En Mai-68, un gendarme icaunais à Paris
Jeudi 17 mai 2018 à 6:55
Par Kevin Dufreche, France Bleu Auxerre
Il ne pensait pas se retrouver là, et pourtant. 50 ans après, Henri Szott, qui vit aujourd’hui à Villemanoche près de Pont-sur-Yonne, se rappelle de ses trois semaines passées à assurer le maintien de l’ordre à Paris.
Villemanoche, France
En 1968, Henri Szott est gendarme dans les forces françaises en Allemagne (FFA). Il mène une vie paisible avec sa femme et son fils, à Karlsruhe, une ville à la frontière avec le nord de l’Alsace. Mais le 8 mai 1968, il tombe « sur le cul« , d’après ses propres mots. En rentrant de l’entrainement, la nouvelle est annoncée : « l’adjudant qui tenait le poste nous a dit : ‘fini de rigoler. On prépare la cantine, et départ à Paris’« .
Trois semaines de maintien de l’ordre
Henri et ses camarades sont stationnés près de Versailles. Au départ, c’est l’incompréhension qui domine, tout le monde se demande un peu ce qu’il fait là. D’autant que lui comme ses collègues ne sont pas CRS, ils sont gendarmes, en Allemagne, ils sont chargés de la prévôté, la police militaire, ils ne sont donc pas formés au maintien de l’ordre. Pourtant, pendant trois semaines, il va passer ses nuits à ça, notamment place de la Bastille à Paris. Un souvenir impérissable :
« En tête j’ai cette image des barricades : ils avaient coupé les arbre, retourner les voitures. Et je vois ces gens derrière, avec des fusils de chasse. »
Les affrontements sont parfois musclés, les pavés pleuvent. Henri n’a jamais été blessé, contrairement à 2.000 de ses collègues au total. « On avait aucune protection, à part le casque« , rappelle-t-il. Le gendarme se rappelle aussi de la violence de certains de ses collègues, les voltigeurs, qui dégageaient le passage à coups de manche de pioche.
Le jour et la nuit
Les affrontements entre policiers et manifestants se déroulent surtout la nuit. Et Henri Szott se rappelle d’une ambiance plus « détendue », la journée. « Je fumais à l’époque, et quand j’allais acheter des cigarettes, les grévistes nous payait à boire !« , se souvient-il, lui qui avait 28 ans à l’époque, peu ou prou le même âge que les manifestants qu’ils avaient en face de lui la nuit.
« Les grévistes nous disaient : ‘C’est pas à vous qu’on en veut, c’est à vos supérieurs au-dessus !’. Manque de pot, les supérieurs ils étaient planqués, et nous on se faisait taper dessus ! »
Pour Henri Szott, ces trois semaines restent un souvenir douloureux. Il a écrit ses souvenirs sur quelques pages, les souvenirs d’un homme qui se demandait quand même ce qu’il faisait là, à faire face à sa génération.