Oise : les victimes de violences conjugales peuvent porter plainte à l’hôpital
Afin de faciliter le dépôt de plainte des personnes victimes de violences intrafamiliales, policiers et gendarmes, en civil, peuvent désormais se rendre directement au centre hospitalier de Compiègne-Noyon.
Par Stéphanie Forestier Le 22 février 2021 à 16h40
C’est en vase clos que la parole pourra émerger. C’est en tout cas le pari pris par les autorités et l’hôpital de Compiègne-Noyon dans la lutte contre les violences intrafamiliales, notamment celles faites aux femmes.
Le centre hospitalier de la Cité impériale vient en effet d’aménager, dans plusieurs services de médecine, des salles spécifiques pour que victimes et forces de l’ordre se rencontrent. Policiers et gendarmes pourront désormais y recueillir des plaintes.
Les forces de l’ordre interviennent en civil pour plus de discrétion
« Il ne se passe pas une semaine sans que nous n’intervenions trois ou quatre fois pour des violences à domicile. Mais les victimes font souvent machine arrière quand il faut aller au commissariat, regrette le commissaire de Compiègne, Pierryck Boulet. À l’hôpital, avec un soignant, elles sont plus en confiance. »
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D’autant que toutes les précautions sont prises. « Lors de ces interventions, nous sommes en civil, détaille l’officier. C’est moins impressionnant pour les victimes et cela permet de ne pas éveiller les soupçons de l’accompagnant, au cas où il serait l’auteur de l’agression. »
Un vrai plus pour les personnes concernées, mais aussi pour le personnel soignant dont les possibilités d’action étaient jusque-là limitées. « Que ce soit en pédiatrie, en gynécologie ou aux urgences, tous ont été formés », précise Catherine Latger, la directrice du centre hospitalier Compiègne-Noyon.
Un dépôt de plainte ou même une simple trace écrite
Médecins, infirmières, aides-soignantes, « ils savent qui prévenir et comment manœuvrer le cas échéant, poursuit la responsable. Témoins directs, ils peuvent vite se rendre compte que des hématomes ne sont pas dus à une chute malheureuse… »
À l’hôpital, les enquêteurs pourront recueillir les confidences sans pour autant aller forcément jusqu’à une plainte. Il s’agira ainsi, a minima, de laisser des traces écrites, permettant de reconstituer l’ensemble d’une histoire en cas de jugement. Et d’éventuellement durcir la réponse pénale en conséquence.
Si ce nouveau dispositif, en partenariat avec le tribunal, a été rendu possible, c’est notamment grâce à l’ assouplissement, en juillet 2020, de la loi sur le secret médical. « Les médecins n’y sont plus soumis dans le cadre des violences conjugales quand ils constatent une emprise sur leur patiente, signale Marie-Céline Lawrysz, procureure de la République de Compiègne. Ils ne peuvent plus être poursuivis. »
Une hausse de 9 % des violences intrafamiliales en 2020
Une avancée alors que l’Unité de médecine légale (UML) de l’établissement, créée en 2004, estime que plus de 50 % de son activité (qui consiste notamment à ausculter les victimes de violences) est liée à de la maltraitance intrafamiliale. « Et le confinement n’a rien amélioré », déplore le docteur Bernard Marc, son responsable.
Le Ministère de l’Intérieur a effectivement enregistré une augmentation de 9 % des violences intrafamiliales en 2020. La procureure de Compiègne affirme ainsi qu’« il n’y a pas un jour sans qu’une affaire de ce type soit suivie par le Parquet. Sur les 164 personnes déférées entre septembre et décembre 2020, près de 20 % des affaires concernaient des violences au sein d’une même famille. »
Neuf fois sur dix, l’agression a lieu à domicile
Lors d’une étude locale menée en 2019, les chiffres de l’UML ont par ailleurs montré que dans 85 % des violences conjugales sont commises par l’actuel compagnon des victimes, le reste ayant pour origine des « ex ». Dans près d’un cas sur quatre, l’agresseur était alcoolisé et, dans neuf cas sur dix, les faits ont lieu au domicile familial.
Avec ces nouvelles actions, les autorités espèrent notamment agir sur « le chiffre noir », celui de la déperdition des plaintes. « Si une victime vient en gendarmerie déposer plainte, il n’est pas rare qu’elle la retire dans les deux jours. Souvent, elle aura subi cinq voire sept épisodes de violences en moyenne avant de les dénoncer », estime le capitaine François Parézys de la compagnie de gendarmerie de Compiègne.
Dans cette juridiction, une vingtaine d’ordonnances de protection ont été prononcées au dernier trimestre 2020 et six femmes se sont vues remettre un téléphone « grand danger ». Pour renforcer le dispositif, le parquet de Compiègne déploiera prochainement des bracelets anti-rapprochement. Le conjoint violent, condamné, sera alors géolocalisé et un système d’alerte se déclenchera s’il approche de sa victime.
Les femmes victimes de violences peuvent également recevoir de l’aide en composant le 39.19. Rens. sur le site Internet Arrêtons les violences.