Justice
Tribunal de Chartres : le gendarme vise une promo et dérape
Publié le 18/04/2021 à 10h00
Un gendarme eurélien, aujourd’hui à la retraite, est condamné à un an de prison ferme pour faux et usage de faux. Il augmentait les taux d’alcool de certains automobilistes pour pouvoir les verbaliser. « C’était pour avoir l’avancement auquel j’avais droit », justifie-t-il.
L’ancien gendarme ne parvient pas à se départir, à la barre du tribunal de Chartres, de l’attitude martiale à laquelle il a été habitué au cours de ses presque trente ans de carrière.
« Je suis honteux », assure-t-il. « J’ai été victime d’injustices au cours de ma carrière. Je voulais améliorer mes statistiques. »
Pour les améliorer, ce maréchal des logis-chef de 52 ans, aux états de service irréprochables, a utilisé un étonnant subterfuge, au cours de l’été.
Ce sont ses collègues qui s’en sont aperçus, à la fin du mois de septembre 2020. Il était en train de verbaliser un automobiliste, qu’il aurait contrôlé avec un taux d’alcool de 0,46 mg par litre d’air expiré. Un taux délictuel, passible de la rétention immédiate du permis de conduire, de la suppression de six points et d’une convocation devant la justice.
Les collègues du gendarme jettent un œil sur le cadran de l’éthylomètre. À leur grande surprise, il affiche un taux de 0,13 mg. Un taux qui n’est passible d’aucune sanction.
La hiérarchie du gendarme est immédiatement alertée. Le procureur de la République charge la brigade de recherches de Dreux d’enquêter sur les agissements présumés du gendarme.
L’éthylomètre est saisi. L’appareil garde en mémoire les taux affichés à l’occasion des contrôles d’alcoolémie. En croisant les dates et les heures, avec les procès-verbaux dressés par le gendarme, les enquêteurs retrouvent une dizaine de victimes verbalisées à tort, avec toutes les conséquences qui en découlaient.
Le gendarme, qui a fait valoir ses droits à la retraite le 1er novembre, est jugé pour faux et usage de faux en écriture publique.
« Vous risquez dix ans de prison », assène Rémi Coutin, le procureur de la République. « Si nous avions retenu la circonstance aggravante de dépositaire de l’autorité publique, vous seriez passible de la cour d’assises. »
Les procédures annulées
Le gendarme affirme, qu’outre les injustices dont il s’estimait victime de la part de ses supérieurs, le comportement des automobilistes qu’il contrôlait régulièrement l’exaspérait : « Ils n’ont plus de respect pour l’uniforme et souvent, ils minimisent leurs fautes. »
Des arguments que tant les avocats des victimes que le procureur de la République ne veulent pas admettre. « Il a trahi la confiance que les citoyens ont dans la gendarmerie », regrette Me Josiane Martins, qui défend un retraité de 78 ans, qui, jusqu’alors, n’a eu aucun problème avec la justice. « Son taux enregistré était de 0,09 mg par litre d’air expiré. Il a été verbalisé à 0,47 mg. Pendant sa suspension de permis, il est resté enfermé chez lui, à la campagne. Il faisait confiance au gendarme et comme tous les autres, il n’a pas pensé à regarder son taux sur l’appareil. »
« Vous avez trahi la confiance que les victimes ont dans la gendarmerie, mais aussi celle de vos collègues, de l’institution et de mon service », réagit Rémi Coutin, avant de réclamer trois ans de prison, dont un an ferme, contre l’ancien gendarme.
« Il était peut-être arrivé à un point de saturation », plaide en défense Me Vincent Rivierre, en regrettant que son client n’ait pas été soumis à une expertise psychiatrique.
Le procureur de la République s’est engagé à ce que les procédures menées à tort contre les automobilistes verbalisés soient annulées et que leurs points leur soient restitués sur leur permis de conduire.
Le tribunal a suivi les réquisitions. L’ancien gendarme effectuera sa peine de prison ferme à son domicile du Loiret, sous forme d’une détention sous bracelet électronique.
Jacques Joannopoulos