Une semaine avec les super-gendarmes du GPI
- Clicanoo.com
- publié le 8 février 2015
- 05h50
Ils représentent le dernier rempart. Le recours face à une situation gravissime : prise d’otage, arrestation d’un forcené, cavale d’un dangereux malfaiteur. Et, bien évidemment, riposte à la menace terroriste. Spécialisés dans les opérations délicates, les gendarmes du groupe des pelotons d’intervention (GPI) se préparent tous les jours pour affronter le pire. Le Journal de l’île a pu suivre leurs entraînements pendant une semaine avec des instructeurs du GIGN, venus de Satory.
Une prise d’otages dans une administration ou une entreprise, des terroristes retranchés dans un avion à la Réunion ou Mayotte, un bus détourné par un forcené, l’interpellation d’un malfaiteur prêt à ouvrir le feu. C’est pour faire face à ces situations les plus graves que s’entraînent quotidiennement les gendarmes du Groupe des pelotons d’intervention (GPI).
Installés à la caserne de la Redoute à Saint-Denis, ces militaires d’élite ont pour mission d’être opérationnels dans un délai maximal d’une demi-heure. La création de ces unités par la gendarmerie a eu pour objectif de créer en outre-mer une force d’intermédiaire entre les pelotons d’intervention et le GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale). Leur quotidien : des opérations délicates et surtout beaucoup d’entraînement pour être toujours prêt à répondre : du sport, des arts martiaux, du tir, et des techniques d’investigations. Il y a aussi l’entraînement invisible : le retour d’expérience après une opération, le débriefing.
À la Réunion, le GPI est constitué d’une quarantaine de militaires, dont une dizaine de Réunionnais. Ce sont eux que l’on voit lourdement casqués, équipés, et puissamment armés lors des événements les plus marquants. Mais la plupart du temps, ils sont invisibles car doivent mener des missions de renseignements, d’observation ou encore de filature.
La moitié des membres du GPI se trouve en situation d’alerte 24 heures sur 24. Ils sont répartis en deux équipes. L’une en alerte dite immédiate prête à bondir dans leur fourgon Vito avec tout leur équipement (armes, gilets pare-balles, boucliers). L’autre en alerte différé capable d’arriver en renfort. « Nous devons nous projeter très rapidement sur toutes les situations de crise, précise le capitaine Thierry L., commandant du GPI à la Réunion. L’officier est un militaire à l’expérience rare, rompu aux missions difficiles. Il y a 20 ans, il était avec ses équipiers du GIGN à Marignane pour libérer les 173 otages du vol Air France.
À travers lui, les liens avec le GIGN sont très étroits. Mais ils existent dans le fonctionnement classique de l’unité puisque c’est le GIGN qui est chargé de la sélection de leurs collègues du GPI et de leur formation. Cette semaine, trois instructeurs du GIGN venus de Satory ont d’ailleurs entamé une session d’évaluation et de formation avec le GPI de la Réunion. Avec une série d’exercices qui entre dans un cycle classique de « recyclage », comme l’on dit dans le jargon de la gendarmerie, qui met en œuvre toutes les compétences de l’équipe (lire ci-contre).
« Engagement et disponibilité »
Qui sont-ils alors ces militaires dont on voit rarement le visage ? Leur sélection s’effectue d’abord à partir des capacités physiques et de tirs propres aux troupes commandos. Puis, après des tests d’entrée, viennent six semaines de formation au sein du GIGN marquées ou pas par un agrément. « Pour un gendarme, c’est une fierté, un tournant dans une carrière », observe le capitaine Thierry L. Le mental est fondamental. Ces militaires doivent pouvoir résister à la souffrance, la chaleur ou le froid, la fatigue, à des situations où l’un de leur camarade est blessé en opération ».
Autre qualité indispensable : l’engagement et la disponibilité. « Revenir pendant ces vacances en cas d’alerte, c’est un état d’esprit. Parfois le message est dur à faire chez les jeunes. Je fais alors de la marteau-thérapie », sourit l’officier qui durant ses années GIGN a formé nombre de sous-officiers et d’officiers.
Lors de la sélection sont écartés ceux qui sont jugés comme des « éléments incontrôlables ». Des militaires tentés de jouer les héros et mettant en péril la vie de ses collègues.
Le contrôle de soi, la capacité d’analyse sont aussi des critères déterminant. « Ici, le collectif prime toujours sur l’individuel. La cohésion du groupe est une valeur cardinale », ajoute le capitaine Arnaud L.G., adjoint au commandant L. « Il faut savoir être humble, dit encore ce dernier. Jamais dire ’’on est les meilleurs’’. Mais se remettre en question. Être capable de connaître ses limites. Nul n’est à l’abri d’une faiblesse. On peut se retrouver aussi face à la loi de l’emmerdement maximum. C’est pourquoi l’esprit d’équipe et la solidarité comptent énormément ».
Dans leur intervention, ces militaires savent qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur. Parce qu’ils mettent leur vie en danger pour en sauver d’autres. Bras armé de l’État, incarnant l’ordre public, ils doivent savoir faire preuve de maîtrise dans l’emploi de la force face à des adversaires déterminés et prêts à en finir.
« Dans mon métier, il faut être un peu parano »
Les prises d’otages d’il y a un mois à Paris qui ont suivi le massacre de l’équipe de Charlie Hebdo ont tragiquement rappelé l’importance des forces spécialisées dans l’intervention. Et, localement, ramène une lancinante question : en raison de son isolement géographique, La Réunion
est-elle épargnée par des risques d’attentat ? Évidemment non.
Le discours des pouvoirs publics est clair : ne pas tomber dans le catastrophisme mais, surtout, rester vigilant. « Notre territoire malgré sa culture du vivre ensemble n’est pas à l’abri d’événements graves », a récemment rappelé le préfet Dominique Sorain aux responsables des forces de l’ordre. Ce type deconsignes date toutefois pas de janvier. La menace terroriste perdure depuis des années avec des pics.
« Notre devoir est de pouvoir proposer à l’autorité préfectorale et judiciaire des solutions à une crise, résume le capitaine L. En cas d’événement exceptionnellement grave, le GIGN pourra intervenir ici. Mais il lui faudra un certain nombre d’ heures pour arriver. Il faut donc pour agir tout en restant en lien avec eux ».
Le leitmotiv de ces militaires : se préparer au pire. « Dans mon métier, il faut être un peu parano, reconnaît le capitaine Thierry L. Toujours essayer d’avoir un temps d’avance sur l’adversaire. Et savoir anticiper la menace de demain ».
À la Réunion, un épisode pourrait illustrer ce principe du « ne pas s’endormir ». En avril 2009, un commando avait détourné un hélicoptère privé pour l’évasion de la prison de Domenjod de Juliano Verbard, Fabrice Michel et le père de celui-ci. Lors de la conception de l’établissement, l’État avait refusé d’installer des filins hélicoptère dans la nouvelle prison. Motif : ce type d’évasion par les airs n’avait aucune de chance de se produire dans notre île.
Reportage : Jérôme Talpin et Ludovic Laï-Yu.
L’équipement du GPI
- Clicanoo.re
- publié le 8 février 2015
- 05h59
Voici quelques-uns des équipements utilisés par les gendarmes du GPI. Qui préfèrent, pour des raisons évidentes, rester discrets sur leurs outils utilisés pour les filatures et le renseignement.
Pistolet-mitrailleur HK UMP9. LE GPI comme d’autres unités d’élite est équipé de ce pistolet-mitrailleur de fabrication allemande et de calibre 9 mm. Il s’agit d’une arme réputée pour sa qualité, une grande fiabilité, et une bonne précision. Le GPI utilise également le fusil d’assaut HK G36. Tous les deux possèdent un chargeur de 25 balles et un viseur holographique Aim-point, avec un petit point rouge dans la lunette qui désigne la cible.
Fusil de précision Tikka : c’est l’arme des spécialistes du tir longue portée sur une distance comprise entre 150 et 450 mètres. Ce fusil de calibre 7,62 est équipé d’une lunette grossissante pour les snipers qui ont aussi une mission d’observation.
Le fusil G3 : il peut être utilisé pour le tir embarqué avec un récupérateur de cartouches.
Le gilet pare-balles. Les unités comme le GPI utilisent un gilet renforcé par rapport au modèle classique qui équipe l’ensemble des forces de l’ordre. Renforcé puisqu’il possède deux plaques de céramique. L’un est porté devant par le militaire, l’autre derrière. Cet équipement fait 18 kg. Avec les armes et le reste du matériel, son poids varie entre 25 et 30 kg. Autant dire les militaires du GPI transpirent beaucoup quand ils le portent au soleil et qu’ils doivent courir avec.
Le casque d’intervention. Équipé d’une solide visière, ce casque n’a rien de commun avec celui de l’armée. Il est bien plus lourd pour mieux protéger. Au total : 4 kilos. Autant dire que vos cervicales apprécient quand vous l’essayez !
Le bouclier : Il est utilisé pour progresser sur un terrain et protéger les militaires qui avancent ou qui sont en position de tir. Il est composé d’un alliage de métaux et pèse 18 kg. Il résiste à des tirs de calibre 7,62.
Projection par hélicoptère : 18 mètres de corde avec 30 kg sur le dos
- Clicanoo.re
- publié le 8 février 2015
- 06h01
– Un statut militaire revendiqué
C’est une tradition au sein du GPI. Tous les vendredis matin, la quarantaine de gendarmes du GPI procèdent à une cérémonie de levée des couleurs à la caserne de la Redoute. Un moment patriotique et symbolique qui a toute sa force, dit-on au sein de l’unité. « C’est une façon de revendiquer notre statut militaire, de marquer notre différence ».
-Trois instructeurs du GIGN en mission à la Réunion
Trois instructeurs du GIGN sont présents à la Réunion depuis une semaine pour une mission d’évaluation et de formation à travers différents types d’exercice. « Un recyclage », dit-on au sein de la gendarmerie qui a lieu tous les deux ans pour l’Outre-mer. « Il s’agit de pouvoir travailler en interopérabilité », explique le capitaine Thierry L. Nous devons avoir les mêmes procédures, le même langage, les mêmes techniques ». En cas d’événement grave, le GPI doit être en mesure de faire face. Et de travailler à distance ou surplace avec le GIGN. « Avec les mêmes standards », dit-on au GPI. Par exemple, communiquer sans se parler, avec des signes. « Il est indispensable de bénéficier de l’expérience du GIGN, ajoute le capitaine Thierry L. C’est-à-dire une foule de petits détails qui fait gagner en expérience et en sécurité ».
Prise d’otage : la répétition d’une prise d’assaut
- Clicanoo.re
- publié le 8 février 2015
- 06h02
Dans le langage des gendarmes, on appelle cet exercice, une POM. Traduction : prise d’otages de masse. Un exercice indispensable en raison du risque élevé dans toute la France de ce type d’événement. Pour se former, se préparer, et s’entraîner, les gendarmes du GPI ont mis au point un scénario. 6 à 8 terroristes retiennent des employés d’une entreprise dans un hangar. Ils ont déjà abattu trois vigiles. L’objectif premier est de libérer sains et saufs les otages et de « neutraliser » les terroristes qui n’ont plus rien à perdre. Autrement dit, les interpeller si cela est possible ou les abattre s’ils ouvrent le feu. Dans cette configuration, la décision a été prise de donner l’assaut avant que d’autres otages soit exécutés.
Le début de l’exercice débute par un briefing du capitaine Arnaud L. G, adjoint au commandant du GPI. Les consignes sont claires et précises. Les militaires sont réparties en quatre groupes d’assaut qui chacun effectue aussi un briefing. Ils seront protégés par quatre véhicules blindés sur roues de la gendarmerie (VBRG). À l’extérieur du bâtiment, trois tireurs de précision sont postés en tenue camouflage. Leur mission : renseigner et appuyer. Tous les militaires sont reliés entre eux par radio pour une nécessaire coordination par leur chef. Après le top action, l’opération va consister, avec un VBRG de 12 tonnes, à fracasser la porte du hangar. « Un effet de choc et de surprise », observe le capitaine L. Une fois à l’intérieur, les membres du GPI investissent les lieux. « Le plus difficile, c’est de rentrer. Après, c’est la technique du nœud coulant. Il s’agit de resserrer l’étreinte. Nous arrivons de partout. Nous devons occuper les lieux et ne pas laisser d’échappatoire. Les VBRG sont très précieux. Ils servent d’appui pour progresser ». Le tourelon du blindé est équipé d’un fusil-mitrailleur, d’un lance-grenades et d’un puissant phare. Contrairement à ce qu’on peut voir dans certains films ou séries, l’assaut ne consiste pas à ’’défourailler’’ et tirer des salves dans tous les sens. Le capitaine L. et son adjoint insistent sur « la discipline de tir ». « Tirer seulement si un terroriste est vu. Une cartouche tirée doit être une cartouche qui va au but ». « Nos groupes se trouvent aux quatre coins du hangar et il est impératif d’éviter les tirs fratricides », explique le capitaine Thierry L. Une fois les terroristes « neutralisés », les militaires doivent regrouper les otages, procéder à leurs fouilles pour savoir si des terroristes ne se cachent parmi eux, et prendre en charge les blessés dans un poste médical avancé. Vient ensuite la phase de reprise qui consiste à sécuriser totalement les lieux et à vérifier si des explosifs ne risquent pas de faire des dégâts supplémentaires. En novembre, un tel exercice a été organisé en présence du préfet Dominique Sorain. Qui est ressorti rassuré.
En tant qu’unité de gestion de crise, le GPI doit, au-delà de l’intervention proprement dite, préparer en amont ses missions. C’est par exemple travailler avec les négociateurs de la gendarmerie formés par le GIGN et répartis dans toute l’île dont la tâche est d’entrer en contact avec un forcené ou un preneur d’otages. Autre exemple : le GPI a entamé des rapprochements avec les équipes spécialisées du SDIS afin d’être plus performants dans des milieux opacifiés et enfumés dans lesquels savent évoluer les pompiers.
« La gendarmerie est au service de la population »
- Clicanoo.re
- publié le 8 février 2015
- 05h56
Colonel Auffret, vous commandez le groupement de gendarmerie de la Réunion. À partir de quel moment, il est décidé de faire appel au GPI ?
“En fonction d’un certain nombre de critères. Cette unité s’inscrit dans le haut du spectre de l’intervention. Ces militaires s’entraînent beaucoup pour être au niveau opérationnel exigé et de façon permanente. Il s’agit des interventions les plus graves avec, par exemple, des forcenés ou des prises d’otages. Il est également fait appel au GPI en cas d’usage des armes. Leurs compétences, leur technicité, leur réactivité et leur équipement font qu’ils peuvent interpeller des personnes qui ouvrent le feu. Car le GPI dispose d’une capacité d’intervention supplémentaire par rapport aux autres unités.
La consigne est qu’ils doivent se préparer au pire.
C’est effectivement la doctrine d’emploi de cette unité. Nous essayons d’imaginer tous les cas de figure et donc le pire. Il nous faut suivre sans ce qui se passe partout dans le monde en lien avec les autres unités d’intervention, et bien évidemment avec le GIGN. Cela peut être de la piraterie maritime ou aérienne, une menace de type NRBC (les risques nucléaires, radiologique, bactériologique, chimique). L’imagination est au pouvoir en terme d’entraînement.
À la Réunion, nous avons l’impression d’être épargnés par les risques terroristes. Est-on dans l’erreur ? Existe-t-il une menace potentielle ?
Cette idée d’être épargné est fausse. Après les événements de janvier et l’attaque, cette semaine, de militaires à Nice, on ne peut pas considérer qu’une menace doit être écartée parce que nous sommes à 10 000 km de la métropole et parce que notre insularité nous protège. Il nous faut préparer pour pouvoir répondre et protéger les citoyens.
Après le drame de Sivens, la France a connu le massacre de l’équipe de Charlie Hebdo et les deux prises d’otages qui ont suivi. Après le temps des critiques liées à la mort d’un jeune manifestant, on a le sentiment que le regard de l’opinion publique a changé sur les forces de l’ordre. Comment l’analysez-vous ?
Il existe une évolution positive dans le regard de la population sur les forces de l’ordre, police et gendarmerie. Mais faut-il tomber dans des excès, dans un sens ou dans l’autre ? La gendarmerie reste un service public de sécurité au profit des citoyens. Il faut se réjouir de cette image positive après l’intervention des forces spécialisées. Mais il faut garder à l’esprit que la gendarmerie comme la police reste au service de la population. C’est toute notre vocation, toute notre motivation. Je constate qu’ici à la Réunion, la gendarmerie est bien intégrée et son action est bien acceptée”.
Le capitaine Thierry L., un militaire d’exception
- Clicanoo.re
- publié le 8 février 2015
- 05h55