orgeval (Yvelines) travaillait en solitaire, sans aucun respect des procédures.

Il était officier de police judiciaire dans une gendarmerie des Yvelines et il a pris des initiatives plutôt surprenantes. La justice la relaxé, mais la déontologie l'a rattrapé.
Il était officier de police judiciaire dans une gendarmerie des Yvelines et il a pris des initiatives plutôt surprenantes. La justice la relaxé, mais la déontologie l’a rattrapé. (©actu)

Par François Desserre

Publié le 22 Déc 22 à 16:19 78

Ce mercredi 21 décembre 2022, un ancien gendarme de la brigade d’Orgeval (Yvelines) a comparu devant la justice, renvoyé pour détention et tentative d’offre de stupéfiants.

Âgé de 30 ans, son nom est apparu dans l’épilogue d’une affaire de trafic au sein de la maison de la prison de Bois-d’Arcy.

Il tentait de confondre un adepte du cannabis avec une méthode qui n’appartenait qu’à lui.

Jeune officier de police judiciaire (OPJ), il s’était mis en tête d’arrêter cet individu, déjà inquiété, mais pas jusqu’au tribunal.

C’est au cours de l’été 2021 que le gendarme a mis en place son piège, son coup d’achat comme on dit dans sa profession. Mais il a joué en solitaire, sans le feu vert du parquet. De personne en fait.

Vincent* a réussi à récupérer 200 grammes de résine de cannabis. Il a aussi téléchargé une application qui permet de générer un numéro de téléphone temporaire. Pour ne pas être identifié.

Avec le tout, il contacte sa cible… En se faisant passer pour un greffier du tribunal. « J’ai accès à des scellés… » indique-t-il dans son offre à 1 000 euros, accompagnée d’une photo.

Le trafiquant tique immédiatement. Il éconduit le gendarme.

Que faire de cette drogue ? La question se pose vraiment alors que son bureau commence à sentir aussi fort qu’un labo clandestin. « J’ai contacté la brigade canine pour leur proposer pour le dressage des chiens. Mais ils ne sont jamais venus. »

Les paquets deviennent d’autant plus embarrassants qu’ils n’ont jamais été placés sous scellés. Traduction : le procureur de la République ignore que la drogue existe.

Un temps relégué dans une pièce fermée, le cannabis va finir, selon les dires du gendarme, détruit et jeté dans les toilettes.

« Je l’ai fait sous les yeux d’un collègue. Et j’ai fait des photographies avec mon téléphone professionnel. Mais il n’a pas été analysé », a soutenu le militaire, face à ses juges.

« Pourquoi avoir agi de la sorte, en dehors de tout cadre juridique ? » Cette question posée par la juge, tout le monde se la posait dans la salle d’audience.

Surnommé Classement 21

La réponse a été surprenante. Celui qui se décrit comme un discret avance comme argument sa fierté et son amour-propre. 

« À la brigade, on me surnommait Classement 21. C’est le code quand il n’y a pas de suite à une procédure mal montée. Et j’en avais beaucoup. J’étais frustré. »

Indignée, la juge tance le gendarme. 

« C’est aberrant de garder de la drogue comme ça, sans scellés, dans votre tiroir de bureau, pendant 3 semaines. Vous n’êtes pas quelqu’un de très rigoureux. C’est une question de bon sens. Et en plus, vous avez été formé ! »La présidente du tribunal.

« Je ne voulais pas déranger mes collègues »

Et le militaire de répondre : « Pour moi, c’est quelque chose que l’on pouvait faire comme ça. Mon père qui était OPJ à Paris l’avait fait. Et personne ne m’a dit que ça ne se faisait pas. Et la formation ne parle pas du tout de ça. J’ai fait preuve de naïveté. J’ai toujours aimé mener mes enquêtes un peu tout seul. Je ne voulais pas déranger mes collègues. »

Dans ses réquisitions, le procureur de la République a dénoncé un défaut d’encadrement de sa hiérarchie directe, mais aussi un grave manquement du jeune OPJ. 

« Il est certain que personne n’était informé de son projet. Il était OPJ depuis quelques mois. Il n’a pas suivi les préconisations. La détention était de son fait. S’il n’a demandé conseil à personne c’est qu’il se savait dans l’illégalité. »

La magistrate a réclamé 8 mois de sursis. Elle a arraché des larmes en demandant que la condamnation soit bien inscrite au casier judiciaire. Ce qui faisait alors directement avorter sa reconversion professionnelle de pilote de ligne. Car casier judiciaire signifie accès interdit aux aéroports.

Le tribunal a finalement prononcé la relaxe, estimant qu’il n’y avait pas eu d’enrichissement personnel, « des fautes évidentes mais pas la certitude d’une intention délictueuse. »

Si la justice est passée, la déontologie aussi. De source proche du dossier administratif du gendarme, plusieurs sanctions disciplinaires ont été prises contre lui et contre la personne qui commandait l’unité à cette époque. Car elle ne pouvait pas ignorer totalement ce qui se passait, dans la mesure où l’odeur du cannabis était omniprésente.

Affecté dans un service sans enjeu et très éloigné du grand public, le jeune OPJ a présenté sa démission. Acceptée sans réserve. 

Entorse à la déontologie

« Il a pris des libertés avec la procédure. La déontologie est un sujet qui a une part entière et primordiale dans la gendarmerie. Cet homme n’est pas un truand. Il n’avait pas de mauvaises intentions. Mais on ne fait pas ce que l’on veut avec la loi quand on est officier de police judiciaire », insiste un officier.

La démission de l’ancien gendarme d’Orgeval prendra effet le 1er mars prochain. Rendu à la vie civile, il compte terminer sa formation de pilote.

* Le prénom a été modifié.

Source : actu.fr

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