VIDEO. «Un chien n’a qu’un but: offrir son cœur»… Bienvenue au centre de formation cynophile de la gendarmerie à Gramat
REPORTAGE La petite commune de Gramat, dans le Lot, abrite le Centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG)…
C’est un joli coin de France, dans le parc naturel régional des causses du Quercy, qu’une trentaine de stagiaires vont quitter ce jeudi. Après 14 semaines de formation, hommes (surtout) et femmes de la 172e promotion du Centre national d’instruction cynophile de la Gendarmerie (CNICG) partiront de Gramat avec leur chien, pour rejoindre leur brigade.
Depuis 1945, la petite commune lotoise d’environ 3.500 habitants accueille sur 14 hectares cette institution dont la devise pourrait avoir été écrite par le chanteur Grégoire : « Toi, moi, pour eux ». « Toi », c’est le chien, « moi » le gendarme et « eux », le reste du monde. 20 Minutes a fait le tour du propriétaire, avec, forcément, des aboiements en fond sonore.
Que fait-on au CNICG ?
Toute l’année, le centre vit au rythme des stagiaires venus d’un peu partout en France ou de plus loin, comme ce militaire djiboutien qui a débarqué lundi à Gramat. Il appartient à la 173e promo en cours d’installation, où l’on trouve aussi deux personnels de la SNCF au côté d’une écrasante majorité de gendarmes (logique).
Avant de confier les nouveaux venus à leurs formateurs, le colonel Dominique Dalier (57 ans) pose les bases dans une salle décorée d’une étonnante fresque. « Un chien n’a qu’un but : offrir son cœur, lance le maître des lieux depuis 2014. Du degré de votre relation dépendra l’efficacité de votre travail. »
Deux jours plus tard, femmes et hommes rencontreront leur compagnon, au cours de la cérémonie solennelle du « mariage ». « Pendant huit ou neuf ans, le cœur du chien va battre au diapason de celui du maître », explique le colonel Dalier. Les animaux ont commencé le débourrage, la phase de pré-dressage, trois mois plus tôt avec des instructeurs, qui vont donc passer la main aux stagiaires pendant les trois mois et demi à venir. Un sacré boulot, mais pas que, selon l’officier : « Ici, tout le monde joue. »
Quelles formations ?
A Gramat, on parle de « technicités », et il y en a 16. Les 454 équipes cynophiles de la gendarmerie nationale passent toutes par Gramat. Si elles ne pèsent que 0,45 % de l’effectif total de l’institution, elles couvrent de nombreux domaines, depuis la recherche d’armes, de drogue et même de billets de banque, jusqu’à la défense ou l’assaut. « Nous sommes les seuls en Europe à faire de la formation sur la recherche d’explosifs sur des personnes en mouvement », complète le colonel Dalier. Pratique lors de grands événements.
Les chiens s’exercent au sol comme en hauteur, grâce notamment à des structures qui font penser à des jeux d’enfants. Ils apprennent par séquences de 20 minutes, avant de goûter à des plages de repos, dans des jardins dédiés, puis de rejoindre le chenil. Primordial, car même un animal peut faire un « burn-out »…
A côté des missions de sécurité, certains maîtres de chiens sont spécialisés dans la médiation canine. Cette mesure décidée par le procureur de la République, consiste à envoyer des primo-délinquants en stage d’une demi-journée. Le programme : prise de contact, obéissance, recherche d’objet. Le message : « Si le chien a la capacité de maîtriser sa violence, vous aussi ».
Quels types de chiens ?
L’étoile du berger allemand, ancien maître des lieux, a bien pâli. « 80 % de nos chiens sont des malinois, précise le colonel Dalier. Ce sont des couteaux suisses qui peuvent tout faire. Ils sont très obéissants et très proches de leur maître. » Aisément reconnaissable à ses oreilles tombantes et à sa peau plissée sur la tête, le solide Saint-Hubert tente de contester le quasi-monopole du berger belge, grâce à son redoutable flair.
Autre chien de chasse, le plus léger Springer anglais, un épagneul facile à transporter, a su se faire apprécier. Notamment dans une tâche plus qu’ingrate : la recherche de restes humains au sein du Groupe national d’investigation cynophile (GNIC), unité opérationnelle installée au cœur du centre.
L’un d’entre eux, Hutch, est titulaire de la médaille de la défense nationale. Il a permis de retrouver les ossements de la petite Maëlys (avec son collègue Roch) et du caporal Arthur Noyer, victimes de Nordahl Lelandais.
Comment sont recrutés les animaux ?
Le CNICG peut accueillir jusqu’à 137 chiens à la fois. Chaque année, quelque 500 animaux franchissent les portes mais seule une centaine va jusqu’au bout de la formation, après un passage devant la vétérinaire du centre et la commission d’achat. Des maîtres de chiens sont présents dans toute la France pour des « castings sauvages » auprès de particuliers, des éleveurs ou des refuges.
« 75 % de chiens viennent de particuliers », indique le colonel Dalier. Et ils arrivent avec une certaine maturité, entre dix et 24 mois. Car la principale cause de réforme reste la dysplasie de la hanche, rarement détectable chez les tout jeunes chiots. Côté caractère, l’animal ne doit être ni trop craintif, ni trop agressif.
Que deviennent les chiens ?
Aux dernières nouvelles, il n’était pas question de repousser l’âge de la retraite qu’ils prennent avant de fêter leurs dix ans. « 99 % d’entre eux restent avec leur maître, assure le colonel Dalier. Pour les réformés, il existe une liste d’attente de gens qui souhaitent les récupérer. » Quelques années plus tard, ils retournent souvent là où tout a commencé, pour toujours cette fois.
Un jardin du souvenir abrite les dépouilles de nombreux chiens, dans une fosse commune, ou sous une plaque individuelle avec nom et matricule pour les médaillés. Tous reposent à quelques mètres de la stèle et des cendres de Gamin, légende de la Gendarmerie. Ce berger allemand, grièvement blessé pendant la guerre d’Algérie, a veillé jalousement la dépouille de son maître, Gilbert Godefroid, tué lors de l’opération. Diminué, il mourra deux ans plus tard, en 1960.