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Le - Christiane Taubira indique être « favorable » à la mise en place d’un dispositif d’attestation de contrôle d’identité

TAUBIRAURGENT. Christiane Taubira indique être « favorable » à la mise en place d’un dispositif d’attestation de contrôle d’identité        

La garde des Sceaux, Christiane Taubira, affirme être « favorable » à la mise en place d’un dispositif d’attestation de contrôle d’identité, lors d’une intervention devant les Jeunes socialistes à Paris, jeudi 14 mars 2013. « Il faut que nous arrivions à faire entendre que c’est dans l’intérêt de la République et de la démocratie qu’il n’y ait plus de contestation du travail effectué par la police », indique-t-elle. « Il y a des villes qui sont candidates pour l’expérimenter (AEF Sécurité globale n°7193) et je pense qu’il y a un enjeu de confiance qui n’est pas négligeable, y compris pour les policiers. » Elle précise qu’il ne s’agit pas de « prendre parti pour des jeunes qui subissent des contrôles abusifs contre des policiers qui abusent de leur tenue ». Pour la ministre de la Justice, « nous sommes dans une République et nous travaillons au lien social. Nous croyons profondément à la police républicaine. […] La République a besoin de sa police ». Mais la mise en œuvre d’une attestation de contrôle d’identité se ferait « dans l’intérêt des policiers ».

« Il y a des statistiques qui prouvent bien que, selon l’apparence, la tenue vestimentaire, le lieu, il y a un risque parfois cinq, sept, huit fois plus élevé d’être contrôlé que si on habite un autre quartier, si on a une autre apparence physique et vestimentaire », constate Christiane Taubira. « C’est un problème réel dans une République de l’égalité et de la fraternité et je pense qu’il faut le dissoudre », affirme-t-elle.

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a indiqué mardi 5 mars 2013, à l’occasion de la cérémonie de vœux du syndicat Alliance police nationale qu’il n’y aurait « pas, évidemment, d’expérimentation » du reçu de contrôle d’identité. Il a également jugé ce dispositif « inutile et inefficace ».

SITUATION « PRÉJUDICIABLE AUX PERSONNES CONTRÔLÉES ET AUX POLICIERS »

La garde des Sceaux rappelle que « les évaluations faites dans les pays qui ont mis ce dispositif en place font apparaître […] qu’il y a une tension moindre lorsque le citoyen contrôlé sait que le policier n’est pas dans une position d’abus ou que, s’il est dans une position d’abus, la République veille à ce que cela ne soit pas impuni ». Dans ces pays, « il y a une relation qui s’instaure » entre le policier et la personne contrôlée, « alors qu’aujourd’hui dans les contrôles il y a deux positions figées ». Grâce aux attestations de contrôle, « il y a une parole, un dialogue, il n’y a pas de temps mort où la tension monte. Je pense donc que c’est mieux », mais « vous savez que c’est difficile, particulièrement à des moments où la police elle-même est confrontée à un moment très difficile », indique-t-elle aux Jeunes socialistes.

Christiane Taubira estime qu’il « faut vraiment mettre un terme à cette situation qui est préjudiciable aux personnes concernées, contrôlées plus souvent qu’à leur tour, et aux policiers qui eux-mêmes sont sur la défensive et dans la tension et ressentent du danger », même si « cela n’exclut pas que [certains policiers] aient des préjugés ».

« LA LOI PROTÈGE LES POLICIERS »

Les policiers « ont le sentiment que leur métier peut être ingrat, qu’on ne les protège pas », indique la garde des Sceaux. « La loi les protège parce qu’il y a plus de 39 incriminations qui ont des circonstances aggravantes lorsqu’elles sont commises à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Mais il y a la loi et il y a le sentiment », explique-t-elle. « Il y a des portions de territoire qui ont été désertées par les forces publiques. On a enlevé les services publics éducatifs, culturels, sociaux, on les a laissé se désertifier, on a isolé les gens, on les a abandonnés y compris à la loi du plus fort et souvent on laisse les policiers se débrouiller avec le désordre installé dans ces quartiers », ajoute-t-elle.

« La responsabilité de la puissance publique est de mettre un terme à une ambiance, des inégalités, des injustices, des exclusions qui font que les citoyens et les fonctionnaires se retrouvent face à face. On ne veut pas d’une société comme cela, mais le moment est difficile pour faire admettre cela », affirme-t-elle.

« IL Y A BEAUCOUP DE FICHIERS ILLÉGAUX »

Interrogée sur les fichiers, Christiane Taubira affirme : « Une démocratie a besoin de fichiers, mais il y a beaucoup de fichiers illégaux. Je crois qu’il y a de l’ordre à mettre » dans cette situation. « Nous avons vu se développer des interconnexions qui font que des gens qui ont des profils qui n’ont rien à voir ensemble se retrouvent dans les mêmes fichiers et ces fichiers sont utilisés avec des marges d’erreurs considérables. Cela est dangereux pour les citoyens. […] On se rend compte qu’il y a une dynamique un peu folle dans certains fichiers », indique-t-elle.

Elle cite par exemple le Fnaeg (fichier national automatisé des empreintes génétiques), qui contient « plus de 2,9 millions de personnes enregistrées pour 398 000 personnes condamnées. Donc, 2,5 millions de personnes sont là parce qu’elles sont victimes, parce qu’elles ont été partie civile, témoins, impliquées… » Ce fichier, « qui était au départ un fichier pour les délinquants sexuels a été élargi aux dégradations, y compris les dégradations en cas de manifestations. Nous avons là typiquement un procédé qui était nécessaire – c’est normal d’avoir un fichier des délinquants sexuels -, mais quand quelqu’un qui a participé à une manifestation se retrouve dans le même fichier, cela fait froid dans le dos », souligne la garde des Sceaux.

Elle précise que la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés « est une bonne loi de protection des libertés. Encore faut-il que tous les dispositifs qui permettent aux citoyens de savoir ce qui est écrit sur eux, de savoir à qui écrire pour faire modifier ou supprimer l’information, d’avoir une instance qui contrôle et s’assure que c’est fait soit mise en place. Il faut qu’on y travaille ». Elle rappelle également qu’il y a « un travail important à faire au niveau européen » et cite la directive européenne sur la protection des données traitées à des fins de détection des infractions pénales et le règlement, qui concerne le cadre général de la protection des.

SUPPRIMER LES PEINES PLANCHERS ET ADAPTER LES COMPARUTIONS IMMÉDIATES

Christiane Taubira réaffirme par ailleurs que « les peines planchers seront supprimées ». Elle estime que ce dispositif « sont un automatisme qui postule une défiance vis-à-vis du magistrat. Au lieu de considérer que le juge a une haute conscience de sa mission, individualise […] et prononce la peine la plus adaptée, on se méfie et on instaure des automatismes. Nous faisons confiance aux magistrats et nous voulons restituer leur liberté d’appréciation ».

Elle souligne également que « les comparutions immédiates, dont on a fait un usage abusif, seront adaptées aux cas où cette procédure est nécessaire et efficace ». « Il y a des situations où il faut de la comparution immédiate, c’est mieux pour l’auteur des faits et pour la victime. Mais on a multiplié probablement par dix l’usage de la comparution immédiate, certaines juridictions en font une proportion considérable. On ne conçoit pas la justice ainsi », affirme-t-elle.

Source : CaptureAEF sécurité globale Dépêche n° 8616 Paris, vendredi 15 mars 2013

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