Main arrachée en Bretagne : quelles grenades utilisent les forces de l’ordre ?
Samedi, devant le portique « écotaxe » de Pont-de-Buis, sur la RN 165 dans le Finistère, un manifestant a eu une main arrachée. Le procureur de la République, qui a ouvert une enquête lundi, a expliqué qu’une grenade lacrymogène, très probablement lancée par un gendarme mobile, a explosé au moment où le manifestant s’en saisissait pour la repousser plus loin ou la renvoyer vers les forces de l’ordre. Une grenade lacrymogène ? Nous nous sommes demandé si cette version était possible où si un autre type de grenade avait pu être utilisé.
Il arrive fréquemment que des manifestants ramassent des grenades pour les relancer vers les CRS ou gendarmes (généralement au pied, mais pas toujours), mais il est très rare qu’ils en perdent une main. Il y a des précédents :
- En 2001 : une grenade avait arraché la main d’un pompier de 55 ans qui manifestait à Lille. On l’avait d’abord présentée comme une grenade lacrymogène ; il s’agissait en fait d’une grenade offensive assourdissante de type F4.
- En 1986 : lors des manifestations contre le projet Devaquet, Patrick Berthet, un postier de 28 ans, avait perdu sa main en voulant renvoyer une grenade lacrymogène.
Côté police, on me parle aussi de « grenades de désencerclement », qui ont été ajoutées à l’arsenal en 2004 : ce sont des grenades offensives, qui peuvent envoyer des éclats de caoutchouc. Elles sont utilisées « lorsque les forces de l’ordre sont encerclées et doivent briser cet encerclement ». Une telle arme ne peut être utilisée que « dans un cadre d’autodéfense rapprochée et non pour le contrôle d’une foule à distance ». Ce qui n’était manifestement pas la situation à Pont-de-Buis.
De source « gendarmerie », on assure donc qu’il ne pouvait s’agir d’une telle arme. Pour des opérations de dispersion, il existe trois type de grenades, explique-t-on de même source :
Les grenades lacrymogènes simples, qui ne sont pas considérées comme des armes ;
Les grenades à effet de souffle,encore appelées grenades instantanées (ou GI) : leur seul danger, si on ne les ramasse pas, c’est la projection du bouchon allumeur, nous précise le riverainRenard15, militaire) ;
Les grenades qui combinent gaz lacrymogènes et effet de souffle (ouGLI, Grenades lacrymogènes instantanées).
Les trois types de grenades ont pu, selon cette même source « gendarmerie », produire le drame de samedi. Toutes les trois fonctionnent de la même façon : le gendarme dégoupille la grenade et la lance, en principe au ras du sol. Il peut la lancer à la main (jusqu’à 20 mètres) ou à l’aide d’un lanceur de type Cougar (au-delà de 20 mètres et jusqu’à 120 mètres).
« Moyens proportionnels »
Avant de lancer des grenades, un officier de police judiciaire de la gendarmerie nationale ou un représentant du préfet doit prévenir les manifestants (article 431-3 du code pénal et article L211-9 du code de sécurité intérieure) : soit par haut-parleur (« Première sommation, on va faire usage de la force » puis « Dernière sommation, on va faire usage de la force »), soit par le jet réitéré d’une fusée rouge.
Pour les trois types de grenades mentionnés plus haut, une « petite quantité de matière explosive » est nécessaire pour disperser le souffle et/ou les gaz. C’est cette charge qui, en explosant, aurait arraché la main du manifestant. J’ai demandé à mon interlocuteur s’il n’était pas possible d’imaginer des diffuseurs de gaz lacrymogènes qui n’exploseraient pas aussi violemment. La réponse :
« On peut aussi envoyer des bouts de bois ! Nous suivons une procédure précise, et les moyens que nous utilisons sont proportionnels à la pression qui est mise en face. Nous sommes dans une situation à risque, chacun en a conscience des deux côtés. Et même si on ne peut que déplorer le drame de samedi, les manifestants qui ramassent des grenades avec la main prennent des risques inconsidérés. »
Dans un document de la police nationale, consacré au maniement du lance-grenade Cougar, au chapitre « premiers secours », il est clairement indiqué que des « grenades instantanées » et des « grenades lacrymogènes instantanées » peuvent entrainer la perte d’une main :
« Les grenades instantanées (G.I.) et les grenades lacrymogènes instantanées (G.L.I.) peuvent entraîner des blessures graves (arrachement de main, …) lorsqu’elles sont ramassées avant leur explosion ».
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