Quatre ans après la disparition de l’Héraultais Mathieu Caizergues à La Réunion, une lueur d’espoir
Publié le 20/06/2021 à 14:31 , mis à jour le 21/06/2021 à 11:31
Des recherches ont repris au Maïdo à La Réunion, mais sa famille attend plus.
La famille du jeune gendarme héraultais Mathieu Caizergues, disparu depuis le 23 juin 2017 alors qu’il randonnait dans le cirque de Mafate au nord-ouest de La Réunion, se bat depuis quatre ans pour que cette affaire ne rejoigne pas le placard des cold case.
Travail acharné des deux avocats
Toujours aucune trace du militaire de 23 ans qui était en poste à la Possession. Il a fallu un an de mobilisation et de travail acharné de deux avocats montpelliérains Mes Félix Allary, ancien enquêteur PJ, et Jean-Charles Teissedre devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Saint-Denis, pour que de nouvelles recherches sur l’un des remparts du cirque soient menées.
En l’absence de corps, la famille du jeune homme ne peut se résoudre à la thèse de la chute privilégiée par le magistrat instructeur. Et se contenter d’un procès pour non-assistance à personne en danger contre ses deux accompagnateurs pour avoir tardé à prévenir les secours.
« C’est la première fois que je vois ça ! »
Pour les avocats, de nombreuses pistes restent à creuser. Des hypothèses ont été « balayées d’un revers de main » par le parquet et le juge d’instruction. Au mépris des recommandations du Service central de renseignement criminel (SCRC), cellule spéciale de la gendarmerie nationale, saisie par le parquet, qui n’excluait pas la piste criminelle.
« Quand les conclusions sont arrivées sur le bureau du juge d’instruction début 2020, on était persuadés que les investigations allaient repartir. » Mais c’est un refus en forme de clôture de l’information judiciaire. « À quoi cela sert de créer un service central si on ne le prend pas en compte ! On a dû se faire leurs avocats, c’est la première fois que je vois ça ! »
Le rôle du Service de renseignement criminel
« C’est exceptionnel de saisir un tel service pour reprendre une enquête », assure Me Allary, lui-même ancien enquêteur. Le Service central de renseignement criminel (SCRC), basé à Cergy-Pontoise qui appartient au pôle judiciaire de la gendarmerie, peut être chargé « d’appuyer les échelons intermédiaires et les unités dans leurs missions de renseignement criminel et d’enquêtes judiciaires, notamment par la mise à disposition ou la projection d’enquêteurs spécialisés (analyses criminelles, délinquance financière, technologie numérique, analyse comportementale) », peut-on lire sur le site de la gendarmerie.
C’est au sein de ce service qu’a été créée en 2018, la cellule Ariane, une équipe d’enquêteurs chargés d’étudier le parcours de vie de Nordhal Lelandais. Depuis, une unité permanente dédiée aux cold case, 300 affaires selon les derniers chiffres connus, a vu le jour. Le colonel Fabrice Bouillié, son patron, a participé récemment à l’émission Appel à témoins sur M6 dans l’affaire Lucas Tronche
Le téléphone n’a pas été retrouvé
Les avocats font appel devant la chambre de l’instruction en octobre 2020 qui autorise des cordistes à explorer la falaise, en cours depuis le 8 juin. Les téléphones des deux accompagnateurs, un militaire et le mari d’une collègue de Mathieu, sont aussi saisis.
Mais où est celui de Mathieu qui a envoyé une photo de lui sur le sentier vers 17 h 30 à ses proches ce jour-là, puis texté et même appelé l’un de ses convoyeurs entre 17 h 08 et 17 h 50 ?
« Le boîtier a peut-être été utilisé depuis 2017 avec une autre carte SIM, c’est une simple réquisition auprès de l’opérateur que les enquêteurs font même en cas de vol ou de perte, mais là on refuse, pourquoi ? », poursuit Me Allary.
Le temps joue toujours en faveur de la vérité
La justice refuse de faire expertiser le selfie où Mathieu commente sa bosse sur le front, où ses yeux sont barrés de noir. Comme d’envisager l’hypothèse du militaire blessé qui serait sorti du cirque en direction de la commune de Saint-Paul. « Le chien pisteur a descendu la route sur 8 km, il a coupé droit et atteint un restaurant, fermé ce jour-là, où il a marqué sur la rampe handicapée puis est reparti vers Saint-Paul. Peut-être que Mathieu y a demandé du secours ? « , avance Me Allary qui ne comprend pas que cette piste retenue dès le départ par la famille ne soit étudiée.
L’avocat fait remarquer qu’entre 2013 et 2016, les seize personnes qui ont chuté sur ce secteur du cirque de Mafate, ont été retrouvées… sauf Mathieu.
Ses proches fondent beaucoup d’espoir maintenant sur le ratissage de la falaise et espèrent des témoignages. « Le temps joue toujours en faveur de la vérité », concluent Mes Allary et Teissedre.
Delphine Caizergues, sa maman : « On a perdu quatre ans »
Les recherches ont repris le 8 juin, comment le vivez-vous ?
On le vit bien. Depuis quatre ans, on nous dit qu’il est tombé là, donc on va enfin avoir des réponses. C’est la seule façon de vérifier ces affirmations qui sont hypothétiques. Nous fondons de grands espoirs.
C’est une victoire à force d’acharnement ?
Bien sûr. Mais c’est un peu tard, on a perdu quatre ans. Mais là c’est ultra-positif, on va être fixés et pouvoir avancer sur les différents scénarios qui ont été évoqués par le SCRC (Service central de renseignement criminel) car jusque-là, la seule thèse de l’accident a été travaillée. Si Mathieu n’est pas retrouvé là, c’est que ce n’est pas un accident. Il faut approfondir la piste du chien de recherche qui avait foncé jusqu’au parking avant de redescendre vers le village par un détour jusqu’à un restaurant fermé. Mais on l’avait stoppé dans son travail. Il faut vérifier la véracité des déclarations des deux qui étaient avec lui. Il y a beaucoup de travail à faire même si c’est un peu tard. Ils n’ont pas perdu la mémoire.
Qu’est-ce qui a joué pour relancer ces recherches ?
La cour d’appel (en octobre 2020) a été émue par mon message de désespoir. Notre acharnement, celui de nos avocats. Pendant quatre ans nous avons été l’ombre du juge, des enquêteurs. La cour d’appel a été touchée, que ce que nous demandons n’est pas exceptionnel, nous avons le droit de savoir si notre fils est là ou pas.
Si ça ne donne rien ?
J’espère que la justice acceptera de poursuivre les recherches ailleurs. S’il n’est pas là c’est qu’il s’est passé autre chose, les investigations devront reprendre. Ils nous doivent le retard qu’ils nous ont fait prendre.
M6 a lancé un concept d’émission basée sur l’appel à témoins en direct pour tenter de résoudre des cold case. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que je vais les contacter. Pour nous, il y aurait un décalage horaire à gérer avec La Réunion, mais je suis prête à le faire. Au bout de quatre ans il y a forcément quelqu’un qui sait quelque chose et qui pourrait être poussé à parler dans un moment de compassion.
Contact : Facebook Retrouvons Mat.
HÉLÈNE AMIRAUX
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