« Crimes de guerre » en Ukraine : les gendarmes français de l’OCLCH enquêtent
Auteur : lieutenante Floriane Hours – publié le 17 avril 2022 Temps de lecture: ≃3 min.
Le 5 avril 2022, le parquet national antiterroriste a saisi l’OCLCH pour enquêter sur quatre affaires de potentiels crimes de guerre. Des faits susceptibles d’avoir été commis sur le sol ukrainien à l’encontre de ressortissants français.
Le 14 mars 2022, le journaliste franco-irlandais Pierre Zakrzewski et sa consœur ukrainienne Aleksandra Kuvshynova sont tués à Horenka, près de Kiev. Dans trois autres villes d’Ukraine, à Tchernihiv, à Marioupol et à Gostomel, trois familles françaises, rentrées depuis en France, ont raconté les exactions commises. Des actes qui pourraient être qualifiés de crimes de guerre « portant sur des faits susceptibles d’avoir été commis au préjudice de ressortissants français en Ukraine au cours des dernières semaines », et pour lesquels le Parquet national antiterroriste (PNAT) français a ouvert, le 4 avril, quatre enquêtes contre X.
Pour mener les investigations, le pôle de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre du PNAT a saisi l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), un office interministériel comprenant une quarantaine d’enquêteurs (gendarmes et policiers).
Centraliser, analyser et transmettre
L’OCLCH est spécialisé dans les enquêtes sur les crimes internationaux les plus graves (crimes de guerre, génocides,…) et les formes de criminalité qui leur sont liées, ainsi que sur les crimes motivés par la haine et l’intolérance. Dans le cas de l’Ukraine, la mission de ses enquêteurs va être de recueillir des témoignages et des éléments objectifs, de les centraliser, de les analyser et de les transmettre ensuite au PNAT. Ces éléments d’enquête vont permettre d’appuyer les procédures de crimes de guerre susceptibles d’avoir été commis envers les ressortissants français. Ils serviront également, dans le cadre de la coopération policière internationale, à documenter les actions criminelles commises sur place contre les civils ukrainiens ou d’autres nationalités. Des éléments qui seront ensuite transmis au PNAT, puis à la Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert, début mars, une enquête sur les actes commis depuis novembre 2013 (début du conflit entre les Russes et les Ukrainiens).
Une récupération minutieuse de données
Pour obtenir les éléments nécessaires aux différentes enquêtes (PNAT et CPI), les gendarmes et policiers spécialisés de l’OCLCH vont devoir trouver des moyens de récupérer des informations objectives et concrètes, et cela à distance (l’instabilité du terrain ne permettant pas de se rendre sur place). Pour cela, ils vont travailler avec différentes sources telles que les analyses poussées de vidéos et d’images satellites, l’interception de communications civiles et militaires, les données transmises par les autorités ukrainiennes après le passage des troupes russes, les témoignages des ONG (organisations non-gouvernementales) présentes sur place, mais aussi ceux des déplacés d’Ukraine, victimes ou témoins de crimes de guerre et dont les signalements ont été recueillis en France dans les brigades de gendarmerie ou les commissariats.
En plus de ces éléments et dans le cadre de l’entraide judiciaire au sein de l’Union européenne, les enquêteurs de l’OCLCH pourraient avoir accès aux données d’autres pays européens également investis sur le volet judiciaire de ce conflit. « Les dossiers, appelés à transiter par Eurojust et Europol, pourraient nourrir l’enquête mère de la CPI qui s’attachera, si les faits sont avérés, à déterminer les responsabilités au plus haut niveau», a indiqué le général Reiland aux journalistes du Figaro. Les enquêtes diligentées par la CPI, et par le PNAT pour les faits concernant les ressortissants français, devraient durer plusieurs années.