On a retrouvé le premier Poilu de Verdun grâce à son ADN
« Il y a toute une série de petites circonstances miraculeuses » qui ont permis à « cette belle histoire », débutée par un coup de pelleteuse le 6 mai 2015, de connaître un dénouement « extraordinaire », sourit Bruno Frémont, médecin légiste à Verdun.
Lors de travaux au Mémorial de Fleury-devant-Douaumont, un engin met au jour « trois squelettes quasiment entiers, complètement enchevêtrés », raconte-t-il.
Dans la glaise, godillots cloutés, baïonnettes Rosalie, balles Lebel « luisantes », casque Adrian et même une fiole de Ricqlès exhalant encore une odeur de menthe, sont retrouvés. Par miracle -et sur insistance du docteur Frémont-, une plaque d’identité militaire est retrouvée dans un tas de terre évacuée à 200 m du trou. Le minuscule objet en zinc et aluminium appartient à Claude Fournier, incorporé en 1900 à Mâcon. Les archives révèlent que le sergent, né le 27 novembre 1880 à Colombier-en-Brionnais (Saône-et-Loire), appartenait au 134e régiment d’infanterie et a été « tué à l’ennemi » devant Douaumont le 4 août 1916 à l’âge de 35 ans.
« Acte de bravoure »
« A deux reprises, il a fait acte de bravoure » et avait été décoré, souligne son petit-fils, Robert Allard. Les données morphologiques de la fiche matricule semblent correspondre à l’un des trois squelettes retrouvés. Le maire de Colombier-en-Brionnais, Jean-Paul Malatier, informé par un article de presse qu’un enfant du village tombé au champ d’honneur a peut-être été retrouvé, recherche sa descendance. Une octogénaire, Claudia Palluat-Montel, pense être apparentée à la famille Fournier qui a quitté la commune bien avant 1914. Avec les Anciens combattants et le Souvenir français, ils dressent un arbre généalogique et retrouvent un petit-fils, Robert Allard, 75 ans, vivant sur la Côte d’Azur.
Claude Fournier était un jardinier dans la région lyonnaise, marié à Marguerite et père d’une fille, Antoinette, née en 1910.
Des analyses génétiques, autorisées par le ministère de la Défense, confirment le lien de parenté entre le sergent Fournier, Robert Allard et Claudia Palluat-Montel. « C’est la première fois qu’on identifie par son ADN un soldat français de la guerre 14-18 », souligne le docteur Frémont.
Reconstitution faciale
Le squelette a un nom, il lui faut un visage. Mais les lettres et photographies du Poilu, conservées par M. Allard, ont été emportées par des inondations en 2015.
L’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) accepte alors de procéder à une reconstitution faciale du soldat, un acte inédit pour les experts de Pontoise.
A partir du crâne et des données génétiques, quatre portraits-robots sont réalisés avec barbes, moustaches et coiffures différentes. Et ont pu être comparés à un cliché d’un groupe de soldats parmi lesquels le sergent Fourier, déniché dans un carton chez Mme Palluat-Montel.
« Sur le plan scientifique et historique, c’est une réussite. Sur le plan humain, c’est quelque chose de superbe pour Robert Allard qui va avoir une sépulture pour son grand-père », poursuit le Dr. Frémont. Le petit-fils du sergent Fournier assistera à la cérémonie « par devoir filial, pour mon grand-père, un héros parmi tant d’autres héros, et par extension pour tous les soldats de 14-18 ».
« Ma mère (morte en 2011 à 101 ans) a toujours regretté de ne pas savoir où avait été enterré son père dont elle n’avait que des souvenirs confus », souligne avec émotion M. Allard.
Le maire de Colombier-en-Brionnais fera le déplacement avec une centaine de personnes, dont des enfants « qui ont travaillé sur le devoir de mémoire avec cette histoire qu’ils connaissent par coeur ».
Près de 300.000 soldats sont morts pendant la bataille de Verdun (février à décembre 1916). Les corps d’environ 80.000 portés disparus sont dispersés dans une zone de 10 000 hectares transformée depuis en forêt domaniale.