Articles

Le - Livre-témoignage : le compagnonnage éprouvant des gendarmes avec la mort

Livre-témoignage : le compagnonnage éprouvant des gendarmes avec la mort

Fabienne Ausserre

14 octobre 2023 13 octobre 2023 à 15h03

Livre-témoignage du colonel Rémy Nollet : le compagnonnage éprouvant des gendarmes avec la mort
Dans son livre-témoignage, le colonel Nollet insiste sur l’humanité des gendarmes.

Le colonel Rémy Nollet a tenu à traiter de l’omniprésence de la mort dans le quotidien des gendarmes. Dans son livre Face à la mort, il puise dans son expérience pour démontrer que, confrontés aux victimes et à leurs entourages, leur sensibilité est à la peine. 

« J’invite à se décomplexer des émotions dans un corps réputé pour sa robustesse ». Dans son livre-témoignage publié aux éditions du Rocher, le colonel Rémy Nollet, qui est récemment devenu le patron du Groupement de gendarmerie de la Haute-Marne, reprend de multiples situations dans lesquelles, avec les militaires qu’il dirigeait dans une compagnie de l’Isère, il a fallu composer avec la mort. Manière de souligner qu’elle débarque bien souvent… Si le colonel Nollet relate ces « affaires » avec une infinie précaution, il reste toutefois précis : la réalité l’exige.

Des corps sans vie, les gendarmes sont donc amenés à en voir plus souvent qu’à leur tour. Après des morts violentes, parfois souhaitées ; et/ou récentes. Le spectacle de la fin d’une existence est toujours une épreuve personnelle, même s’il se répète. Qu’il fasse écho à sa propre histoire et il peut tourner à l’ébranlement. Et c’est encore au gendarme qu’il revient d’annoncer la tragédie aux proches, avant d’entendre le douloureux effet de son message funeste.

Humanité du « bleu »

« Je désirais témoigner de cette facette un peu méconnue de notre métier. Dans un département, pas une semaine ne s’écoule sans la mort ». L’auteur tient avant tout à témoigner de l’humanité du gendarme.

Qui doit faire avec la vie qui continue de poindre dans le visage d’un mort. De manière « contre-intuitive » indique l’auteur, cette empreinte-là éreinte durablement.

Qui va garder en mémoire les cris de désespoir du conjoint ou du parent auxquels il a appris le décès de l’être aimé.

Qui va affronter la pratique d’une autopsie. « C’est loin d’être anodin », concède pudiquement le colonel Nollet.

Méconnaissance

Et après, que fait le gendarme de ce quotidien ? « Il n’y a pas besoin d’un écho à une situation personnelle pour éprouver de l’émotion ». Agir est souvent salvateur. « Quand on est dans l’action judiciaire, on est dans un combat a posteriori pour la victime. Quand on est dans l’action (tout court, NDLR), ça protège de la peur ». Du gendarme confronté à la mort, on a longtemps peu parlé, poursuit le colonel Nollet. « Les armées ont eu une réflexion sur le soldat et la mort. J’ai jugé utile d’inviter à une réflexion collective pour le gendarme ». En écrivant son livre, il ignore qu’une circulaire portant sur « l’annonce des décès » est en préparation. « Elle est sortie un mois avant mon livre ». Toutefois, insiste le colonel, « aucun de mes récits n’est un cas d’école ».

Sur un fil

« Je retiens deux éléments enrichissants de l’écriture de ce livre : la réflexion que j’ai été amené à conduire ; et, après la publication de la circulaire, la réponse que j’ai élaborée pour intervenir dans des séminaires de gendarmerie ». Le gendarme marche finalement sur un fil quand, comme il lui est demandé, il témoigne de l’empathie avec l’entourage d’une victime. Gare à ce qu’elle l’empêche de « se protéger » : il doit avoir à l’œil sa vulnérabilité potentielle. Pour lui, pour ses camarades. « Les émotions profondes sont celles qui peuvent faire le plus de mal. Quand on a ressenti des choses fortes, il y a nécessité à les faire sortir tout de suite plutôt qu’elles sortent après, à la puissance dix ». Oui, le colonel Nollet tire « des leçons managériales » des situations qu’il relate. Parce que « le chef doit veiller au bien-être de ses gendarmes ». Alors, certes, il arrive que ledit chef, qui se soumet à un auto-débriefing, retienne « surtout (d’avoir été) inactif face à un drame ». Ainsi, quand des conditions météo sont susceptibles de mettre en péril ses gendarmes, c’est aller contre ceux d’entre eux qui s’estiment « à côté » d’un skieur disparu, c’est faire stopper les recherches. Au risque de retrouver le skieur mort. Si la sensibilité est certes encore bien à la peine, il est pourtant utile, et surtout salvateur qu’elle ne corrode pas le jugement du décideur.

Les droits d’auteur du colonel Nollet iront intégralement à l’association Sébio solidarité secours en montagne.

Source : jhm.fr

Be Sociable, Share!