Violences conjugales : les gendarmes de Toulouse-Mirail lancent une expérimentation unique en France
Nom de code CELVIC. Pour Cellule de lutte contre les violences conjugales. Une expérimentation unique en France lancée par la compagnie de gendarmerie de Toulouse-Mirail.
Publié le 15 Mar 20 à 14:20 |Modifié le 15 Mar 20 à 14:28
Être frappé(e), rabaissé(e), psychologiquement harcelé(e), victime de chantage affectif… Les violences conjugales revêtent des formes aussi diverses qu’elles touchent de milieux socio-professionnels variés.
« On recense 30 infractions sous cette dénomination. Et, pour ce qui nous concerne, 10% des victimes sont des hommes », détaille le lieutenant-colonel Emmanuel Chanon, commandant de la compagnie de gendarmerie de Toulouse-Mirail.
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270 cas rapportés en 2019
Sur ce territoire « dense et péri-urbain », à l’ouest de Toulouse, la gendarmerie veille sur la tranquillité de 180 000 habitants. Dans ce secteur, les locaux des brigades troquent souvent leur ADN rural pour revêtir les oripeaux des commissariats de quartier. L’officier décrypte sans langue de bois :
Parfois, la salle d’attente peut prendre des airs de cour des Miracles. Ce n’était pas, à mon sens, le lieu propice pour que des victimes de violences conjugales, qui ont parfois mis des mois voire des années à se décider, patientent, avant de livrer à des gendarmes leurs souffrances intimes.
Fort de ce constat, et du volume important d’affaires traitées par sa compagnie en la matière, en 2019 (270 faits rapportés), le lieutenant-colonel Chanon a mis sur pied « une expérimentation unique en France » à l’échelle de la gendarmerie : la création d’une cellule entièrement dédiée à ce fléau sociétal.
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Nom de code : CELVIC
Baptisée CELVIC (pour Cellule de lutte contre les violences conjugales), elle existe depuis janvier 2020 et tourne… à plein régime. « Nous avons dédié six enquêteurs à cette cellule, deux femmes et quatre hommes, qui ne font que ça, 24 h/24, sept jours sur sept. En deux mois, nous avons déjà été saisis de 80 faits ».
L’augmentation est considérable (+78%). Celvic est, en quelque sorte, victime de son succès. « Comme c’est une sorte de guichet unique, et que cela commence à se savoir, des victimes contactent la cellule même en dehors de son secteur théorique de compétence. Mais nous enregistrons toutes les plaintes », assure M. Chanon.
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« Prise en charge personnalisée »
Quand une victime de violences conjugales contacte la gendarmerie, elle est désormais systématiquement mise en contact avec CELVIC :
C’est à la fois un confort pour la victime, qui a affaire à des enquêteurs spécialisés clairement identifiés, et du stress en moins pour les brigades, qui sont déchargées de ce contentieux. Les enquêteurs de la cellule, basée à Villeuneuve-Tolosane, proposent du sur-mesure. Si la personne ne peut pas se déplacer, ils viennent chez elle. Si elle travaille le matin, on peut lui proposer un rendez-vous le soir. C’est une vraie prise en charge personnalisée.
Souvent le binôme d’enquêteurs intervient en civil, pour abolir les distances. Rassurer leur interlocutrice(teur). Libérer la parole. Le lieutenant-colonel Chanon avoue avoir réalisé un gros travail relationnel de terrain sur les 56 communes de son ressort. « Il a fallu se faire connaître, étoffer le réseau de partenaires, rassembler toutes les structures qui travaillent dans ce domaine, créer une sorte d’annuaire d’intervenants si en juin, après évaluation, CELVIC n’était pas renouvelée ».
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Souvent parole contre parole
Née sur le terreau du Grenelle des violences conjugales, l’idée directrice de la CELVIC est celle de l’entonnoir. Elle est la cellule spécialisée qui enregistre les plaintes. Qui approfondit les enquêtes. Qui va plus loin. Le lieutenant-colonel Chanon sait toutefois qu’en la matière rien n’est jamais gagné :
Il ne faut pas oublier qu’en matière de violences conjugales, c’est souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre. On nous fait parfois le reproche de ‘ne pas croire les victimes’ sur parole, justement. Mais dans un état de droit, sans preuve tangible, la justice ne peut pas condamner. Une victime n’a pas toujours les traces d’un coquard sur la figure avec ses enfants pour témoins. Les violences psychiques ou psychologiques sont beaucoup plus délicates à caractériser.
Contacter la cellule CELVIC
Pour joindre la cellule CELVIC, contacter le numéro unique : 05.62.87.10.64. Par mail : cgd.toulouse-mirail+celvic@gendarmerie.interieur.gouv.fr
Par : Laurent Derne|