Une association LGBT du Loiret forme des gendarmes de toute la France aux violences conjugales
Lundi 24 mai 2021 à 6:59 – Par Pierre-Antoine Lefort, France Bleu Orléans, France Bleu
Le GAGL 45, une association LGBT du Loiret, intervient depuis plus d’un an pour former des gendarmes issus de brigades de toute la France sur les violences sexuelles dans les couples de même sexe et les questions de genre.
Quand une association LGBT du Loiret forme des gendarmes de toute la France ! Le Groupe Action Gay et Lesbien du Loiret, le GAGL45, intervient depuis un peu plus d’un an au Centre national de formation de police judiciaire de la Gendarmerie Nationale, au fort de Rosny (Seine-Saint-Denis), dans le cadre un module de formation sur les violences intra-familiales. Il s’agit de mettre en lumière les problématiques de violences auxquelles la communauté LGBT peut être confrontée au sein du couple, et sensibiliser au questions de genre. À lire aussi Isère : des gendarmes mobilisés contre les violences intra-familiales et les violences sur mineurs
« L’idée, c’est d’améliorer l’accueil éventuel de personnes LGBT qui auraient besoin d’être accueillies en gendarmerie parce qu’elles ont été victimes de violences, parce qu’elles ont été victimes de discriminations », pour Christophe Desportes-Guilloux, le référent discrimination anti LGBT au sein du GALG 45. « Permettre qu’elles soient accueillies, c’est aussi permettre à des gendarmes de réussir à passer le cap de la gêne, du malaise du tabou face à l’homosexualité ou à la trans-identité. C’est vraiment important pour nous de venir les sensibiliser à ces questions. »
La peur d’être jugé par le gendarme ou le policier
Une action d’autant plus importante, qu’à la difficulté que peuvent rencontrer toutes les victimes à aller déposer plainte en gendarmerie ou au commissariat, vient s’ajouter la peur d’être jugé par l’agent de l’autre côté du bureau. « C’est encore plus difficile si, en plus du fait de dire « je suis victime de coups de la part de mon mari ou de ma femme », je dois dire en plus, « je suis homosexuel ». Il y a encore moins de victimes de violences conjugales dans les couples LGBT qui portent plainte que dans les couples hétérosexuels », poursuit Christophe Desportes-Guilloux.
L’association est invitée à participer à ce cycle d’enseignement de cinq jours, sur un module de quelques heures, depuis la rencontre entre son président et le Capitaine Jean-Michel Breton, chef de la section d’enseignement des techniques spéciales d’enquête, en marge du Grenelle sur les violences conjugales. « On a du mal à identifier les violences conjugales dans les couples de même sexe. Pourtant, elles sont une réalité. Il nous semblait important que les gendarmes qui viennent ici sur ce stage d’expertise puissent être sensibilisés sur le fait que les victimes, quand elles doivent venir déposer plainte et raconter les violences dont sont victimes au sein de leur couple, c’est beaucoup plus compliqué que pour une victime traditionnelle parce qu’il y a plein de stéréotypes et de préjugés qui peuvent entrer en ligne de compte », explique le capitaine de gendarmerie.
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« Il y a des méfiances historiques des gens LGBT envers les forces de l’ordre et inversement. Il faut faire baisser au maximum tous ces préjugés qui font que les gens ne viennent pas déposer plainte », continue le capitaine Breton.
Des violences parfois différentes à celles dans les couples hétérosexuels
Durant deux heures donc, les gendarmes, une trentaine par session, sont sensibilisés aux différentes facettes des violences que peut subir une victime LGBT. En plus des traditionnelles violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques, dans le couple peut aussi s’exercer une forme de chantage. « Il y a le chantage à l’outing. Dans la plupart des couples, il y en a un des deux qui n’a jamais fait son outing auprès de sa famille, ses amis, son travail », détaille Ralph Souchet, le président du GAGL 45.
« Il y aussi celui à la sérologie. On est en 2021, on parle encore du VIH, du Sida, et malheureusement, il y a encore des gens qui vont isoler les personnes. Que ce soit avéré ou pas, rien que dire le mot Sida, tout de suite certains vont faire deux pas en arrière. » Les membres de la communauté LGBT sont aussi plus à risque face au suicide : selon les études, les jeunes hommes gays ont deux à sept fois plus de risques de faire une tentative que la moyenne.
Une sensibilisation, aussi, aux questions de genre
Durant la formation, les gendarmes sont également alertés sur les questions de genre et de sexualité. Sur l’importance, par exemple, de ne pas mégenrer une victime, c’est-à-dire lui attribuer un genre dans lequel elle ne se reconnait pas : le risque, notamment, lors du recueil de la plainte d’une personne transgenre ou transsexuelle. « Avant, c’était simple. Il y avait les hommes, il y avait les femmes et tout le monde était hétéro. Et puis, depuis quelques décennies, on a compris qu’il y avait des homos. On commence à comprendre qu’il y a aussi des bi. On entend dire qu’il y a des personnes transgenres. On entend même dire qu’il y a des personnes intersexes », détaille Christophe Desportes-Guilloux, qui reconnaît que la situation se complexifie.
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« Si des gendarmes accueillent une personne, que c’est une femme, et que la personne, elle, tend une carte d’identité avec un prénom masculin, il faut que le gendarme soit en capacité de l’accueillir correctement, avec le même respect et la même dignité que n’importe qui. Et ce n’est pas toujours le cas, donc on essaye d’apporter les connaissances qu’on a sur l’identité de genre, sur ce qu’est le genre, ce qu’est un homme, une femme, tout simplement et sur l’orientation sexuelle. »
« On a toujours de l’amélioration à avoir dans nos pratiques« , réagit le capitaine Breton, responsable de la session de formation. « Les victimes sont globalement déjà très bien accueillies. Il faut qu’on soit encore meilleurs et plus performants en identifiant tous les types de victimes qui sont susceptibles de venir se présenter à l’accueil des gendarmeries. »
Pour les gendarmes formés, en grande majorité déjà référents VIF (violences intra-familiales) dans leur circonscription, cette formation est utile. « Le fait d’avoir suivi cette formation, c’est vrai que cela nous aide à pouvoir accueillir les victimes, peut-être mieux qu’on l’aurait fait« , estime par exemple l’adjudante Sabine. « Il y a une évolution des mentalités, il faut vraiment en tenir compte. Ce n’est pas une question d’acceptation. La société est comme cela, il faut l’admettre de cette façon-là. On n’a pas à en juger. A travers notre métier, on a des gens à défendre, peut importe leur orientation sexuelle, leur choix de vie. »
« Je pense que cela se démocratise au fur et à mesure et que la parole se libère de plus », poursuit de son côté l’adjudant-chef Fabrice. « Des gens ont déjà du mal à passer la porte d’une gendarmerie pour évoquer leurs problèmes. Je pense donc que les couples de même genre ont ce même problème, sachant que derrière il a peut être une honte, des choses qu’ils ne veulent pas démontrer auprès de leurs familles. » Ces militaires, tous volontaires pour suivre cette formation, seront ensuite chargés de transmettre ce qu’ils ont appris, directement dans les brigades sur le territoire. Près de 180 gendarmes en ont bénéficié depuis début 2020.
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