« Le continuum sécurité-défense sera clairement explicité dans le futur Livre blanc car il s’impose comme une réalité » (Marc Watin-Augouard)
« Désormais, défense et sécurité sont deux soeurs siamoises avec des parties qui sont propres mais un tronc commun », affirme le général Marc Watin-Augouard, directeur du centre de recherche de l’École des officiers la gendarmerie nationale, mardi 18 décembre 2012. Il s’exprimait à l’occasion d’une conférence des « rendez-vous du correspondant-défense », organisée par l’Institut des hautes études de la défense nationale à l’Hôtel de ville de Paris sur le thème « le continuum sécurité-défense ». Selon Marc Watin-Augouard, « le continuum se manifeste par le fait qu’il n’y a pas de phénomènes extérieurs à nos frontières qui n’aient immédiatement des conséquences sur notre sécurité intérieure ». Il affirme que ce « continuum sécurité-défense était sous jacent dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, mais il sera clairement explicité dans le futur Livre blanc, parce qu’aujourd’hui il s’impose comme une réalité ».
Le directeur du centre de recherche de la gendarmerie précise qu’entre « la sécurité quotidienne mise en oeuvre par le policier, le policier municipal ou le gendarme et l’action de dissuasion avec la force nucléaire stratégique, il y un écart considérable. Mais au centre nous avons un espace nouveau, éminemment complexe, hybride, ni totalement sécurité intérieure ni totalement défense ». Il souligne qu’à l’intérieur de cet espace, « nous voyons apparaître non plus l’ennemi clairement défini par les règles de la guerre, mais un adversaire qui peut être un combattant, un rebelle, quelqu’un qui va prendre les armes et qui peut se transformer du jour au lendemain en terroriste ou bien en criminel organisé avec une capacité de mobilité étonnante entre ces trois actions ». Pour traiter cette situation, « il faut doser la capacité d’intervention, avec soit une dominante militaire mais un accompagnement de moyens de sécurité, soit l’inverse », ajoute-t-il.
RAPPROCHEMENT DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT
Le continuum défense-sécurité se traduit « par un rapprochement de tous les services de renseignement, qu’ils relèvent du ministère de l’Intérieur ou de la Défense », indique Marc Watin-Augouard. « Cela se manifeste notamment par la création du coordonnateur national du renseignement qui anime l’ensemble des services de renseignement », précise-t-il. « Autrefois, le renseignement était discontinu : il y avait le renseignement d’intérêt militaire et celui qui avait de l’intérêt pour la sécurité intérieure. Aujourd’hui, si on veut comprendre les phénomènes de terrorisme, il faut aller à l’extérieur et si on veut comprendre les phénomènes qui intéressent le renseignement militaire, il faut être à l’intérieur de nos frontières. » Et d’ajouter : « Le continuum exige que le renseignement soit coordonné et qu’il n’y ait jamais de perte ».
Ce continuum se manifeste particulièrement dans le cyberespace « sur lequel il y a aussi bien des criminels, des terroristes ou des guerriers » qui agissent « avec les mêmes armes, plus ou moins importantes selon leurs finalités ». Cela « impose d’avoir une véritable interopérabilité, d’être capable de communiquer, de se prêter des moyens, d’agir ensemble. Il faut pour cela avoir une véritable politique industrielle », souligne le général Watin-Augouard.
« POLICIARISATION DU CHAMP MILITAIRE »
Le général Marc Watin-Augouard affirme que les opérations militaires extérieures « empruntent de plus en plus des modes d’action et des moyens qui relèvent habituellement du champ de la sécurité ». Il y a donc une « interpénétration des deux champs ». Il cite ainsi « les moyens permettant de rétablir l’État de droit », notamment au Kosovo ou en Afghanistan, mais aussi « l’utilisation de la criminalistique, des empreintes ADN, pour identifier les rebelles ». Il souligne que « sur le champ de bataille, il y a une sorte de ‘policiarisation’ du champ militaire au travers du contrôle des foules, de l’utilisation de la police technique et scientifique au profit de l’action militaire ».
Il pointe également le développement « d’actions militaires qui n’ont pas de finalités militaires », par exemple la lutte contre la piraterie maritime. « De véritables opérations militaires sont engagées, mais ce ne sont pas des opérations de guerre. Leur finalité est d’empêcher des criminels organisés de monter des opérations contre les navires et, s’ils sont arrêtés, de les déférer devant des juridictions », explique-t-il. À l’inverse, « pour les G8 ou G20 à Deauville ou à Cannes, il y a un dispositif de police et de gendarmerie qui s’accompagne d’un dispositif des armées, avec une bulle qui contrôle l’espace aérien, la marine nationale qui surveille l’espace maritime et des forces terrestres engagées », précise-t-il.
Marc Watin-Augouard affirme ainsi que « la gendarmerie est par essence une force de continuum ». Elle est « une force de sécurité, parce qu’elle a les compétences de police, mais les gendarmes ont toujours le statut militaire et une formation militaire. Les gouvernements qui se succèdent y tiennent, parce qu’ils savent très bien qu’avec la gendarmerie, ils ont la capacité d’agir sur l’ensemble du spectre »