Hyères
RETRO. En 2012, Audrey et Alicia tuées à bout portant à Collobrières
Publié le dimanche 30 août 2015 à 20h58
Deux jeunes femmes dévouées et souriantes ont payé de leur vie le sens du devoir. Quelques mois plus tard, elles recevront la Légion d’Honneur et la médaille militaire en présence du ministre de l’Intérieur et de 300 gendarmes(Photos Var-Matin)
Une nuit en enfer. Quelques minutes après la fin de la soirée législatives dans le Var, le petit village de Collobrières a basculé dans l’horreur. Deux femmes gendarmes ont été assassinées par un individu suspecté d’un cambriolage.
Le 17 juin 2012, la soirée a des couleurs d’été à Collobrières et Pierrefeu. Dans ces villages de la grande agglomération toulonnaise blottis au pied du massif des Maures, les vacances approchent et le mois de juin est propice à la baignade, au farniente et à la détente.
C’est aussi un jour d’élections législatives. Les bureaux ont fermé à 18 h et les gendarmes sont chargés de collecter les résultats pour les apporter ensuite à la Préfecture. A Pierrefeu, la nuit est tombée quand une intervention est organisée vers Collobrières, à quelques kilomètres.
Deux gendarmes envoyées au front
Alicia Champlon et Audrey Bertaut étaient âgée de 28 et 35 ans quand elles ont été tuées à Collobrières (Photo DR)
L’objet: interpeller un homme suspecté de cambriolages et qui a été localisé dans le village.
Ce sont le maréchal des logis chef Audrey Bertaut-Landry, 35 ans, et l’adjudante Alicia Champlon, 29 ans, qui sont chargées de cette mission, a priori sans risque et presque banale pour le quotidien de gendarmes formés à ce type d’action.
Les deux jeunes femmes ne sont pas novices, connaissent et aiment leur métier.
Déterminées, elles se rendent sans appréhension à Collobrières. Elles ignorent cependant qu’elles vont se retrouver nez à nez avec un individu violent, déjà condamné à plusieurs reprises et qui vient d’échapper à la détention quelques jours auparavant pour une affaire de violence sur sa mère.
Abdallah Boumezaar abat les deux militaires
A l’annonce de la terrible nouvelle, quelque 250 gendarmes varois convergent vers le village de Collobrières. Au lendemain du drame, un important dispositif est maintenu autour des scènes de crime sur la place Pasteur et dans un appartement de la rue Marat. (Photos Var-Matin)
Abdallah Boumezaar est un colosse au crâne rasé d’1,80 m et 90 kg, originaire de la cité Berthe, de triste réputation, à La Seyne. Sa mère le décrit comme fou dès qu’il boit de l’alcool. La trentaine, petit trafiquant, il vit avec sa compagne à Collobrières.
À leur arrivée, vers 23 h, les deux gendarmes se rendent chez Boumezaar, prudentes mais sans plus. Pourtant, lorsqu’elles veulent simplement l’entendre, Boumezaar se rebelle, et, dans une rage folle, assomme Audrey Bertaut avant de prendre son arme, de l’abattre puis de poursuivre Alicia Champlon qui s’enfuit effrayée.
La jeune militaire est abattue à son tour dans la rue. Boumezaar tente de s’enfuir, errant dans le village à la recherche d’une planque.
Le meurtrier arrêté
Lors de la reconstitution des meurtres en septembre 2013 (Photo DR)
Une fuite désespérée, puisque très vite, des moyens colossaux sont déployés pour interpeller le meurtrier.
À 3 h du matin, après que 300 gendarmes aidés par un hélicoptère aient balayé la zone, Boumezaar est arrêté, placé en garde à vue puis incarcéré à la prison de Grasse.
Il n’ a laissé aucune chance aux deux jeunes femmes, tuées à bout portant, sans même avoir pu se défendre.
Le 18 juin 2012, la France se réveille abassourdie
Le ministre de l’Intérieur annonce à Collobrières qu’un hommage national sera rendu aux gendarmes à Hyères. En attendant l’hommage officiel. Des anonymes et des amis d’Alicia et d’Audrey décident de se recueillir dans le village. Le 22 juin 2012, Manuel Valls préside l’hommage de la Nation en présence de 2.000 citoyens et élus de la région. 300 gendarmes sont venus de toute la France. Audrey Bertaut et Alicia Champlon reçoivent la Légion d’honneur et la médaille militaire. (Photos Var-Matin)
À Collobrières, à Pierrefeu, dans le Var, en France, c’est la stupéfaction ce matin du 18 juin.
Les élus des communes varoises, qui doivent célébrer ce même jour la commémoration de l’appel du Général de Gaulle le 18 juin 1940, se réunissent pour rendre hommage aux deux militaires.
Les minutes de silence témoignent de l’émotion ressentie partout dans le pays face à la mort tragique de ces deux jeunes femmes en service commandé.
Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls se rend sur place, dès la mi-journée, pour rendre visite aux familles.
Deux jeunes femmes bien dans leur peau et heureuses
(Photo Frank Muller)
Les familles? Audrey Bertaut-Landry est mère de deux enfants de 5 et 13 ans, son mari est gendarme à Salon. Alicia Champlon mène la vie d’une jeune fille normale.
Toutes deux se sont lancées dans ce métier avec dévouement et à Pierrefeu elles sont appréciées comme deux femmes actives, bien dans leur peau. Heureuses.
Ce 17 juin 2012, leur vie s’arrête par la faute d’un homme violent et sans scrupule.
Leur parcours se termine là, dans la rue d’un village, abattues sans pitié. Leurs familles pleurent. Les gendarmes ravalent leur rancœur. Audrey et Alicia ont payé de leur sang le simple fait d’accomplir leur travail.
Des destins brisés à tout jamais.
Le président de la République se rend à la caserne de Pierrefeu deux mois après le drame où il prononce un discours sur le thème de la sécurité et du suivi des délinquants récidivistes. Le 17 juin 2014, une plaque officialise le nom de la caserne de Pierrefeu. Il est baptisé du nom des deux gendarmes tuées dans l’exercice de leur mission (Photo Var-Matin)
