Vendanges : un procès pour traite d’êtres humains dans le champagne à Reims
Mercredi 30 juin 2020, s’ouvre dans la ville de Reims un procès de grande ampleur. Six personnes et trois entreprises seront jugées pour traite d’êtres humains, des migrants qui travaillaient comme ouvriers agricoles dans des vignes de la Marne.
Publié le 30/06/2020 à 16h56 • Mis à jour le 30/06/2020 à 17h53
Le procès va durer trois jours. Et une nouvelle fois, il va mettre en lumière la part d’ombre de certaines sociétés prestataires de services agricoles.
Six personnes et trois entreprises sont jugées de mercredi à vendredi par le tribunal correctionnel de Reims. Elles sont soupçonnées d’avoir fourni à des viticulteurs champenois de la main-d’œuvre, qu’ils ont fait travailler dans des conditions indignes. Ce sont pour l’essentiel des migrants.
L’affaire a débuté en plein coeur de l’été 2010, au mois d’août. Des enquêteurs du Comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf) de la Marne, découvrent des travailleurs clandestins chez un prestataire viticole d’Oiry, près d’Épernay. « Ils étaient une vingtaine à dormir dans une pièce, sur des matelas au sol. Il n’y avait qu’un seul point d’eau dans la pièce, l’eau de la douche était froide et elles étaient très peu nourries », nous racontait à l’époque une personne proche du dossier. Certains d’entre eux ne recevaient même aucun salaire. Logés à 15 ou 20 dans une même pièce, sans eau chaude, dormant à même le sol, leurs conditions d’hébergement étaient « indignes ».
« Des conditions proches de l’esclavagisme »
Les gendarmes tirent le fil de la pelote et ils découvrent une mécanique extrêmement bien huilée. Les prestataires de services connus des viticulteurs de la Marne et de l’Aube faisaient leur marché en région parisienne, mais aussi à Amiens, Chartres et du côté d’Angers. Ils y recrutaient des hommes en situation de grande précarité. « Des hommes originaires d’Afrique ou d’Afghanistan. »
Leurs conditions de travail sont inhumaines, « proches de l’esclavagisme ». L’enquête a démontré que sous la contrainte, ils faisaient des journées de travail de quasiment 12 heures, avec seulement quelques minutes de pause. Les prévenus intervenaient dans la Marne et l’Aube. Ils sont poursuivis pour « travail dissimulé aggravé et recours au service d’une personne exerçant un travail dissimulé aggravé », « emploi d’étrangers sans titre », « conditions d’hébergement indigne » et « traite d’êtres humains ». Ces ouvriers étaient parfois recrutés dans des campements de migrants, précise-t-on à l’OCLTI.
« Aucune maison de champagne n’a été mise en cause pénalement dans le présent dossier », ont cependant précisé le parquet de Reims et la gendarmerie nationale dans un communiqué commun.
Eric Normand