Les Royens n’oublieront pas le
25 août 2015
Certains se rappellent parfaitement de la date. D’autres de ce qu’ils faisaient au moment où ils ont entendu l’hélicoptère de la gendarmerie ou les coups de feu qui ont précédé sa venue. À Roye, les habitants ont la fusillade ancrée dans la mémoire.
Ils se souviennent du choc. Les victimes étaient bien connues de la population ; notamment le gendarme Laurent Pruvot et la jeune maman, Mallaurie Beauvais. « Dimanche, j’ai vu la famille de Mallaurie au bureau de vote. Elle a été mon élève. Je connaissais Laurent Pruvot aussi. Bien sûr que je suis ému », témoigne Pascal Delnef, 1er adjoint au maire de Roye. Il n’est pas le seul que l’ouverture du procès replonge 20 mois en arrière.
Au sein de la gendarmerie, certains attendent que la justice fasse son travail. « Il y a de l’émoi, d’autant plus que certains d’entre nous vont passer en audience », confie un gendarme. « Beaucoup de gendarmes sont partis après la fusillade, notamment pour tourner la page », poursuit Pascal Delnef.
Il y a aussi les agents. Les deux policiers municipaux « qui se sont fait tirer dessus. Une balle a traversé le pare-brise. Ils appréhendent beaucoup », indique une source au sein de la mairie. Un troisième employé municipal, embauché suite à la fusillade, est bouleversé par sa participation au procès. Il s’agit de l’homme qui accueillait les gens du voyage sur l’aire. À l’époque, il travaillait pour la société qui, via une délégation de service public, gérait l’aire. « Il s’était réfugié dans un local technique. L’approche de la date du procès réveille de très mauvais souvenirs ».
La Ville attend que le préjudice moral de ses agents soit reconnu. Puis, elle attendra le jugement pour les dommages matériels qu’elle a subi : les dégâts sur l’aire d’accueil et ceux sur la voiture des policiers municipaux.
Quant au maire de Roye, Jacques Fleury, il n’a jamais été loquace sur le sujet. Pas plus à la veille de l’ouverture du procès. Peut-être parce que c’est une affaire qui avait mis sa commune en lumière… pour un drame.
Plus personne ne viendra sur cette aire d’accueil
La végétation a fini par masquer le lieu du drame. L’aire d’accueil des gens du voyage, où s’est déroulée la fusillade d’août 2015, est interdite d’accès. Une décision qui a été prise dans les heures qui ont suivi le drame. « Les autorités nous avaient fortement conseillé d’en bloquer l’accès », se souvient Pascal Delnef, 1er adjoint au maire de Roye. Un monticule de terre a été placé à l’entrée « pour les besoins de l’enquête mais aussi parce qu’on ne voulait pas qu’autre chose s’y passe », explique l’élu royen.
La Ville de Roye a demandé des dédommagements suite aux dégâts provoqués par la fusillade. « Nous avons eu des ressources compensatoires suite à la fermeture de l’aire », explique la Ville.
Depuis, rien n’a bougé. Que ce soit la municipalité de Roye ou la Communauté de communes du Grand Roye – qui a la gestion des aires d’accueil depuis le 1er janvier 2017 – personne n’a retiré la terre qui ferme le passage à l’aire.
Et pour cause. Si l’enquête est bel et bien terminée, la communauté des gens du voyage refuse d’y retourner. « Cette zone n’est plus bonne pour les accueillir »rapporte-t-on au Grand Roye. « Après l’épisode de la fusillade, ils ne souhaitent pas y revenir », confirme la préfecture. Il y a eu trop de violences sur cette zone.
Alors l’intercommunalité mène une réflexion sur une possible nouvelle aire d’accueil des gens du voyage. Le projet n’en est qu’à ses balbutiements. Quant à ce que deviendra l’aire, théâtre de la fusillade, la question n’est pas encore à l’ordre du jour.
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3 questions à Guillaume DEMARCQ
Avocat de Marcel Ruffet
« M. Ruffet a droit à un procès convenable »
Dans quelles conditions avez-vous été chargé de la défense de Marcel Ruffet?
M. Ruffet a refusé l’assistance d’un avocat pendant toute l’instruction, y compris celle de ma consœur Dorothée Fayein, avocate désignée d’office. Lors de la préparation de ce procès, il a de nouveau affirmé qu’il ne voulait pas être défendu, ce qui est impossible en cour d’assises. Le bâtonnier d’Amiens m’a donc désigné. J’ai accepté à condition que Me Fayein soit à mon côté.
Que se passera-t-il si Marcel Ruffet réitère son refus ce mardi matin?
On ne pourra évidemment pas plaider s’il nous l’interdit. C’est un des derniers droits qui lui reste… Dans ce cas, que je ne souhaite pas, nous serons néanmoins présents et poserons si besoin des questions aux témoins mais resterons taisants au moment des plaidoiries.
Qu’attendez-vous de ce procès?
Notre client a droit à un procès convenable. Certains des faits qui lui sont reprochés sont incontestables, d’autres seront débattus. On parle d’actes monstrueux mais les monstres, ça n’existe pas. Je n’ai jamais croisé de croque-mitaines aux assises. Je pense aussi aux parties civiles. Ce qu’elles ont vécu, c’est humainement très lourd. Elles sont en droit de savoir comment on a pu en arriver là.
Propos recueillis par