« Je sentais l’arme et je me demandais s’il allait tirer »
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En défense, Me Julien Pinelli évoquera le mobile : « Si c’était un avocat qui l’avait soufflé à son client, on lui aurait dit non. Et de plaider l’opération de la grand-mère, plutôt que le cadeau de la p’tite ». Car c’est bien la raison avancée par deux frères, comparaissant devant le tribunal d’Aix pour des faits de vol avec arme commis au magasin Intersport, le 28 septembre 2012, dans la Gandonne.
Ce jour-là, à 18 h, débute la juge Chavarot, deux gendarmes de Lançon se trouvent dans le bureau du directeur du magasin, venus récupérer des maillots en vue d’un match de foot, hommage à deux gendarmettes abattues dans le Var. L’un d’eux sort téléphoner et fait les cent pas dans le magasin, quand il voit deux hommes surgir vers les caisses. Le militaire poursuit le récit : « J’entends des cris, je vois un mouvement de foule et un homme armé braquer une caissière. Il faut un moment de réflexion pour se dire qu’on n’est pas dans un film, et j’ai agi. Je vois un canon qui se pointe vers moi, je décide d’intervenir pour neutraliser les individus. Je fais usage de mon arme ». Un braqueur est touché à la jambe et à l’abdomen. L’autre accourt pour aider son complice, qui s’avérera être son frère, et assène plusieurs coups de crosse au militaire. Lequel tient bon. Un braqueur sera interpellé.
Ces faits, Billy et Teddy Wizenne les reconnaissent, depuis le box des détenus.« On n’aurait pas dû être là. C’est une solution qui s’est offerte à nous mais on n’aurait jamais dû… Surtout mon frère. Moi j’suis un braqueur, mais j’aurais pas dû entraîner mon frère », explique Teddy Wizenne. Billy, casier judiciaire vierge et 1,4 g d’alcool/ litre de sang, avait besoin d’argent, donc, pour un cadeau d’anniversaire.
Les deux Marseillais viennent à Salon. Pourquoi Salon ? « J’avais une copine, là-bas », poursuit Teddy. Qui tente de plaider leur cause : « Ca pourrait être pire, j’aurais pu tuer mon frère. Ou le gendarme il pourrait être mort, aussi. Mais c’était une arme factice, enfin… une vraie arme qui marchait pas. Mais j’suis pas un assassin, j’aurais pas tiré ». Le militaire, lui, dit avoir vu deux armes, et surtout, avoir évalué le niveau de danger pour les caissières : « Je ne réfléchis pas, je tire puis je maîtrise l’autre à mains nues. Ce n’était pas une arme factice ».
Teddy : « Et le gendarme qui dit qu’il tire sans réfléchir, on n’en parle pas, de ça… » Le procureur sursaute. Teddy se dit désolé, à l’instar de Billy, l’aîné qui avait besoin d’argent. Excuses que ni le gendarme, ni les caissières n’acceptent :« Je ne demandais rien, moi, je travaillais. Et puis on les voit entrer et là… ça a tiré. Je sentais l’odeur de poudre, ma collègue m’a dit ‘Planque toi’, depuis je ne vais plus travailler. Je ne peux pas repasser devant le magasin. De quel droit on vient faire ça à des gens qui travaillent ? » Sa collègue confie avoir perdu confiance en elle. Me Annie Bianchi insiste sur le traumatisme de ces dames propulsées au milieu des tirs et du fait divers. Puis Me Philippe Fiat rappelle le courage et le professionnalisme du gendarme, blessé à la main, et qui avait partagé le bureau d’une gendarmette tuée.
5 et 8 ans de détention requit
Le procureur Varaldi tonne contre la « banalisation » faite par les prévenus, de ces faits : « Quand nous avons besoin d’argent pour acheter un cadeau, nous allons chercher de l’argent à la banque. » Puis de rendre hommage au gendarme, « vous n’avez écouté que votre courage et fait votre devoir », et aux deux caissières, main dans la main.
Il requiert contre Billy Wizenne 5 ans de détention, et « pas moins de 8 ans » contre Teddy Wizenne, dont le casier affiche 11 condamnations. Billy écopera de 5 ans dont 2 avec sursis et mise à l’épreuve. Son conseil, Me Pauline Chastan avait demandé à ce que sa peine lui permette de se réinsérer, son rêve étant d’être… rappeur. Et d’évoquer son parcours de vie tout aussi cabossé que celui de son frère, Teddy, condamné à 8 ans de prison. Son avocat, Me Pinelli, demandera aux juges d’éviter la « peine d’élimination » pour ce prévenu à la personnalité chaotique. Et qui avait suggéré à son frère d’aller braquer un magasin, « devant lequel était garée une voiture de la gendarmerie ».