«Il me paraît essentiel que la justice se transforme pour devenir une cyberjustice», estime le général Marc Watin-Augouard
« Il me paraît essentiel que la justice se transforme pour devenir une cyberjustice », affirme le général Marc Watin-Augouard, directeur du centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale. Il s’exprimait lors du Forum du Rhin supérieur sur les cybermenaces organisé par la région de gendarmerie d’Alsace et les officiers de la réserve citoyenne à l’Éna à Strasbourg, mardi 6 novembre 2012. Il précise qu’aujourd’hui « les compétences techniques des magistrats » en matière de cybercriminalité « dépendent souvent de leur bon vouloir et de la manière avec laquelle ils ont appréhendé les phénomènes cyber ». Pour Marc Watin-Augouard, il y a ainsi « un vrai problème. La technicité des enquêtes et des investigations devra amener nécessairement vers la création d’une juridiction nationale spécialisée en matière de cyberespace, comme cela existe en matière de terrorisme ou de santé publique. Le pôle justice est encore à achever. »
« Aujourd’hui, il y a 250 spécialistes, 700 correspondants et bientôt 200 assistants, donc plus de 1 000 » gendarmes travaillant sur les problématiques de cybercriminalité, « c’est bien, mais ce n’est pas assez », affirme par ailleurs Marc Watin-Augouard. « Demain, les pratiques professionnelles devront, dès la formation initiale, intégrer l’ensemble des problématiques du cyberespace. Ce ne sera pas une option, tout le monde devra être capable de gérer ces problématiques, parce que tout devient numérique ».
Citant le rapport du sénateur Jean-Marie Bockel (Union centriste, Haut-Rhin) sur la cyberdéfense, le général estime que l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) joue aujourd’hui le « rôle de pompier et fait de la prévention et de la restauration là où les entreprises sont attaquées ». « Quand on arrivera au terme de la montée en puissance » de cette agence, « il y aura en France 500 spécialistes là où les pays d’outre-Manche ou d’outre-Rhin sont à plus de 600 ou plus de 800 ». Marc Watin-Augouard estime donc que l’État doit, sur le sujet de la cybercriminalité, « faire des choix politiques extrêmement rigoureux », dans « un contexte budgétaire particulièrement difficile ».
PORTEUR DU PROJET À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE
Le directeur du centre de recherche rappelle en outre que « le 23 novembre 2001, il y a eu la signature de la convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité. Malheureusement, tous les pays du monde ne l’ont pas signée et tous les pays qui l’ont signée ne l’ont pas ratifiée ». Il souligne ainsi : « La Chine et la Russie ne sont pas dans le dispositif, parce que nous n’avons pas la même approche. Nous souhaitons une sécurité de nos systèmes, qui garantissent bien sûr l’intégrité de nos données, alors que d’autres considèrent que ce sont les données qui sont stratégiques et qu’il faut les contrôler parce qu’elles ont une dimension politique. »
« Aujourd’hui, le problème sur la scène internationale est que personne n’arrive à se mettre d’accord. Le risque que nous courons est, qu’au niveau de l’Onu, nous essayions de trouver un point d’accord entre tout le monde et que nous sortions une convention qui serait le plus petit dénominateur commun. Comment voulez-vous alors progresser ? », s’interroge Marc Watin-Augouard. Il affirme que la France doit avoir, en matière de cybercriminalité, « une politique bien affichée » et qu’elle doit être « porteur du projet à l’échelle internationale ».