Tribunal de Libourne : une victime affabulatrice condamnée
Publié le 06/04/2016 . Mis à jour à 17h28 par L. D.
Pendant un mois et demi, les gendarmes ont mobilisé d’importants moyens… pour rien.
La Libournaise, âgée de 25 ans et fille de gendarme, a inventé trois agressions en un mois et demi. Un mensonge qui a engendré près de 160 actes de procédure et impliqué d’importants moyens
Fausse victime mais vraie menteuse. Ce mercredi matin, le tribunal correctionnel de Libourne a condamné une Libournaise de 25 ans à six mois de prison avec sursis, assortis de 140 heures de travail d’intérêt général et de 5 000 € d’amende pour une dénonciation mensongère qui a engendré, notamment, le versement indu d’indemnités journalières de la part de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Entre le 21 février et début avril, la prévenue a inventé trois faits de violence aggravée par deux hommes cagoulés, toujours à son domicile ou aux abords : d’abord un vol avec arme de 2 000 € durant lequel elle aurait été molestée, suivi de lettres de menaces et de deux autres agressions.
Une caméra devant sa maison
C’était sans compter sur la perspicacité des gendarmes qui, suspicieux après diverses incohérences, ont installé une caméra devant sa maison, située dans un quartier résidentiel.
Après avoir dénoncé une nouvelle agression, dans la nuit du 1er au 2 avril, la fausse victime est de nouveau entendue par les gendarmes. Jusqu’au bout, pendant plusieurs heures, elle persiste dans ses mensonges. Jusqu’à ce que les militaires lui montrent la vidéo de la caméra installée devant chez elle où on la voit sortir puis rentrer sans se faire agresser. Là, elle craque enfin. En pleurs.
Près de 160 actes de procédures, une cinquantaine de réquisitions judiciaires, 12 officiers de police judiciaire de la Section de recherche (SR) de Bordeaux et de la Brigade de recherche (BR) de Libourne, plus de 1 500€ de frais d’analyse d’échantillon en laboratoire, du personnel du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) et de la brigade territoriale de Libourne, des techniciens en investigation criminelle… Sans oublier les pompiers et le service des urgences de l’hôpital de Libourne. Tous ont investi des moyens pour venir en aide à l’affabulatrice.
À la barre, la poche de son jogging remplie de mouchoirs pour éponger ses pleurs, la Libournaise a du mal a expliqué son mensonge. « J’ai retrouvé la boîte où ma mère cache son argent vide. J’ai eu peur qu’elle croie que c’était moi. J’ai paniqué. Je ne sais pas ce qui m’a pris », justifie celle qui, jusqu’alors, travaillait en tant qu’assistante d’éducation dans un lycée de Libourne. Des mensonges qu’elles relatait et commentait « avec légèreté » sur sa page Facebook.
« Accident de parcours »
Après examens psychologiques, il s’avère que l’affabulatrice, insérée socialement, est saine d’esprit. « Cette affaire ressemble à un accident de parcours », selon les mots du Service pénitentiaire d’insertion et de probation. Reste que selon ses proches, elle serait habituée à mentir pour se sortir de certaines situations.
De son côté, la procureur Stéphanie Paguenaud a rappelé que les moyens engagés étaient financés par l’argent du contribuable. Selon elle, la prévenue n’avait simplement « pas envie de retrouver son travail. Est-ce peut-être une coïncidence, mais à chaque fois que la fin de son arrêt maladie approchait, une nouvelle agression survenait… »
Pour le ministère public, la Libournaise « immature » a voulu faire « son intéressante comme dans les cours d’école ». Et de demander, lors de ses réquisitions, six mois de prison, dont deux avec sursis et mise à l’épreuve.
Les gendarmes, eux, déplorent avoir perdu leur temps pendant un mois et demi. « On aurait préféré s’occuper de vraies victimes comme celles de l’agresseur sexuel de Libourne ou les élèves d’Izon. D’autant que nous sommes en Zone de sécurité prioritaire (ZSP) à Libourne et en état d’urgence au niveau national. On a des choses plus importantes à faire. »