Vendée : nouveau désaveu pour la gendarmerie dans l’affaire des factures du chauffage de la caserne
La Cour administrative d’appel a désavoué l’Intérieur, qui voulait faire annuler les jugements du tribunal administratif dans l’affaire des « rappels de charges de chauffage ».
Par Nicolas Pipelier
Publié le 27 Sep 23 à 13:46
La Cour administrative d’appel de Nantes a désavoué le ministre de l’Intérieur, qui voulait faire annuler les jugements du tribunal administratif de Nantes ayant eux-mêmes annulé les « rappels de charges de chauffage » qu’il avait envoyés à quinze gendarmes de la caserne Gouvion de La Roche-sur-Yon (Vendée) pour 2013.
Pour rappel, ces militaires – qui s’étaient vu réclamer « de 700 à 2 000 € » chacun – estimaient que ces rappels de charges locatives étaient illégaux dans la mesure où ils ne sont justifiés par aucun relevé individuel de leur consommation de gaz.
« La circulaire du 28 décembre 2011 relative à la gestion des charges d’occupation au sein de la gendarmerie (…) est illégale en tant qu’elle interdit expressément l’individualisation des frais de chauffage« , avait ainsi indiqué leur avocat, Me Grégoire Tertrais (Atlantic-Juris), lors d’une première audience qui s’était tenue le 27 septembre 2022.
« Tout immeuble collectif pourvu d’un chauffage commun doit comporter (…) une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif », prévoit en effet le Code de l’énergie.
De 700 a 2 000 € par gendarme
Mais pour les services de Gérald Darmanin, l’administration n’était « pas tenue » d’appliquer cette règle pour l’année 2013 : elle estimait avoir « jusqu’au 31 mars 2017 pour se mettre en conformité » et pouvoir donc « répartir les charges de chauffage au prorata des surfaces chauffées en l’absence de compteurs calorimétriques individuels ».
Reste que cette créance est « prescrite », pour l’avocat des gendarmes. Une jurisprudence du Conseil d’Etat était d’ailleurs venue confirmer entre-temps que les casernes de gendarmerie « ne sauraient se soustraire au principe d’individualisation » des factures de chauffage, avait déjà estimé la rapporteure publique à l’audience.
« Il ne résulte (…) d’aucun texte législatif ou réglementaire que les casernements (…) destinés à l’hébergement des personnels de la gendarmerie nationale (…) seraient (…) soustraits aux règles d’individualisation des charges de chauffage« , redit donc la Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt en date du 9 juin 2023 qui vient d’être rendu public.
« Il est constant que le logement en cause bénéficiait en 2013 d’un système de chauffage commun et était pourvu d’appareils permettant d’individualiser les frais (…) dans chacun des logements », rappellent les juges dans un arrêt où le gendarme concerné s’était vu réclamer cinq ans plus tard un rappel de charges de 1 085€ de la part de sa hiérarchie.
La facture des frais de justice continue
Pour sa défense, le ministère de l’Intérieur mettait en avant la réponse qu’il avait faite en 2016 sur le sujet : il y était indiqué que « de la souplesse a été introduite » avec « un échelonnement » dans la mise en service des appareils de mesure. « Cet échelonnement permet de conserver l’ambition de la mesure tout en y apportant de la flexibilité », résumait-il.
« Les immeubles seront équipés progressivement avec priorité pour les bâtiments plus énergivores« , disait aussi le ministère. Mais cet argument ne peut pas être invoqué dans cette affaire puisque « le logement en cause était déjà équipé, en 2013, d’un système individuel permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque logement », réplique la cour.
« L’éloignement de la chaudière collective provoque en outre une déperdition énergétique importante », avait précisé l’avocat des militaires lors de l’audience. « Les remises de facturation accordées aux occupants (…) du fait de problèmes de chauffage se sont traduites par une surfacturation pour les occupants non concernés par ces problèmes. De même, les (…) locaux techniques de la caserne, aux volumes conséquents, ont été pris en compte dans la répartition des charges. »
Finalement, et « sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la prescription », les juges en ont déduit que le ministre de l’Intérieur n’était « pas fondé » à réclamer l’annulation des jugements du tribunal administratif. Il devra en revanche payer 1 000 € à chacun des requérants pour prendre en charge leurs frais de justice.