Tour de France 2018. Les Gardiens du Tour : Christian Prudhomme « Sans la gendarmerie, on ne pourrait rien faire »
Vous savez qu’au sein de la gendarmerie beaucoup considèrent que l’organisation du Tour de France n’a rien à envier à une organisation militaire, tant elle est millimétrée ? C’est un sacré compliment dans la bouche des gendarmes…
C’est le général Poupeau, ancien commandant de la garde républicaine, qui me l’a dit la première fois. C’était pour nous un sacré compliment en effet. Et reçu comme tel ! Mais il y a une bonne raison et une logique à cela : l’organisation moderne du Tour de France a été mise en place par d’anciens militaires ! Le colonel Richard Marillier en tête, qui a été directeur adjoint du Tour (de 1981 à 1990) et qui a longtemps été le sélectionneur de l’équipe de France de cyclisme, notamment en 1980 lorsque Bernard Hinault l’emporte à Sallanches !
De toute façon, ça ne pourrait pas fonctionner autrement… Il faut, pour que l’organisation du Tour fonctionne, une fois que nous sommes en course, que tout le monde remplisse sa mission à 100 %. Pas à 90 %. Pas non plus à 110 %. À 100 %. Pour qu’il n’y ait aucune surprise en cours d’étape. Tout ce qui est à faire doit être de l’ordre du réflexe. Aucun doute ne doit subsister, jamais, pour quiconque, sinon on ne tient pas. Un ballet orchestré à la perfection, voilà ce que cela doit être.
Quel est votre regard sur la gendarmerie et son rôle lors du Tour de France ?
Comment travaillez-vous ensemble tout au long de l’année ?
Une anecdote. À notre dernière réunion (ndlr, une dizaine de jours avant le Grand Départ), nous étions reçus au siège de la direction générale de la gendarmerie nationale, à Issy-les-Moulineaux. Mes adjoints ont compté le nombre d’étoiles sur les galons des généraux présents autour de la table. Ils me l’ont dit après. Il y en avait 20. Quel honneur ! Et quelle preuve d’écoute de nos besoins ! Ce jour-là par ailleurs, nous avons été accueillis avec des maillots jaunes sur les chaises et des petits coureurs sur la table. C’était une attention magnifique qui dit beaucoup, vraiment, de l’attention portée au Tour par les gendarmes. J’y ai été très sensible, car derrière les petits gestes il y a toujours une pensée bienveillante et amicale.
Ce qui est très frappant également, c’est qu’il y a en gendarmerie, de génération de gendarmes en génération de gendarmes, une constante de qualités professionnelles et humaines. Tous les directeurs généraux de la gendarmerie avec lesquels j’ai travaillé, tous, sont des personnages incroyables, Guy Parayre, Roland Gilles, Jacques Mignaux, Denis Favier, Richard Lizurey, tous. Je me souviens aussi du premier officier de liaison gendarmerie avec lequel nous avons travaillé. On se disait : il est tellement bien qu’on ne retrouvera jamais un type aussi bien lorsqu’il cédera la place… Eh bien si ! Avec les suivants, cela a toujours été la même chose. Pas seulement parce qu’ils travaillent bien, mais qu’ils possèdent de sacrées qualités humaines. La constance de ce vivier nourrit donc évidemment la confiance !
Vous devez certainement entendre bien des choses dans les villages-étapes, au cœur du peloton et sur les routes. Comment « les hommes au maillot bleu » sont-ils perçus ?
Dernière question, quel est votre souvenir le plus fort ou le plus marquant impliquant la gendarmerie sur le Tour ?
L’accident du gendarme adjoint volontaire Jérôme Cotto, le 14 juillet 2015, à Navaille-Angos, dans les Pyrénées-Atlantiques. Cela s’est passé lors de l’étape entre Tarbes et La Pierre-Saint-Martin. Il était en mission pour protéger les spectateurs sur le bord de la route. Une moto a dérapé, l’a percuté, l’a gravement blessé et il est resté dans le coma plusieurs semaines. A son réveil, nous sommes allés le voir à l’hôpital, à Pau. Et alors ce p’tit gars nous a remerciés d’être venus le voir… Nous remercier nous, alors que c’est lui qui nous protégeait et qui protégeait les amoureux du Tour ! C’était le monde à l’envers. Il est pour moi le symbole de la gendarmerie sur le Tour. Au service des autres quoi qu’il arrive. Clairement le mot « servir », depuis que je côtoie des gendarmes sur le Tour, ne résonne plus pareil dans mes oreilles.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Verrier