Violences conjugales : le plan de bataille de Taubira
Thibault Raisse | Publié le 24.11.2014, 23h22 | Mise à jour : 25.11.2014, 07h20
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, lors d’un discours le 30 octobre 2014 à la convention nationale des avocats à MontPELLIER | pASCAL GUYOT
Un doublement des cas en 10 ans. Le texte dévoile le chiffres des condamnations pour violences conjugales depuis 10 ans : entre 2004 et 2013, leur nombre a presque doublé, passant de 9129 à 17.972, soit une augmentation de 96,9% ! Sans surprise, 90,5% des condamnés sont des hommes. En 2013, près de 70.000 affaires ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie, la justice apportant une réponse pénale dans 87% des cas, soit 1% de mieux qu’en 2012.
La prise de plainte (presque) obligatoire. La circulaire entérine un principe simple : une victime de violences conjugales doit toujours pouvoir déposer une plainte, et celle-ci doit entraîner l’ouverture d’une enquête. En clair, les services de police ou de gendarmerie ne pourront plus traiter ces dossiers à la légère, en remplissant une simple main courante, dont l’enregistrement ne déclenche pas la machine judiciaire. Sans être pour autant bannie, la prise d’une main courante au lieu d’une plainte en bonne et due forme doit être «très exceptionnelle», souligne encore la ministre.
Un stage de sensibilisation contre la récidive. En plus des peines de prison ou de suivi judiciaire type contrainte pénale, les juges vont pouvoir prononcer un stage de sensibilisation contre les violences conjugales. Déjà expérimenté avec succès dans différentes régions, le dispositif pourra être choisi par le juge comme une peine à part entière, une peine complémentaire, ou constituer une alternative à une comparution devant un tribunal. Le simple rappel à la loi «doit être strictement limité aux faits les moins graves», et la prison ferme, si elle reste une option, doit être accompagnée d’une mesure de suivi judiciaire «pour lutter efficacement contre la récidive», précise le texte.
Le téléphone «grave danger» généralisé. Déjà expérimenté à Strasbourg, Amiens, et Aix-en-Provence, le «téléphone grand danger» – rebaptisé ici «téléphone grave danger» – est attribué par un procureur à une victime potentielle de violences graves ou de viols, dans les cas où l’auteur des faits est en liberté. Il permet d’alerter immédiatement les autorités en cas de menace. Le document entérine la généralisation de cette mesure à la France entière, le nombre d’appareils passant de 147 actuellement à 400 d’ici au premier trimestre 2015.
Violences conjugales : oser passer les portes du commissariat
LeParisien.fr
Violences conjugales : Cazeneuve veut «systématiser le dépôt de plainte»
Propos recueillis pas Adrien Cadorel | Publié le 24.11.2014, 18h40 | Mise à jour : 25.11.2014, 00h59
A la veille de la journée de sensibilisation contre les violences faites aux femmes demain mardi, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve annonce en exclusivité pour «Le Parisien»-«Aujourd’hui en France» la création d’une convention, signée entre l’Intérieur, la Justiceet la police, destinée à faciliter le dépôt de plainte des victimes.
En 2013, 121 femmes sont décédées, victimes de leur compagnon ou ex-compagnon. Ces violences inacceptables doivent faire l’objet d’une réponse pénale et sociale. J’ai décidé d’en faire une priorité de l’action des forces de police et de gendarmerie, dans le cadre du plan interministériel 2014-2016. La convention que nous allons signer demain à deux objectifs principaux. D’abord, systématiser le dépôt de plainte par les victimes, en leur expliquant que cela permet d’éviter l’impunité des auteurs. Ensuite, même en l’absence de plainte, organiser le suivi systématique et immédiat de chacune de ces femmes et la prise en charge par les intervenants sociaux en commissariat et par le secteur associatif. 22 protocoles comme celui qui doit être paraphé aujourd’hui à Paris ont d’ores et déjà été signés, notamment en Seine-Saint-Denis ou en Ardèche, et 18 le seront avant la fin de l’année, dans les Ardennes, le Calvados ou encore à la Réunion.
En France, tous les deux jours et demi, un homicide est commis au sein du couple. Je ne veux pas que les femmes qui subissent ces violences continuent à souffrir en silence. Porter plainte, c’est un préalable pour mettre fin au calvaire que constituent les violences conjugales. Nous devons expliquer inlassablement aux femmes victimes de violence que l’Etat est là pour les protéger et les accompagner. Les services de police et de gendarmerie doivent expliquer aux femmes leurs droits et les moyens dont elles disposent pour se protéger des violences.
A l’instar d’ateliers de sensibilisation mis en place dans des universités de médecine, faut-il davantage sensibiliser les effectifs de police et de gendarmerie à la détection, et au traitement spécifique de ces victimes?
Le ministère de l’Intérieur consacre des moyens de plus en plus importants au suivi et à l’accompagnement des femmes victimes de violence. En plus des brigades de protection de la famille et des correspondants locaux « aides aux victimes » présents sur l’ensemble du territoire, 140 intervenants sociaux assurent une orientation immédiate des victimes en commissariat, et 83 interviennent dans les groupements de gendarmerie. Ce chiffre est amené à doubler dans les prochaines années. Sur le point spécifique de la sensibilisation, en plus de la formation initiale et continue systématique à destination des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, un kit pédagogique composé notamment d’un livret d’accompagnement et d’une fiche-réflexe « aide à l’audition des victimes de violences au sein du couple » a été diffusé cette année aux directions centrales et à la préfecture de police à destination des personnels concernés. Ce travail doit se poursuivre pour faire en sorte que les femmes victimes de violences soient prises en charges le mieux possible par les forces de sécurité.
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