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Le - Fausse convocation judiciaire pour pédopornographie : 19 interpellations et des conséquences dramatiques

ENQUÊTE RTL – Fausse convocation judiciaire pour pédopornographie : 19 interpellations et des conséquences dramatiques

RTL vous révèle ce vaste coup de filet au sein de plusieurs réseaux d’arnaques. Grâce à une coopération étroite entre la police et la gendarmerie, 19 personnes ont été interpellées cette semaine. Faussement accusés de consulter du contenu pédopornographique, certains destinataires de ces mails se sont résolu à payer des amendes fictives, d’autres se sont même suicidés. Le préjudice minimal est estimé à plus de 3,3 millions d’euros.

Une personne face à son clavier d'ordinateur (illustration)

Une personne face à son clavier d’ordinateur (illustration)Crédit : zan X JsI / Unsplash

 Maxime Levy

publié le 23/06/2023 à 06:00

Vous avez sûrement déjà reçu ce mail envoyé à plusieurs centaines de milliers de personnes en France. Un mail d’arnaque sous forme de convocation judiciaire expliquant que vous avez consulté du contenu pédopornographique et qu’une enquête est en cours contre vous. 

Le mail comporte un logo de la police ou de la gendarmerie et est même signé du vrai nom d’un officier de la gendarmerie, d’un commissaire de police et même de magistrats réellement en exercice. Tout cela n’est bien sûr qu’une arnaque, usurpant l’identité de fonctionnaires hauts gradés et visant à vous faire payer une amende fictive avec la promesse que les poursuites seront abandonnées. 

Pendant 2 ans, les enquêteurs de la police judiciaire de l’OCLCTIC, (Office central de lutte contre la cybercriminalité), et les gendarmes de la section de recherches de Versailles, de la Brigade de recherches de Nice et du CyberGend ont enquêté et finalement interpellés 19 individus cette semaine. 

Des petites équipes qui partagent le même mode opératoire

Il s’agit de personnes présentes en France et en Belgique, arrêtées pour leur lien avec le blanchiment de l’argent de ces arnaques. Leur garde à vue s’est terminée ce jeudi 22 juin, elles ont été convoquées pour différentes audiences en fin d’année et risquent jusqu’à 10 ans de prison. 

Au total, les autorités ont décompté plus de 150.000 signalements sur la plateforme Pharos et plus de 300 dépôts de plaintes. Les enquêteurs sont parvenus, grâce aux mails reçus par les victimes, mais aussi grâce aux coordonnées bancaires qui leur ont été données pour payer ces fausses amendes, à retrouver l’identité de ces intermédiaires. « Nous devions savoir si nous étions en face d’un seul et même réseau organisé ou si nous étions plutôt sur des petites équipes qui partagent un même mode opératoire. Et c’est finalement la deuxième hypothèse qui s’est trouvé être la bonne », explique le commissaire Christophe Durand, chef adjoint de l’OCLCTIC. 

Une arnaque qui a eu lieu dans toute l’Europe et qui s’organise souvent de la même façon. Ceux qui envoient les mails résident en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire. Avec l’aide de proches habitants dans les pays européens, des comptes sont ouverts et l’argent peut-être blanchi avant qu’une partie des sommes ne reviennent dans les poches de ceux qui rédigent ces mails. 

Des millions d’euros de préjudices estimés

« Ces mails sont envoyés à tout le monde. C’est la technique du chalutage : on envoie un filet et on voit ce que l’on ramasse. Tout le monde en France a pu être potentiellement spammé. Dans 90% des cas, les destinataires suppriment le mail, mais les autres tombent malheureusement dans le piège, et acceptent de payer ces amendes fictives », détaille le colonel de gendarmerie Thomas Andreu, chef de la section de recherche de Versailles. 

Après deux ans d’enquête, le préjudice minimum estimé est de plus de 3,3 millions d’euros. Un préjudice sans doute bien plus important, en comptant toutes les victimes qui n’ont pas porté plaintes. Au total, Les sommes demandées aux victimes vont de 1.400 à plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais de manière générale, les arnaqueurs essaient de ne pas demander plus de 5.000 euros, « sinon les banques s’alertent », précise le colonel Thomas Andreu. 

Certaines victimes l’ont payé de leur vie

Si le préjudice financier est colossal, le préjudice humain l’est encore plus : 6 enquêtes ont été ouvertes après le suicide de personnes victimes de ces arnaques. Les victimes se retrouvent isolées, démunies, parfois jugées par leur entourage lorsqu’elles en parlent. « On est sur des victimes assez âgées qui ont plus de 60 ans, pour qui la technologie reste quelque chose qui est difficile à appréhender. Des personnes qui vont faire une confusion entre des contenus érotiques, pornographiques et des contenus qui relèvent de la pédocriminalité. Si l’on rajoute à cela, la forte charge émotionnelle de recevoir un mail avec un logo de la police, de la gendarmerie ou d’Europol : c’est complétement la panique », explique le commissaire Christophe Durand. 

Parmi ces victimes, un homme s’est suicidé après avoir subi une double extorsion. Après un premier paiement de 5.978 euros, les arnaqueurs lui ont demandé de payer à nouveau la somme de 7.480 euros. Se sentant impuissant et pris au piège, il s’est donné la mort. Et ces personnes n’ont pas forcément quelque chose à se reprocher. Le parquet de Paris rappelle qu’il n’est pas du tout établi que ces personnes aient consulté du contenu pédopornographique, elles se sentent bien souvent perdues face à des accusations aussi graves. 

En cas de doute, signalez tout mail suspect à Pharos

Les autorités précisent qu’une convocation judiciaire ne se fait jamais par mail, et encore moins demander de payer une amende contre l’abandon des poursuites. « Ce n’est jamais comme ça que nous procédons. Si on a des suspicions sur une personne, si on pense qu’elle a pu consulter du contenu pédopornographique, soit on va chez elle, soit on la convoque par courrier postal », rappelle le colonel Thomas Andreu. 

Le pic de ces arnaques aux fausses convocations judiciaires a eu lieu en novembre 2021. Aujourd’hui, grâce au travail des policiers et des gendarmes, elles sont bien moins courantes, mais sont remplacées par d’autres. Quoi qu’il en soit, si l’on vous accuse par mail ou par SMS d’une infraction et que l’on vous demande de régler une amende, signalez le mail sur la plateforme en ligne Pharos et supprimez-le. Si vous avez le moindre doute, vous pouvez consulter le site cybermalveillance.gouv.fr

Source : www.rtl.fr

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