Femmes
Comment Marlène Schiappa veut féminiser le ministère de l’Intérieur
Par Anne-Marie Rocco le 08.03.2021 à 07h30
EXCLUSIF – Challenges dévoile le programme de la ministre déléguée à la Citoyenneté pour féminiser le ministère de l’Intérieur, qui s’étend à la police, la gendarmerie et aux sapeurs-pompiers. La préfète Fadela Benrabia sera chargée de sa mise en œuvre.
La ministre déléguée à la Citoyenneté présente ce 8 mars son plan pour féminiser le ministère de l’Intérieur.STEPHANE LE TELLEC-POOL/SIPA
Féminiser le ministère de l’Intérieur, c’est le projet que Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, présente ce 8 mars place Beauvau, en présence de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, et d’Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Un projet de longue haleine sur lequel « nous travaillons depuis le mois de juillet », souligne la ministre. « La préfète Fadela Benrabia est chargée de mettre en œuvre ce plan et de suivre les engagements dans la durée, auprès Secrétariat général du ministère », précise-t-elle. Quant à l’événement, qui se déroule en petit comité, il est diffusé en direct à l’attention de tous les préfets.
Nul ne pourra prétendre ignorer ce plan car il sera accompagné d’une grande campagne interne de sensibilisation au sexisme et aux discriminations, accompagnée d’un grand nombre de visuels humoristiques. Le dessinateur Antoine Chéreau a mis sa plume au service de cette cause avec des illustrations adaptées à l’univers de Beauvau. « Le sexisme, le harcèlement sont très contrôlés au ministère de l’Intérieur, affirme Marlène Schiappa, mais je veux continuer à mettre la pression, et interpeller les personnels en rappelant qu’aucun comportement sexiste n’est toléré ».
Avec ses 290.000 fonctionnaires, policiers, gendarmes ou sapeurs-pompiers, il est vrai que le ministère de l’Intérieur reste un bastion très masculin, contrairement à la fonction publique dans son ensemble, féminisée à plus de 60%. En 2021, les femmes ne représentent que 22% du personnel de la gendarmerie nationale, 28% des effectifs de la police nationale, et 16,6% des sapeurs-pompiers. Mais au sommet de l’organisation, le Secrétariat général du ministère a d’ores et déjà engagé sa mue, comme l’y invitait la loi Sauvadet du 12 mars 2012 : 42% des primo-nominations concernent des femmes, et l’on compte désormais 40 préfètes dans l’Hexagone, ainsi que 152 sous-préfètes, et 3 préfètes de région.
« Mais la féminisation n’arrive pas naturellement, il faut l’accompagner », remarque Marlène Schiappa. Or, « le ministère de l’Intérieur est le premier contributeur à la lutte contre les violences faites aux femmes, rappelle-t-elle. 53.000 policiers ont été formés à la suite du Grenelle des violences conjugales, et des formations initiales qui n’existaient pas ont été créées ».
Des efforts avaient déjà été engagés ces dernières années : mise en place en 2012 d’un cycle de formation « Ariane », axé sur le management, pour les cadres supérieurs féminins, déploiement de 650 référents égalité/mixité sur tout le territoire, recours croissant au télétravail qui bénéficie à 70% aux femmes. Pour aller plus loin, Marlène Schiappa vise l’égal accès des femmes et des hommes aux corps, grades et emplois du ministère. « Il nous faut mieux repérer les talents féminins pour pouvoir proposer au président de la République des nominations de femmes à des postes à haute responsabilité », précise la ministre.
Un programme de mentoring
Dans cette optique, elle donne le départ, ce 8 mars, à un cycle de formation « Ariane Junior » destiné aux jeunes cadres féminins pour développer leur leadership, notamment grâce à un programme de mentoring, et leur permettre de s’affirmer. « Nous leur apporterons ainsi un véritable appui et accompagnement en début de carrière et un effet de réseau positif », précise Marlène Schiappa.
Autre volet du plan d’action : « Nous lançons une étude auprès des populations de catégorie A+ [la plus élevée, NDLR] pour repérer les freins existants aux carrières féminines. Je confierai également une mission au réseau Femmes de l’Intérieur ». Présidé par la générale de gendarmerie 4 étoiles Isabelle Guion de Méritens, habituée à faire figure de « première femme » à chacun de ses postes successifs, ce réseau regroupe des femmes de tous niveaux au ministère de l’Intérieur. « Il devra travailler sur la constitution d’un vivier et l’accompagnement des femmes dans leur parcours. Aujourd’hui, nous n’avons pas de vivier existant, seul le bouche à oreille fonctionne », rappelle la ministre qui va « envoyer une instruction aux préfets pour identifier les profils remarquables sur le terrain. » Une action qui n’aura sans doute pas d’effet immédiat. « Mais il nous faut agir au long cours », insiste-t-elle.
Dans l’immédiat, pour mieux motiver les troupes, un événement est organisé ce lundi 8 mars au sein du ministère : « Commandantes ! ». Au cours de trois tables rondes – « s’affirmer », « résister à la pression » et « commander » – des femmes en responsabilité interviendront dans un format « conversations privées », parmi lesquelles Pascale Dubois, première patronne des CRS ou la commandante Karine Lejeune, très engagée dans les violences faites aux femmes. Car l’ancienne secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes sait bien l’importance des exemples concrets pour inspirer le jeunes femmes en début de carrière : « On ne dira jamais assez l’importance des rôle modèles. »