Notre-Dame-des-Landes : Emmanuel Macron s’enlise dans la ZAD
Après dix jours d’opération où 2 500 gendarmes sont mobilisés, l’exécutif ne parvient pas à évacuer les zadistes. À l’image d’un certain François Hollande en 2012.
PAR OLIVIER PÉROU
Au même moment, les gendarmes mènent une opération coup de poing pour dégager les deux routes départementales occupées. Car l’éventualité d’une armistice, proposée par Nicolas Hulot, est balayée du revers de la main à Matignon comme au ministère de l’Intérieur. Édouard Philippe et Gérard Collomb préparent en parallèle une visite surprise, le vendredi après-midi. Personne n’est prévenu, pas même la préfète. En voyant l’avion de la République atterrir à Nantes, certains élus locaux et députés présents s’imaginent quelques secondes voir Emmanuel Macron descendre sur le tarmac. En vain. Si le chef du gouvernement et son ministre ont fait le déplacement, c’est pour soutenir les forces de l’ordre mobilisées. Le message envoyé est limpide : aucune trêve n’aura lieu.
« Ce n’est plus un bocage, c’est un bourbier », un gendarme
Après dix jours d’intervention, le visage de la ZAD n’a que peu changé. Seulement 29 des 99 squats installés sur les 1 650 hectares du bocage ont été détruits. La route départementale 281, débloquée en février, et sa voisine la D81 sont de nouveau inaccessibles. Plus de 4 000 grenades ont été tirées, des dizaines de gendarmes blessés et autant de zadistes.
La facture grimpe aussi : selon les calculs de France Inter, l’opération d’évacuation avoisinerait les 300 000 euros par jour, soit un coût total de 3 millions. Plus le temps passe, plus les zadistes se mobilisent. De 150 militants au premier jour, les gendarmes les estimaient à près de 1 000 ce week-end. Pire, la destruction de l’emblématique ferme des cent noms et de sa bergerie a réconcilié les occupants modérés, dont certains négociaient encore avec la préfecture, et les plus radicaux qui veulent en découdre avec les gendarmes.
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De Notre-Dame-des-Landes jusque dans les couloirs de l’Élysée, de Matignon et de l’Assemblée nationale, une question taraude bien des acteurs du dossier : est-on en train de revivre le fiasco de l’opération César de 2012 ? La situation est loin de s’améliorer et le temps ne joue pas en la faveur du gouvernement. La députée MoDem de la circonscription ligérienne Sarah El-Haïry ne désespère pas : « On a connu le pire il y a six ans, personne n’a envie de revivre ça. Il faut s’interdire d’imaginer un nouveau recul de l’État de droit. Il n’y avait à l’époque aucun dialogue entre les occupants et l’État. Aujourd’hui, les discussions sont certes fragiles mais elles existent. »
Aux yeux du président du groupe Les Républicains au Sénat Bruno Retailleau, l’opération est déjà un fiasco : « Emmanuel Macron a cédé une première fois en abandonnant l’aéroport. C’était un troc contre une forme de paix civile qui n’aura visiblement pas lieu. » L’ancien président de région ne croit pas à une évacuation de la ZAD mais à « un habillage bien scénarisé par le gouvernement, dans le plus pur style macronien, dans lequel les zadistes pourront rester sur place impunément. C’est un échec démocratique qui engage la responsabilité du chef de l’État et de Nicolas Hulot. Notre-Dame-des-Landes n’est plus seulement l’affaire de l’Ouest, c’est désormais l’affaire de tous les Français. »
La solitude de Hulot
L’avenir de la ZAD se joue surtout dans les bureaux de la préfecture et dans les couloirs du ministère de la Transition écologique. Esseulée, Nicole Klein est parvenue contre vents et marées à maintenir un dialogue constant avec les zadistes qui ont accepté de la rencontrer mercredi. Dans les couloirs du gouvernement, Nicolas Hulot est tout aussi seul. Plus que discret médiatiquement, il planche sur « une sortie de crise par le haut ». Selon certains de ses proches, il se serait agacé auprès d’Emmanuel Macron que les préconisations du rapport des médiateurs publié en décembre n’aient pas été prises en compte. Les trois experts invitaient l’État à envisager un scénario de redistribution des terrains agricoles, similaire à celui du Larzac, tout en gardant « la maîtrise foncière des terrains acquis ». « Il y a une trentaine de propositions dans nos travaux, réalisées avec l’Inra notamment, qui permettraient de trouver des solutions pacifiques. À quoi ça sert de montrer les muscles ? Notre mission perd toute sa valeur… », s’emporte un fidèle de Hulot qui craint la suite des opérations.
Reste que les scénarios sur la table d’Emmanuel Macron se font rares. En plus de s’engluer dans la ZAD, il doit désormais composer avec un conflit qui fait déjà tache d’huile jusqu’à Nantes. Tags, poubelles brûlées, vitrines brisées et terrasses de bar renversées… Le centre-ville de la ville de l’Ouest panse encore ses plaies après la manifestation de samedi qui a vu des milliers de personnes se mobiliser en soutien aux zadistes.