« Des hommes, des femmes et des familles » : à Mayotte, les gendarmes de la brigade nautique interceptent toujours plus de bateaux de migrants
Dans le cadre de l’opération « Wuambushu » dédiée à la lutte contre l’immigration illégale, ces militaires ont été chargés de renforcer leurs patrouilles pour repérer les kwassas-kwassas, ces bateaux de pêche abritant des habitants des Comores sans papier. Franceinfo a suivi l’une de ces sorties en mer.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Publié le 26/04/2023 12:00 Mis à jour le 26/04/2023 13:17
Le soleil va bientôt se coucher et le navire intercepteur de la brigade nautique de Mayotte s’éloigne doucement des côtes de Mamoudzou. « On est partis pour une patrouille de 16 heures à minuit. En plus des deux bateaux de gendarmerie, deux bateaux de la PAF (police aux frontières) qui occupent les différents secteurs de l’île », explique Mohamedi, l’un des deux chefs de bord, en lien permanent avec l’opérateur de la marine nationale.
« On met un peu plus de moyens sur l’eau, on a réarticulé le dispositif », explique-t-il. Alors que l’opération « Wuambushu » contre la délinquance et l’immigration illégale, se poursuit, Mohamedi et ses collègues ont été chargés de renforcer leurs patrouilles. Dans leur viseur : les kwassas-kwassas, ces canots de pêche venus des Comores avec à leurs bords des dizaines de passagers en situation irrégulière.
Mayotte, point d’arrivée de toute la région
À bord du navire, deux écrans. « Ça permet à la personne qui m’accompagne d’avoir directement le visuel sur la cartographie de l’île pour me guider en cas de nécessité », décrit Ludovic, lui aussi aux commandes. Plusieurs messages signalent des pêcheurs, c’est ce que l’on appelle « les levées de doute« .
« La marine a différents radars pour surveiller un peu tout le lagon. Et si jamais ils aperçoivent ce qu’on appelle un écho – le radar va capter un objet sur l’eau – sur lequel ils ont un doute, ils vont nous envoyer pour qu’on puisse vérifier, poursuit le militaire. Nous, on va leur dire si ce sont des simples pêcheurs ou alors une embarcation qui pourrait venir des Comores ou de Madagascar parfois ».
Mayotte est devenue le point d’arrivée des migrants de toute la région : Comoriens en tête, mais aussi Malgaches et Africains de l’Est. L’année dernière, 8 000 personnes avaient déjà été arrêtées, soit une hausse de 23% par rapport à 2021. Selon la préfecture de Mayotte, pour le seul trimestre 2023, 2 255 personnes interpellées et 173 kwassas-kwassas interceptés, un chiffre au plus haut depuis deux ans.
« Cela engendre forcément un contrôle d’identité »
« Il faut imaginer que c’est quand même des embarcations qui font, pour les plus grandes, entre huit et neuf mètres, décrit Ludovic. Parfois, c’est juste du bois ou autre. Et ils sont jusqu’à 30, voire 40 personnes parfois, ce qui est très dangereux pour la navigation. Donc nous, on va d’abord aller dessus et si on voit que les conditions de navigation ne sont pas bonnes pour eux, on les fera monter sur notre embarcation, on les fera revenir sur terre. Et cela engendre forcément un contrôle d’identité. Et les personnes qui ne sont pas en mesure de justifier de leur identité seront remises aux services nécessaires pour de plus amples vérifications », précise le gendarme.
Sur ces embarcations de fortune, « il y a des hommes, des femmes, enfants, familles, glisse-t-il. Parfois, ça arrive aussi d’avoir des personnes malades ».
« Ils nous le disent clairement que c’est l’hôpital d’où ils viennent qui leur dit ‘Si vous voulez être soignés, vous allez en France parce que nous, on ne pourra rien faire »
Ludovic, chef de bord de la brigade nautique de la gendarmerie à france info
Ce soir-là, la mer est agitée, mais la situation calme. Puis un faisceau laser vert fluo qui clignote au large attire l’attention des militaires. « Il faut voir si le laser n’est pas en train de guider une embarcation en mer, indique Mohamedi. Mais vu qu’il n’y a pas de lumière… En général, les pêcheurs ont leur lumière quand ils sont en mer ». Après plusieurs minutes à scruter la surface de l’eau à l’aide de puissants projecteurs, fausse alerte. « Ce sont des choses qui arrivent. Et il vaut mieux aller lever le doute, être sûr que ce n’est pas une embarcation qui a besoin de porter secours plutôt que de laisser passer », conclut Ludovic.
Le souvenir d’un « bébé d’un an »
Parfois, les gendarmes arrivent trop tard. L’adjudant Stéphane, originaire de Grasse, et en renfort pour quatre mois à Mayotte, se souvient de son premier jour avec la brigade nautique : « Elle m’a marqué celle-là, c’était la première, mais également parce qu’il y avait un bébé mort sur l’embarcation, un bébé d’un an. Tout ce qui s’ensuit… L’arrivée des secours en bateau, la dépose de la dépouille sur le quai à Mamoudzou. C’est choquant ».
Malgré le refus des Comores de laisser accoster sur ses côtes les bateaux de migrants comoriens expulsés, les gendarmes disent poursuivre sur leur mission.