La gendarmerie a des «atouts» en matière de police judiciaire
(Jacques Fombonne, centre national de formation de la PJ)
«La gendarmerie bénéficie d’une discipline militaire, d’une homogénéité de commandement et d’enseignement qui sont des atouts» en matière de police judiciaire. C’est ce qu’affirme le colonel Jacques Fombonne, commandant par suppléance du Centre national de formation de police judiciaire, dans une interview à AEF Sécurité globale. Ce centre «propose 34 formations» et permet «d’avoir, partout en France, le même langage, de diriger les enquêtes partout de la même manière». Le CNFPJ assure également des formations pour des agents de la Poste, de la SNCF ou encore du Cnaps, explique-t-il. Il précise que «la police judiciaire est nécessaire à l’activité de sécurité publique» et que «les résultats de la gendarmerie en matière de police judiciaire sont plutôt bons». Et d’ajouter: «Mais nous restons des gendarmes et nous ne cherchons pas à imiter la police dans ce domaine.»
AEF Sécurité globale: Quelle est la mission du CNFPJ ?
Jacques Fombonne : Le CNFPJ propose 34 formations, suivies en 2012 par 2 100 stagiaires et dispensées par 34 formateurs. Il s’agit d’un centre national, cela signifie donc que tous les gendarmes ayant une activité de police judiciaire passent par ici. Cela permet d’avoir, partout en France, le même langage, de diriger les enquêtes partout de la même manière. C’est ce qui fait notre force. Toutes les unités travaillent de la même façon et le procès-verbal marseillais ne doit pas être fait différemment du PV jurassien, sinon cela induirait de graves lacunes en termes de service public.
AEF Sécurité globale: Quels types de formations proposez-vous?
Jacques Fombonne: Nous formons des gendarmes en cours de carrières, principalement des gendarmes de section de recherche ou de brigade de recherche. Nous leur apprenons les différentes spécialités qui permettent de faire de la police judiciaire, les techniques de constatations de scènes de crimes, les techniques spéciales d’enquête, avec notamment la filature, la gestion des sources, les techniques d’audition, la captation des avoirs criminels, les formations aux nouvelles technologies… Les formateurs sont quasiment tous issus des unités de recherche. Ils sont au CNFPJ pour cinq ans et sont évalués régulièrement.
Il s’agit de formations extrêmement pratiques, techniques, parfois juridiques. Les gendarmes viennent se spécialiser ou se former à différents niveaux, de l’initiation, à l’expertise. Le CNFPJ propose ainsi à la fois des informations et des formations, lors de stages d’une à neuf semaines. Les formations sont actualisées, axées sur des cas pratiques, elles sont faites pour des OPJ sur le terrain, quel que soit leur grade. Nous proposons par ailleurs différents stages d’information sur la police judiciaire, pour les commandants de compagnie notamment, qui viennent une semaine. L’objectif est de leur apprendre ce que savent les gendarmes qu’ils commandent, les moyens dont ils disposent et ce qu’ils peuvent leur demander en tant que commandant de compagnie.
Nous avons également une vraie ouverture sur l’international. Chaque année, un stage est organisé durant l’été pour des gendarmes étrangers. Les formateurs sont aussi allés en Algérie, en Colombie notamment cette année.
AEF Sécurité globale: S’agit-il de formations diplômantes?
Jacques Fombonne: Les formations et les stages sont tous validés au niveau de la gendarmerie et sont parfois nécessaires pour accéder à certains postes. Certaines formations sont également diplômantes au sens universitaire du terme. En partenariat avec l’université de technologie de Troyes, nous proposons une licence et un master d’analyse en recherche criminelle et de nouvelles technologies et avec l’université Robert Schuman de Strasbourg, nous proposons une licence et un master de délinquance économique et financière. Nous organisons un test pour sélectionner les candidats à ces formations, dont l’enseignement se fait à distance. Chaque année, entre 20 et 30 gendarmes sont sélectionnés.
AEF Sécurité globale: Le CNFPJ ouvre également ses formations à d’autres agents…
Jacques Fombonne: Nous formons aussi les gendarmes candidats à l’avancement professionnel. Cette formation a été créée pour offrir une nouvelle chance aux gendarmes n’ayant pu passer leur diplôme d’OPJ, ce qui ne leur permet pas d’accéder aux postes d’encadrement. Au lieu de suivre la préparation OPJ et de passer le concours, les gendarmes ayant déjà travaillé plusieurs années au sein d’une unité peuvent être formés au CNFPJ. Dans ce cas-là, c’est une exception, nous formons des généralistes, qui retournent ensuite dans leurs unités départementales. Il y a cette année sept stages de quatre semaines, pour en tout 280 gendarmes.
Le centre a également une ouverture sur l’interministériel. Nous proposons des stages aux agents de l’office national de la chasse et de la faune sauvage, de la Poste, ou encore de la SNCF. Nous formons également les agents du Cnaps. Nous leur apprenons avant tout une méthodologie de savoir-être: comment se mettre en situation de rédiger une procédure, repérer et caractériser les éléments constitutifs d’une infraction, les points qu’il est nécessaire de vérifier… C’est la reconnaissance d’un certain savoir-faire. Les qualités qui font la colonne vertébrale de la gendarmerie sont utiles à la police judiciaire.
AEF Sécurité globale: Les crédits du centre de formation ont-ils diminué en 2013?
Jacques Fombonne: Le CNFPJ a effectivement vu ses crédits baisser en début d’année. Cela a entraîné une baisse quantitative du nombre de formations, qui n’est pas très importante. Le nombre de formations demeure élevé. En moyenne, il y a sept stages en même temps chaque semaine. La formation «directeur d’enquête» a également été suspendue.
AEF Sécurité globale: Quelle est la place de la police judiciaire pour la gendarmerie?
Jacques Fombonne: La police judiciaire constitue près de 4054% de l’activité de la gendarmerie, mais la majorité est faite par les brigades territoriales. La police judiciaire effectuée par les sections de recherches, les offices centraux ne concerne que les grandes affaires de stupéfiants ou les homicides, c’est-à-dire qu’elle représente peu d’affaires.
Mais la police judiciaire est nécessaire à l’activité de sécurité publique. Il faut le faire de façon extrêmement professionnelle, car c’est un travail très minutieux et souvent très ingrat. La gendarmerie bénéficie d’une discipline militaire, d’une homogénéité de commandement et d’enseignement qui sont des atouts dans ce domaine. Les résultats de la gendarmerie en matière de police judiciaire sont plutôt bons. Sur près de 1.000 homicides par an, 500 sont confiés à la gendarmerie et nous les résolvons quasiment tous. La gendarmerie se judiciarise, cela est certain et c’est positif. Mais nous restons des gendarmes et nous ne cherchons pas à imiter la police dans ce domaine.
AEF Sécurité globale: Plusieurs mutualisations sont actuellement menées entre la police et la gendarmerie. Est-il envisageable de mutualiser la formation en matière de police judiciaire?
Jacques Fombonne: La mutualisation est aujourd’hui nécessaire pour les aspects logistiques et matériels. Mais, de mon point de vue, dans un État de droit, il est important qu’il y ait deux forces de police distinctes, ne serait ce que pour que les magistrats puissent choisir les services auxquels ils veulent confier une enquête. Les différences entre les deux forces créent en outre une certaine émulation, c’est positif. Il faut donc garder des formations distinctes.
Source: AEF Sécurité Globale Dépêche n° 9263 – Paris, mercredi 26 juin 2013.