Au tribunal pour avoir fauché deux motards de la Gendarmerie dans l’Orne
Deux motards de la gendarmerie avaient été violemment percutés par une automobiliste à Montchevrel (Orne). Un seul a pu reprendre son travail. Le jugement est mis en délibéré.
Publié le 6 Jan 23 à 18:56
Le colonel Pierre-Olivier Benech, patron des gendarmes de l’Orne, le capitaine Stéphane Fournier, patron des motards du département et quelques autres proches étaient présents dans la salle d’audience, ce jeudi 5 janvier 2023, du tribunal correctionnel d’Alençon (Orne), pour soutenir leurs camarades.
Le 31 août 2021, vers 15 heures, un accident de la route est signalé sur la commune de Montchevrel (Orne), mettant en cause deux motards de la brigade motorisée de Mortagne au Perche (Orne) et une voiture conduite par la prévenue, une habitante de Bretoncelles (Orne).
Il s’agit d’un choc frontal, dans une ligne droite où la vitesse est limitée à 90 km/h et les conditions atmosphériques sont bonnes.
Les constatations vont établir que le choc a eu lieu sur la voie de circulation des motards, c’est donc bien la conductrice qui a traversé la route pour venir percuter les motards. Elle en a d’abord percuté un puis un second avant de terminer sa course contre un arbre, de l’autre côté de la route.
Pas de vitesse excessive
Des débris de véhicules sont relevés sur une très longue distance matérialisant ainsi la violence de l’impact. Le calcul de la vitesse réalisé par un expert n’a pas révélé de vitesse excessive de même qu’il a été établi que la conductrice n’utilisait pas son téléphone portable. Les dépistages pratiqués sur les conducteurs se sont révélés négatifs.
L’état du premier motard est tel qu’il a dû être héliporté vers le CHU de Caen (Calvados). Souffrant de plusieurs fractures, sa consolidation n’est toujours pas prononcée et bénéficie, pour l’instant, d’une ITT de 450 jours (interruption temporaire de travail). Son collègue a lui été transporté au centre hospitalier d’Alençon où une ITT de 120 jours lui sera prescrite. La conductrice a été transportée au centre hospitalier de Mortagne-au-Perche.
« J’ai juste vu une couleur »
Je me rappelle juste quand je suis sortie de ma voiture. Je n’ai pas de souvenir du choc. Je n’ai pas vu de motard, j’ai juste vu une couleur » explique la prévenue, une petite femme de 68 ans. « Comment pouvez-vous expliquer cet accident ? » lui demande Eugénie Lallart, la présidente. « Il s’agit d’un accident, sans raison particulière, je n’avais pas bu, il n’y avait pas de stupéfiant, je ne roulais pas vite.
Echange en la prévenue et la présidente
Elle explique que lorsqu’elle a passé ses examens, les médecins lui auraient dit qu’elle avait été victime d’un rictus amnésique. Elle ajoute également qu’elle prend quotidiennement un traitement médical, mais sur ce point, les expertises ordonnées n’ont pas permis de mettre en lien les médicaments prescrits et l’accident.
Elle avoue, en pleurs, que depuis elle n’a plus jamais reconduit et présente ses excuses aux deux militaires de la gendarmerie.
Les avocats des parties civiles se félicitent que cette femme ait, elle-même, pris la décision de ne plus conduire et sollicite un renvoi sur intérêt civil revenant sur des blessures conséquentes qui ont considérablement changé la vie de leurs clients. Le moins blessé a dû se déplacer en fauteuil roulant pendant six mois. Son collègue n’est toujours pas consolidé et a dû entreprendre des aménagements dans son logement. Encore aujourd’hui, ce sont plusieurs séances de rééducation par semaines.
Quand on est gendarme, c’est par vocation et quand on est motard, c’est par passion, mais il n’est pas certain que mon client puisse aujourd’hui poursuivre sa carrière de motard.
Me Bertrand Deniau Avocat des parties civiles
« C’est ma faute, je me suis assoupie. Des mots qui sont difficilement recevables » tonne Marguerite Gamber, la procureure de la République. Des faits reconnus et des conséquences gravissimes. « Un quotidien qui a complètement changé pour ces deux gendarmes ». Elle requiert une peine de 18 mois de prison avec sursis, « ce qui n’est rien à côté des dommages subi par les gendarmes » et l’annulation de son permis de conduire.
« Il faut arrêter de se moquer du monde »
« Comment ma cliente, pouvait-elle envisager que ce jour-là, à cette heure-là, elle allait perdre connaissance ? Les examens médicaux ont évoqué un rictus amnésique, mais pouvait-elle le prévoir ? » interroge Me David Legrain, l’avocat de la prévenue. Selon lui, sa cliente est une conductrice prudente et c’est une cause indépendante de sa volonté qui est à l’origine de cet accident de la circulation. Il demande à ce qu’aucune faute ne soit retenue contre sa cliente et plaide la relaxe.
L’attitude et la plaidoirie de cet avocat qui n’avait pas informé ses contradicteurs de ses conclusions a énergiquement fait réagir Me Deniaud et ses confrères.
Il faut arrêter de se moquer du monde, il y a quand même une ligne qui a été franchie et une conductrice qui est venue percuter deux motards qui eux étaient à leur place sur la route. On fait des erreurs, on les assume.
Me Deniaud
Même la procureure de la République demandera à reprendre la parole adhérant aux propos de Me Deniaud et rappelant que le rictus amnésique n’a été évoqué qu’après l’accident.
Le jugement est mis en délibéré et la décision sera rendue à l’audience du 16 mars 2023.