PAGE FACEBOOK ANTI-RADARS : LA FRANCHE-COMTÉ ATTEND
La pratique, qui ne cesse de se développer en France, était portée pour la première fois devant la justice, mardi à Rodez… Que penser de ces communautés Facebook qui annoncent, en temps réel, l’emplacement des radars ? Le point en Franche-Comté.
La décision, rendue le 3 décembre prochain, est très attendue et pourrait faire jurisprudence au sujet d’une pratique qui, sur internet, ne cesse de se développer. Entre 600.000 et 800.000 Français seraient aujourd’hui familiers de groupes Facebook similaires.
« Hypocrisie flagrante »
Leurs défenseurs s’insurgent de cette remise en cause, qu’il juge illégitime. « C’est d’une hypocrisie flagrante. On s’attaque aux faibles, c’est toujours nous qui trinquons. On n’est pas différent des radios, des journaux ou même des gendarmes eux-mêmes qui annoncent aussi la présence des contrôles », développe l’un des administrateurs de la page « Info Routes Haut-Doubs 25 ». En cinq mois d’existence seulement, son « bébé » a fidélisé 11.000 automobilistes. Avec une particularité : les propos des internautes sont tous contrôlés, ce qui évite la multiplication de « noms d’oiseaux » à propos des gendarmes.
« Il n’y a pas que les radars, on fait aussi de la prévention en annonçant les travaux, les bouchons ou les accidents », ajoute ce Mortuacien de 23 ans qui, comme tant d’autres, est suspendu à la décision du tribunal de Rodez. « S’ils sont condamnés, j’arrêterai la page. Mais c’est n’importe quoi, je voudrais bien voir l’article de loi qui le permettrait. »
Mardi à la barre du tribunal de Rodez, l’avocat de la défense a par ailleurs renchéri en donnant l’exemple des systèmes d’aide à la conduite (les « coyotes »), qui fournissent la même catégorie d’information, sans être remis en cause par la loi.
En Haute-Saône, deux groupes Facebook anti-radars rassemblent respectivement 5.700 et 3.500 membres. Face à eux, se dresse une page « officielle » de la gendarmerie, parfois utilisée pour, elle aussi, communiquer sur des contrôles routiers. Ce qui pose question. Peut-on condamner un particulier pour une infraction reproduite par les gendarmes eux-mêmes, même si le but (en l’occurrence, la prévention routière) est différent ? En droit pénal, on parle « d’indifférence du mobile ».
Sur ce point, sensible, la gendarmerie de Haute-Saône est claire : « On n’informe pas sur un contrôle précis, contrairement à eux. On annonce que nous serons présents sur un secteur donné, dans une tranche horaire donnée, afin que les automobilistes fassent encore plus attention que d’habitude. » Plus globalement, les gendarmes utilisent leur page Facebook pour « des consignes et des conseils de sécurité » liés à la route et à d’autres thèmes variés.
Les gendarmes « pas là pour remplir les caisses de l’État »
Souvent, les commentaires « anti-flics » tournent autour des mêmes idées, que la gendarmerie de Haute-Saône réfute avec force. « Nous ne sommes pas là pour remplir les caisses de l’État, mais pour que le nombre d’accidents et de blessés baisse. Eux, ce qu’ils veulent c’est simplement ne pas perdre d’argent ou de points sur leur permis. Et si on reste discret, c’est pour mieux piéger les chauffards : 95 % des infractions constatées par nos motards concernent des excès de vitesse supérieurs à 20 km/h. »
Les propos de Bruno Charlot, sous-préfet de Pontarlier, sont encore plus tranchés : « Le message de prévention de ces groupes Facebook me paraît inaudible, risible. Raisonnons par l’absurde : si tout le monde respectait les limitations, à quoi serviraient-ils ? À rien. Ceux qui prennent la responsabilité de diffuser ce genre d’informations le font à destination des automobilistes qui roulent trop vite. »
Willy GRAFF