L’Oise, le département où il ne fait pas bon être gendarme
Nicolas Goinard | | MAJ :
Le phénomène inquiète les autorités. L’Oise est l’un des départements deFrance où les gendarmes se font le plus agresser. Si entre 2013 et 2014 une légère baisse avait été constatée avec un passage de 68 à 62 faits selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), 2015 a, d’après nos informations, été une très mauvaise année pour la maréchaussée oisienne avec une augmentation des incidents. Car les statistiques frôlent de nouveau les 70 faits.
Ces agressions sont aussi bien physiques que verbales, mais dans tous les cas « un gendarme s’estime victime même s’il est simplement menacé et pas violenté », note un militaire du rang. « Il y a quelques années, on m’a dit : « Tu vas crever ». Même s’il n’y a eu pas de violence physique, c’est difficile à vivre. On ne fait que notre travail. Les menaces de mort ne sont jamais suivies d’effet, mais ce n’est jamais agréable d’entendre ce genre de choses. »
Des chiffres en dessous de la réalité ?Selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui a publié, en novembre dernier, le rapport sur les violences exercées à l’encontre des gendarmes en 2014, le volume de ces atteintes est difficilement quantifiable et « ne peut être mis en comparaison avec celui de la police nationale ». Dans sa base de données, la gendarmerie ne possède pas de case permettant d’identifier ses personnels en tant que victimes d’un fait délictueux. Dans la police, les fonctionnaires touchés figurent tous dans le STIC (Service de traitement des infractions constatées) en tant que victimes. L’ONDRP précise : « La connaissance des atteintes aux personnels repose sur les éléments recueillis dans le message « événement grave ». Or, tous les faits commis et portant atteinte aux militaires de la gendarmerie ou à l’institution ne font pas l’objet d’un message ».
Malheureusement, les violences sont aussi physiques. Le commandant de la brigade territoriale de Saint-Leu d’Esserent en a été victime le 23 décembre dernier alors qu’il était en train d’intervenir sur un accident de voiture. Un automobiliste l’a renversé avant de prendre la fuite. Grièvement blessé, le militaire se remet peu à peu de ses blessures, et « a hâte de retrouver le terrain », selon un officier de la gendarmerie de l’Oise.
« C’est le cas de tous les gendarmes blessés en intervention. Dans le département, 100 % de ceux qui ont été blessés ces derniers temps ont repris du service. » Selon le haut gradé, les militaires ne sont pas laissés seuls avec leur mal-être. Une psychologue basée à Amiens a la charge de les écouter et de mettre en place un suivi. « On demande beaucoup aux gendarmes. Il est normal que lorsqu’ils sont victimes, la gendarmerie les accompagne et les assiste. »
Ces violences physiques et verbales n’ont pas de zones géographiques délimitées. Elles s’exercent sur tous les secteurs de l’Oise, aussi bien à proximité des agglomérations, que sur l’autoroute ou en zone rurale. Une explication ? « Pas vraiment », répond cet officier. Cet autre gradé, lui, analyse : « Nous sommes un département tampon entre le Nord et la région parisienne. Il y a moins de pression policière ici, ça amène de la délinquance assez dure, des gens qui peuvent être violents en voyant un uniforme ».
« Toute référence aux attentats est un facteur aggravant »
Stéphane Hardouin, procureur de la République à Compiègne
La politique pénale du parquet de Compiègne est ferme concernant les violences sur les gendarmes ou les policiers. « Nous faisons des comparutions immédiates même lorsqu’il n’y a aucun antécédent judiciaire », explique le procureur Stéphane Hardouin.
« Quand des violences sont exercées sur des gendarmes ou des policiers, au parquet de Compiègne, nous avons un principe de fermeté », explique Stéphane Hardouin, le procureur de la République de la cité impériale. Pour le représentant du ministère public, pas question de laisser passer ou se banaliser les agressions contre les gendarmes ou les policiers. « Qu’il s’agisse de violences graves ou légères, la personne est présentée au tribunal et est jugée en comparution immédiate. Même si elle n’a aucun antécédent judiciaire. Quand les faits sont verbaux, nous poursuivons aussi. Dans les cas d’outrages ou de menaces en récidive, c’est la comparution immédiate, et dans certains cas, ça s’est déjà terminé par une peine de prison ferme. » Et le chef du parquet de Compiègne conclut : « La référence au contexte actuel, avec la menace terroriste, est un facteur aggravant ».