Sur Internet, Lucie, 13 ans, était en réalité un gendarme…
Il disait avoir 46 ans et être musicien. Pour se rajeunir et s’offrir un profil 2.0 plus rock’n’roll. Il en avait 62 et devenait commercial après avoir vu sa société partir en liquidation judiciaire.
Elle aussi avait menti. Lucie avait tapé “18” dans la case “âge” de la page d’accueil du site de discussion. Mais quand il avait commencé à discuter avec elle, elle avait bien vite expliqué n’avoir que 13 ans quand lui était resté quadra musicien.
Une touche de clavier et cinq ans qui ont fini par amener le sexagénaire isérois jusqu’à la barre du tribunal correctionnel de Grenoble, hier après-midi. Parce que l’âge de l’inconnue ne l’avait pas freiné. Il avait proposé de lui apprendre “beaucoup de choses”, de devenir son “prof d’amour”. Il lui avait demandé si elle avait “déjà vu un homme nu” et avait dit avoir “déjà eu des relations avec des filles de [son] âge quand elles étaient demandeuses”. Il avait fini par convenir d’un rendez-vous, à Grenoble, avec Lucie. Sauf que Lucie n’avait pas menti que sur son âge…
Derrière ce pseudonyme se cachait en effet un gendarme enquêteur en technologie numérique de la Section de recherches de Grenoble en pleine “cyber-patrouille”.
« J’ai honte de ce que j’ai fait », a expliqué, à la barre, le sexagénaire qui dit s’être retrouvé enfermé dans « le personnage que je m’étais inventé ». « Je n’ai pas été aussi rigoureux que j’aurais dû l’être », a poursuivi l’homme parfaitement inséré dont l’expertise psychiatrique relève un « contexte dépressif ». Un homme qui encourait « cinq années d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende », comme l’a rappelé le représentant du ministère public en précisant que c’est une loi de 2007 qui avait fait entrer les “propositions sexuelles faites à un mineur de 15 ans” dans le code pénal. Il a finalement requis une peine d’un an de prison assorti d’un sursis mise à l’épreuve, ainsi qu’un suivi socio-judiciaire de cinq ans, comportant une obligation de soin, à l’encontre du prévenu au casier judiciaire jusque-là vierge.
Un homme « inquiet », selon son avocate Me Santoni. « Il se demande pourquoi il a pu écrire ces choses-là. Il se demande s’il aurait pu aller plus loin », a-t-elle ajouté après avoir rappelé qu’il suivait une thérapie depuis son interpellation. L’avocate du sexagénaire a même « souscrit aux réquisitions ».
Pas le tribunal qui, s’il a bien condamné le prévenu à un suivi socio-judiciaire pendant cinq ans, s’il a fixé à un an la peine d’emprisonnement en cas d’inobservation de ce suivi, n’a en revanche pas prononcé de peine d’emprisonnement avec sursis. Le nom de l’Isérois a également été inscrit sur le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles.
Quant à Lucie, elle a changé de pseudo, et elle est repartie en cyber-patrouille…