Le major à la retraite qui ouvre la «boîte de pandore» sur la vie en gendarmerie
Un gendarme qui se met à table, ce n’est pas courant. Encore moins quand il s’agit de dénoncer les conditions de vie en gendarmerie, et principalement la qualité des logements.
C’est dépourvu d’animosité à l’égard de l’arme qu’il a servie pendant trente-cinq ans et encore moins guidé par un esprit de revanche que le major Florent Pelletier s’exprime aujourd’hui, libéré de ses obligations de réserve depuis une mise à la retraite demandée par lui-même et effective au 1er janvier. « Entendons-nous bien, je ne veux pas cracher dans la soupe. La gendarmerie m’a nourri… J’aurais pu continuer quelques années encore… Mais là, j’arrête. » C’est entendu.
S’il arrête, c’est en grande partie en raison des conditions de vie au casernement du Quesnoy et en particulier dû à l’état du pavillon F5 dans lequel l’ex-gendarme était tenu de loger, seul, lors des astreintes, soit quatre-vingt-dix jours par an, en raison des NAS (nécessités absolues de service). Le reste du temps et les vacances, il rejoignait la maison que le couple a fait construire en 2000 à Villereau. « Ma femme n’a jamais voulu habiter au casernement », précise le major. Et à visiter les lieux, fin décembre, quelques jours avant que le militaire ne « rende » le logement, on comprend pourquoi. Installations électriques vétustes ou bricolées, chaudière murale à bout de souffle, absence totale d’isolation, papiers peints d’époque gaullienne renvoient aux années cinquante, la période pendant laquelle le casernement a été construit, en 1952. Qui plus est, ce pavillon a cohabité pendant des années avec un gigantesque séquoia qui a dû être abattu, la poussée exercée par ses racines étant plus que vraisemblablement à l’origine du fissurage du bâtiment qui ne sera plus réaffecté en raison du danger qu’il représente.
Classement sans suite
Depuis la réalisation de l’ensemble, pratiquement aucune opération d’entretien – excepté la pose inefficace de fenêtres en PVC – n’a été menée sur ce patrimoine. Seuls quelques gendarmes ont apporté leur contribution personnelle, comme dans le grenier de l’ancien logement du major, où une épaisse couche de laine de verre a été posée. « Les neuf logements sont tous dans le même état. Il n’y a eu aucun diagnostic de fait, sur l’isolation, le plomb… L’isolation, c’est la brique et le papier peint. L’hiver, la chaudière tournait jour et nuit pour avoir à peine quinze degrés dans la maison », complète le major. Quant à la gendarmerie elle-même, installée dans une ancienne demeure de maître, elle a beau trôner au milieu d’un joli parc, elle souffre du même constat, auquel s’ajoute l’absence de conformité aux règles de sécurité. Un seul exemple : le parquet d’Avesnes-sur-Helpe y a interdit un temps l’usage du local de garde à vue. L’hiver, le gardé à vue y risquait l’hypothermie. « On avait installé un thermomètre. En dessous de seize, on ne l’utilisait plus, on plaçait les gens à droite, à gauche, dans les gendarmeries environnantes. » Depuis, un chauffage a été installé. « Mais si on se place côté dignité humaine, ce n’est pas ça », dit encore l’ex-gendarme au sujet de ces lieux.
Si le major Pelletier ouvre la « boîte de pandore », ce n’est pas tant pour les mille euros d’impôts locaux et les factures astronomiques d’énergie qui étaient à régler par lui-même pour ce logement vétuste. C’est pour se faire en quelque sorte porte-parole pour les anciens collègues en exercice, tenus à la réserve, pour que les choses bougent, dans ce casernement et les autres, l’exemple quercitain étant loin d’être isolé. Car en quatre ans passés au Quesnoy, le major a interpellé tous les étages de la hiérarchie, sans réel retour. Pourtant, un projet de gendarmerie neuve est dans les cartons. Un terrain a même été trouvé au bout de… quatre ans de discussions.