Gendarmerie, police municipale, pompiers : à L’Aigle, les femmes sont aux commandes
Gendarmerie, police municipale, centre d’incendie et de secours, à L’Aigle, ces trois institutions sont commandées par des femmes. Un cas unique dans l’Orne.
Publié le 8 Mar 21 à 9:30
En cette semaine du 8 mars 2021, Journée internationale des droits des femmes, Le Réveil normand est allé à la rencontre de la lieutenante Frédérique Michel, la brigadier-cheffe Stéphanie Lecomble et la capitaine Lætitia Trassard, trois commandantes de choc.
À elles trois, elles ont sous leur autorité 110 personnes, dont une majorité d’hommes, et tout le monde file droit.
La lieutenante Frédérique Michel, la brigadier-cheffe Stéphanie Lecomble et la capitaine Lætitia Trassard, respectivement à la tête de la communauté de brigades (COB), de la police municipale et du centre d’incendie et de secours (CIS) de L’Aigle, font figure d’exception, non seulement à L’Aigle, mais aussi dans le département de l’Orne. Il n’y a en effet pas d’autres femmes à ces postes.
Pour autant, elles n’ont bénéficié d’aucun passe-droit. Ces postes, elles les doivent à leurs compétences, à leur travail et à leur investissement de tous les instants.
Trois femmes, trois parcours
Recrutée à la police municipale de L’Aigle en janvier 2000, après avoir réussi son concours, Stéphanie Lecomble a commencé sa carrière en tant que brigadier 1er échelon avant de gravir un à un tous les échelons jusqu’à être promue, le 1er janvier 2017, chef de poste.
« C’est l’ancien chef de la police qui m’a encouragé à passer le concours », indique-t-elle. Un homme de bon conseil.
Lætitia Trassard a mené pendant de nombreuses années une double carrière d’infirmière de bloc opératoire et de sapeuse-pompière volontaire (SPV). Elle est même devenue, dans le département, la première femme SPV cheffe d’un centre de secours, celui de Sap-en-Auge.
D’infirmière à commandante des pompiers
Jusqu’au jour où elle n’a plus retrouvé en l’hôpital les valeurs qui l’animent depuis toujours : le dévouement, le sens du secours, l’aide à la personne et la solidarité. « Il y a beaucoup de notions d’argent et la clientèle a remplacé la patientèle », explique-t-elle.
En revanche, « chez les pompiers, ces valeurs sont toujours présentes alors j’ai décidé de me professionnaliser ». Dix-sept années de volontariat lui ont permis d’entrer directement par la grande porte en prenant le commandement du CIS de L’Aigle le 1er avril 2019 avec le grade de capitaine.
C’est également en 2019 que la lieutenante Frédérique Michel est arrivée à L’Aigle. Bien qu’issue d’une famille de militaires, devenir gendarme à son tour ne faisait pourtant pas partie de ses plans.
Une évidence
Jusqu’au jour où elle a passé les portes d’une brigade, par hasard, « pour accompagner mon frère qui avait eu un accident avec ma voiture » et qu’elle a pris un prospectus du genre « devenez gendarme ». Et là, ce fut une évidence.
« Quand j’ai passé les portes de l’école des sous-officiers de Montluçon, je me suis sentie chez moi et je me suis dit : tu vas pouvoir être utile ».Lieutenante Frédérique Michel
« On a besoin les uns des autres »
Gendarme depuis 2005, Frédérique Michel a multiplié les affectations et les expériences avant de passer le concours d’officier de gendarmerie et d’intégrer l’École des officiers de la Gendarmerie nationale de Melun pour une formation sur deux ans.
Le 1er août 2019, elle a pris le commandement de la COB de L’Aigle. « J’ai une très bonne équipe, jeune, motivée, dynamique, et un très bon adjoint », se félicite-t-elle.
Amenées régulièrement à travailler ensemble, les trois commandantes s’entendent parfaitement bien. « Sur L’Aigle, les liens interservices sont importants », souligne la capitaine Trassard qui se réjouit de leur très bonne coopération et des liens de confiance qui se sont tissés entre elles. « C’est quelque chose d’exceptionnel », note-t-elle.
Solidaires
À L’Aigle, cette fameuse guerre entre la police et la gendarmerie n’a donc pas cours, comme l’assure la brigadier-cheffe Lecomble.
« On a besoin les uns des autres et on ne peut pas travailler bien autrement ».Brigadier-Cheffe Stéphanie Lecomble
« On n’hésite pas, quand on a un souci, à se concerter toutes les trois et on trouve toujours une solution », ajoute la lieutenante.
Un peu de solidarité féminine dans ce monde de brutes ne nuit donc pas. Et quand personne n’essaie de ramener la couverture à soi, ça fonctionne tout de suite nettement mieux.
Des femmes exerçants des métiers d’hommes
Pas question cependant de bénéficier d’un traitement de faveur, que ce soit pour elles ou pour leurs collègues femmes. « Je ne me positionne jamais comme femme », assure la lieutenante Michel. « À la COB, il y a sept femmes sur vingt-neuf personnels et pas une qui fait sa princesse ». Même constat pour la capitaine Trassard :
« Il n’y a ni hommes, ni femmes, que des pompiers. Je demande aux femmes exactement la même chose qu’aux hommes »Capitaine Laetitia Trassard
Elle s’inclut dans le lot. Quant à la brigadier-cheffe Lecomble, elle se considère comme « une femme exerçant un métier d’homme ».
« Les gens ont plus envie de se confier à nous »
Mais même si elles agissent comme des hommes, elles le font avec leur qualité de femmes. « On apporte de la douceur et de la compréhension et les gens ont plus envie de se confier à nous », rapporte la lieutenante. Ce qui peut faire avancer une enquête, par exemple, plus rapidement.
Dans un bel accord, elles affirment n’avoir aucune difficulté à commander des hommes et soulignent leur bonne entente avec leurs collaborateurs comme avec leur hiérarchie.
« Après, ça dépend des hommes », reconnaît Stéphanie Lecomble. « Avec certains, le dialogue n’est pas possible ». C’est quelquefois plus difficile sur le terrain, la misogynie restant bien ancrée chez certains mâles désireux de rester dominants.
L’uniforme gomme les différences
Pas de différence de salaire non plus entre les hommes et les femmes, vu qu’il est indexé sur la grille indiciaire en fonction de l’âge et de l’ancienneté, que ce soit dans la police municipale, la gendarmerie ou les sapeurs-pompiers.
L’uniforme, qu’elles portent toutes les trois et qui a pour but de gommer les différences de genre, contribue aussi à leur permettre de se fondre dans le groupe (mais pas dans la masse), à une nuance près cependant : lors des cérémonies.
« Et là, il faut mettre une jupe et des chaussures de vieille », lâche Lætitia Trassard, ce qui fait bien rire ses deux collègues. Quitte à mettre des escarpins, autant qu’ils soient tendance. On peut bien lui accorder cette petite coquetterie toute féminine.
Mais ce sera bien la seule. Pour paraphraser Groucho Marx, on peut affirmer, sans ciller, que les femmes sont des hommes comme les autres.