Reportage. En patrouille avec les gendarmes de Rabastens
Nous avons suivi le quotidien des gendarmes de Rabastens, lors d’une patrouille. Pas de course-poursuite, de crissements de pneus mais de la proximité et une prévention qui paie.
Le brouillard refuse obstinément de laisser place à cette lumière radieuse, à cet air si toscan du Rabastinois. Le Trafic de la gendarmerie, lui, est dans la cour, prêt pour la patrouille de la matinée.
Au volant, le gendarme Patrick Viroulet.
20 ans qui sillonne, de jour comme de nuit, les routes du canton. À ses côtés, l’adjudant-chef Pascal Gaudin.
La grille s’ouvre.
«On va commencer par jeter un œil sur cette maison dont la propriétaire vient de décéder. Ses enfants sont venus nous voir, pour que l’on passe voir si personne n’en a profité pour s’y introduire», commente l’adjudant-chef.
Quelques lacets plus bas, une zone pavillonnaire. Le Trafic s’arrête. «Dans le cadre de la vigilance anti-cambriolage, on vérifie que toutes des portes, fenêtres et volets soient bien fermés. Nous laissons aussi un papier pour signaler notre passage», rapporte le gendarme Viroulet. «Tu me feras penser d’appeler la famille. Ils ont deux volets mal fermés», rajoute Pascal Gaudin.
Des anecdotes, il n’en manque pas.«Une année, lors d’une patrouille, un couple parti en vacances avait laissé les clés sur le portail, le garage et la voiture. N’importe qui pouvait s’introduire. Il faut être méfiant. Dans ces zones pavillonnaires, toute la journée, il n’y a personne. C’est l’endroit préféré des cambrioleurs.»
En parlant de zone pavillonnaire, le Trafic bleu en traverse une. «Ici, c’est la maison du médecin. Là, c’est celle d’un policier de Toulouse.» Patrick Viroulet connaît tout et tout le monde. «C’est notre force. La proximité avec les habitants est indispensable pour faire du bon travail de fond. C’est la force des petites brigades comme la nôtre.» La route devient chemin. «Ici, c’est les coteaux, les belles vues et donc les belles maisons», renchérit-il.
La patrouille continue. «On va passer devant un gîte, voir s’ils ont du monde. C’est souvent dans ces lieux que les cambrioleurs, voire même les membres d’ETA, aiment se cacher.» Mais en cette matinée, nulle voiture à l’horizon.
Dans l’épais brouillard, quelques centaines de mètres plus loin, un véhicule sur le bas-côté, avec à son bord, un jeune homme. Coup de frein, portes qui claquent. Les deux militaires vont aux nouvelles. «Ce n’est rien. Un jeune qui s’est arrêté pour écrire un texto. On lui a juste signalé qu’il était mal garé.»
Direction la mairie. «On va leur signaler un nid de frelons asiatiques», explique l’adjudant-chef. Ce sera finalement une fausse alerte, le nid ayant été traité, il y a peu. Les deux militaires s’engagent, dès lors, vers la zone commerciale de la commune.
«On vérifie les chantiers, le parking de l’Intermarché mais aussi les hangars d’une écurie de course», confient les militaires.
Les deux gendarmes s’arrêtent et proposent au propriétaire de l’écurie un audit sur la sécurité de son hangar, par un militaire spécialisé dans la protection des entreprises. L’ancien pilote de course est intéressé. «Il viendra début janvier», prévient l’adjudant-chef.
Allez. Maintenant, un peu de police-route. «On va s’arrêter au rond-point pour vérifier, avec ce brouillard épais, que tous les automobilistes ont bien leurs phares allumés», renchérit le gendarme Viroulet. La pioche est bonne. Un véhicule sur trois circule sans lumière. «On fait de la prévention, pas de la répression. On leur demande simplement d’allumer leurs phares sans les verbaliser», ose le gendarme.
L’humidité pénètre les habits. Il est temps de regagner la caserne.
Mais avant, petit passage devant l’école et rappel à l’ordre d’ un artisan qui utilise avec un peu trop de zèle l’espace public.
La patrouille de Patrick Viroulet et Pascal Gaudin est terminée. Rien d’exceptionnel. Ni violence, ni arrestation, ni course-poursuite, mais une présence quotidienne et un service au public, qui font la force de ces petites brigades, de ces gendarmes qui connaissent chaque recoin, chaque route,chaque chemin du canton. La proximité avec l’habitant n’a pas de prix. La gendarmerie l’a bien compris.
«Chez nous, la solidarité et l’entraide ne sont pas de vains mots»
Trois hommes, trois militaires, trois vies, une passion commune. L’amour du métier, le sens du service public. Locaux de la brigade de Rabastens. La matinée débute. Le téléphone crépite, les bureaux s’animent. Le capitaine Bernard Baldet est aux commandes de la communauté de brigades regroupant Rabastens, Lisle-sur-Tarn et Salvagnac. La gendarmerie, il l’a dans la peau depuis bien longtemps «Enfant, je voulais déjà être gendarme et plus spécifiquement motard. Mais très vite, j’ai eu peur de l’accident. Alors, j’ai décidé de faire carrière en brigade. Et j’ai fait le bon choix. Ici, c’est une famille. Même quand on est de repos, on vient boire le café, discuter, sentir l’ambiance.»
«Vous savez, entre nous, on s’appelle camarade. Cela a un sens. La gendarmerie est une famille, avec ses bons et ses mauvais côtés. Mais la solidarité et l’entraide ne sont pas de vains mots chez nous. On vit tous en caserne, dans le même univers. L’individualisme n’a aucun sens», ose le commandant de la compagnie de Gaillac, le chef d’escadron Patrick Serra.
Le major Christian Carrichon va dans le même sens. «Nous sommes gendarmes 24 heures sur 24. Quand on a besoin de nous, même en repos, on sait revenir. C’est parfois usant, mais passionnant.»
«Nous sommes des généralistes. Il faut que chaque personne qui vienne nous voir ait une réponse. Et cela toute l’année, de jour comme de nuit», renchérit le capitaine Baldet qui ajoute : «Notre grande force, c’est la proximité. Nous sommes parfaitement intégrés dans la population. Pour les enquêtes, c’est un plus indispensable».
Un métier qui dévore temps et pensées. Que devient la famille dans tout ça ? «Avouons-le. Ce n’est pas toujours facile pour notre conjointe. Il y a la vie en caserne, les mutations, les horaires», confie Bernard Baldet. «C’est vrai que ce n’est pas toujours évident. J’ai déjà passé 7 ans de ma carrière comme célibataire géographique. Et il y a de fortes chances que cela recommence bientôt. Tout cela, on le savait en signant. Personne ne nous a imposé quoi que ce soit», confirme le commandant Serra. Reste la gestion des drames, ces images qui restent gravées, ces hommes et femmes qui voient leur vie basculer.
«J’étais jeune gendarme. Nous sommes partis sur un suicide. L’homme avait sauté du haut d’un barrage. On l’a retrouvé 75 mètres plus bas. C’était une vision d’horreur», se rappelle le capitaine Baldet. «Je ne pouvais pas enlever ces images des yeux. J’ai dû dormir plusieurs nuits avec la lumière. Cette vision me hante encore.» Pour Patrick Serra, ce n’est pas tant les corps que la difficile annonce aux familles. «Aller dans les familles, parler du drame qui vient de se dérouler, avec parfois, l’obligation de cacher certains faits pour les protéger, ce n’est pas simple, vraiment.»
«Aujourd’hui, la gendarmerie dispose d’une cellule psychologique pour aider les militaires. C’est bien que l’on ne garde pas tout cela pour soi», conclut le capitaine Baldet.
La sonnerie du téléphone portable coupe la conversation. Il est temps de regagner son poste. «On a jamais le temps de se reposer sur nos lauriers», sourit le major Carrichon. «Le quotidien nous appelle», conclut le commandant. Leur journée débute. Elle sera difficile mais passionnante. Comme leurs vies.