Une course-poursuite de 300 km sur l’autoroute pour 33 kg de cannabis
Jeudi 5 mars, un Rouennais a été condamné pour une course-poursuite de 300 km avec les gendarmes, stoppée près d’Alençon (Orne). Il revenait d’Espagne avec 33 kg de cannabis.
Publié le 6 Mar 20 à 11:59
Une course-poursuite « digne d’un film d’action », s’étonne encore la présidente du tribunal correctionnel d’Alençon (Orne), après la diffusion, durant l’audience du jeudi 5 mars 2020, des images captées par un hélicoptère de la Gendarmerie nationale.
1 h 45 à 170 km/h
Cette vidéo de 14 minutes résume en réalité une course-poursuite d’1h45 !
Ce mercredi 16 janvier 2019, entre 9 h et 10 h 45, elle a mené le conducteur d’une Renault Clio et tout un escadron de gendarmes, dont deux motards, de Poitiers à Cerisé, près d’Alençon, traversant donc à toute vitesse les frontières de quatre départements (Vienne, Indre-et-Loire, Sarthe et Orne).
Durant quasiment deux heures, la Renault Clio a multiplié les infractions pour tenter de semer les forces de l’ordre. À une vitesse moyenne estimée entre 180 et 170 km/h, le Rouennais a doublé tous les véhicules sur son passage, frôlant poids lourds et autres voitures, usant de la bande d’arrêt d’urgence ou de l’espace entre le terre-plein central et la voie de gauche, « explosant » deux barrières de péage…
33 kg de cannabis
Au total, il a ainsi dévalé l’A10 puis l’A28 sur plus de 300 kilomètres. Une longue traque débutée à cause d’un banal contrôle douanier.
Car si le chauffard a pris la fuite, c’est que sa voiture était chargée d’une marchandise bien particulière : plus de 33 kg de résine de cannabis, dont 11 négligemment déposés dans son coffre et 22 cachés dans les ailes du véhicule.
Ce n’est qu’après son interpellation, sur la bande d’arrêt d’urgence à hauteur de Cerisé, que les gendarmes découvriront le magot illégal, même si la raison de cette fuite ne faisait guère de doute.
Et si le trafiquant normand, résidant à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), dans la banlieue rouennaise, a fini par abandonner sa tentative, ce n’est pas en raison d’une quelconque prise de conscience mais car son véhicule n’était plus en état de rouler.
Il roule sur le disque de frein
Dans la Sarthe, près de Maresché, un gendarme, profitant d’un bouchon et donc d’une vitesse réduite, est parvenu à crever le pneu avant droit de la Clio, en lançant une herse sous le véhicule.
Au fil des kilomètres, le pneu est peu à peu parti en lambeaux. Alors qu’il roulait sur le disque de frein à plus de 150 km/h, laissant derrière une profonde marque sur la chaussée, la direction de son véhicule a fini par lâcher et le conducteur a dû se résoudre à s’arrêter sur le bas-côté.
Les deux motards, choqués par cette intervention, ont témoigné à la barre du tribunal.
J’ai plus de trente ans de métier. Des courses-poursuites, j’en ai connu mais celle-ci était de loin la plus périlleuse. J’ai eu très peur, surtout pour mon collègue et pour les usagers de la route. »
L’autre motard a dû abandonner la traque lorsque sa moto s’est mise à fumer. « Un objet métallique a cassé mon radiateur alors que nous roulions à 170 km/h. » Le chauffard a en effet jeté plusieurs objets par sa fenêtre, une bouteille d’eau et « probablement des téléphones ».
« De l’argent facile »
Après l’interpellation, l’enquête a déterminé que Nahim Zerd s’était rendu à Malaga, en Espagne, deux jours avant ce go-fast destiné à rapporter le cannabis en Normandie.
Il y en avait pour 45 000 € de marchandises, reconnaît-il dans le box. Je devais percevoir 3 000 € pour cela, la moitié avant, l’autre moitié en rentrant. Pour moi, c’était de l’argent facile. »
L’exploitation de la vidéosurveillance a permis de connaître précisément l’itinéraire et l’agenda du trafiquant. Surtout, elle montre la présence d’un autre véhicule, une Audi A1, dont le rôle était d’ouvrir la route à celle chargée du cannabis.
« C’est ce qu’on appelle une voiture ouvreuse, un procédé habituel dans ce genre de trafic », explique le procureur de la République.
Le chauffeur, dont l’identité a été confirmée, n’a jamais été retrouvé. Il est visé par un mandat d’arrêt international mais a d’ores et déjà été condamné pour sa participation à ce go-fast : trois ans de prison ferme (six avaient été réclamés par le Parquet).
« Peur de certaines personnes »
Le propriétaire de l’Audi A1, emprisonné depuis 11 mois à Rouen, a été relaxé par manque de preuve. « Si la carte grise a bien été faite avec son permis de conduire, il n’est pas attesté qu’il est effectivement le propriétaire du véhicule et il n’y a pas de preuves qu’il ait participé au trafic. »
Quant à Nahim Zerd, en détention provisoire à la maison d’arrêt du Mans depuis son interpellation, il reste en prison.
Il risquait cinq ans de prison ferme, la peine maximale encourue requise par le représentant du Ministère public. Il a finalement écopé de cinq ans de prison, dont deux ans avec sursis assortis d’une mise à l’épreuve de deux ans.
Il doit également payer une amende douanière de 165 000 € et indemniser cinq gendarmes et douaniers pour un total de 2 400 €.
L’auteur de la course-poursuite n’a donné aucun nom de complices ou de commanditaires de ce voyage, ni aux enquêteurs, ni au tribunal.
Il avait notamment assuré aux enquêteurs :
J’ai plus peur de certaines personnes que de la Justice. »
Par : Antoine Sauvetre