Télévision : un outil de communication pour la police et la gendarmerie
Par Gilles Boussaingault Publié le 24/05/2014 à 14:00
Le premier à avoir filmé le quotidien des autorités de police dans un documentaire fut Raymond Depardon, en 1983, avec Faits divers. À l’époque, le réalisateur avait obtenu l’autorisation exceptionnelle de poser sa caméra dans le commissariat du Ve arrondissement de Paris. Aujourd’hui, ce type de tournage est devenu banal en télévision. D’abord grâce à une réelle volonté de la police et de la gendarmerie d’ouvrir leurs portes aux caméras. Pour la police nationale, tout commence rue des Saussaies à Paris, dans le bureau du commissaire divisionnaire Bonet, chef du service d’information et de communication de la police nationale. Cet ancien de la crim’ et de la brigade des mineurs traite avec son service, plus de deux mille demandes de reportage en tout genre chaque année!
Pendant ce temps, à Issy-les-Moulineaux, à la direction générale de la gendarmerie nationale, le lieutenant-colonel Durand, chef du bureau média du Sirpa-Gendarmerie, et le lieutenant-colonel Bourges instruisent avec leur équipe, près de mille deux cents dossiers émanant de sociétés de productions et de journalistes. Environ 60 % des demandes reçoivent une réponse favorable des deux autorités. «Il existe une réelle volonté de communication et de transparence de notre part car nous sommes une maison qui accepte le regard extérieur», explique le commissaire Bonet. Un avis partagé par «les hommes en bleu».
«Nous souhaitons montrer le savoir-faire, la compétence de nos femmes et de nos hommes et la diversité de nos missions, confirme le lieutenant-colonel Durand. Nous avons aussi vocation à faire de la pédagogie, de la prévention, auprès d’un public jeune.» Le commissaire Bonet poursuit: «Il est important de montrer tout ce qui met en valeur notre expertise et notre intégrité pour sortir du cliché habituel de la police de « courette » (en jargon de métier, poursuite à pied de délinquants, ndlr), et du contrôle d’identité».
Un peloton d’intervention interrégional de la gendarmerie fait un débriefing sous l’oeil des caméras._IC1
Éviter la police «pin-pon»
Mais il ne suffit pas de recevoir un oui pour tourner ce qu’on veut, car gendarmes, policiers et sociétés de production travaillent d’abord dans la confiance, même si les intérêts des uns ne coïncident pas forcément avec ceux des autres. Par exemple, gendarmes comme policiers ne tiennent pas vraiment à ce que l’on ne diffuse que des reportages de ce qu’ils nomment la police «pin-pon»: un sujet tourné pendant quelques jours avec une brigade, peu d’images intéressantes à se mettre sous la dent, un montage rapide et c’est dans la boîte. Pas d’intérêt. «Avec la TNT qui s’est ouverte à ce marché, les budgets sont beaucoup moins importants, reconnaît le producteur Tony Comiti. On fait face à des films low cost et pour faire la différence, il faut augmenter la qualité, passer plus de temps en tournage et inclure un fond sociétal au reportage.» Carole Rousseau, présentatrice de 90′ enquêtes sur TMC appuie cet argument: «On montre les aspects d’un métier passionnant, pour lequel le public se sent très concerné parce qu’il fait partie de son quotidien. Et en marge de l’action, l’humain est aussi très important.» Même avis du côté police et gendarmerie, qui souhaitent privilégier l’aspect immersion au long cours pour montrer le travail des équipes et remettre l’homme au centre du reportage.
Arrestation musclée dans une rue de Saint-Ouen, d’un dealer présumé dangereux et soupçonné de receler 200 kilos d’herbe.@ JEAN-PIERRE REY
Le secret de l’enquête
«Avoir « du bleu » dans les émissions, c’est faire passer un message, commente le lieutenant-colonel Bourges. Certains programmes ont un angle trop sensationnel et il nous arrive souvent de proposer une vision plus innovante que celle voulue par une production car elle correspond davantage à ce que nous recherchons. Dans le foisonnement de reportages actuels, nous avons besoin de sortir du lot.» De plus, police et gendarmerie sont «gratuites». «Nos effectifs de police ne coûtent rien aux producteurs, ont beaucoup de choses à montrer pas très loin de Paris, ce qui coûte moins cher en déplacement et représente une certaine facilité, reprend le commissaire Bonet. Notre volonté de communiquer a entraîné dans un premier temps un taux d’acceptation de sujets plus importants avec la TNT. Au regard de la charge que cela représente pour nos policiers, nous sommes désormais très vigilants et exigeants.» Toutefois, réaliser un reportage nécessite aussi un savoir-faire des productions qui doivent tenir compte de paramètres délicats: anonymat des témoins et des policiers soucieux de se préserver, respect du secret des enquêtes en cours, obtention de nombreuses autorisations, etc.
«Il faut d’abord remporter l’accord du service qui fait l’objet du reportage, poursuit le commissaire Bonet. Puis celui de l’autorité judiciaire et, si les journalistes filment des interpellations et des interrogatoires, celle du procureur.» Produire un documentaire intéressant requiert donc une bonne connaissance du monde judiciaire. Un savoir-faire nécessaire pour exploiter le filon police-gendarmerie qui n’est pas près de s’épuiser. «Avec des formes de délinquance toujours nouvelles, de nouvelles unités spécialisées apparaissent aussi pour les combattre, assure Carole Rousseau. Il n’y a ni lassitude ni épuisement du sujet. Ces magazines ont de beaux jours devant eux.»
En direct, le Groupe d’intervention de la police nationale (GIPN) et des CRS interpellent une personne dans le cadre d’une enquête sur un vol à main armée.AFP