Articles

Le - Les gendarmes chassent sur internet

Les gendarmes chassent sur internet

C’est aujourd’hui la journée mondiale pour un internet plus sûr. À Angoulême, un cybergendarme traque les pédophiles et les escrocs. Entre la Toile et les réseaux sociaux, il n’a pas le temps de s’ennuyer.

Les gendarmes chassent sur internetPas de photo. Pas de nom. Juste Sylvain, adjudant-chef à la brigade des recherches d’Angoulême et cybergendarme. C’est le meilleur des firewalls, le plus efficace des antivirus. Il passe sa vie dans le ventre des ordinateurs et traque depuis deux ans en Charente les pas nets de l’internet. Et dans son coin, le limier du virtuel a du boulot, avoue six mois de dossiers en stock et tend le dos face à la menace d’une grosse affaire qui atterrirait sur son clavier.

« Même en Charente, ça existe. » Parce que la cybercriminalité n’a pas de frontière, explique le gendarme devenu diplômé en informatique à 38 ans et enquêteur N Tech (pour nouvelles technologies) avec cinq ans de formation. « Au départ, la gendarmerie avait pensé implanter des unités spécialisées près des grands centres. Mais le serveur Wikileaks était en Auvergne. Il n’y a pas de bassins de délinquance définis. »

Pédopornographie et escroqueries

L’essentiel de la cybercriminalité, celle qui fait d’un système numérique une cible ou qui permet de commettre des infractions de droit commun, « c’est la pédopornographie ». C’est même 60% des 30 à 40 dossiers, les plus importants, qui sont confiés chaque année à l’adjudant-chef. « Il y a trente ans, accéder à des images pornos, c’était compliqué. Aujourd’hui, la libéralisation de l’information due à internet a facilité les choses, comme l’évolution de la technique les favorise. Elle a permis de passer de la collection de photos à la diffusion de vidéos. » À Angoulême la semaine dernière, un septuagénaire a été condamné pour la détention de 24 000 photos pédophiles et zoophiles.

Le cyberenquêteur ne fréquente Facebook que sous couverture de la gendarmerie. Personnellement, il évite les réseaux sociaux, sûr ainsi de ne rien livrer de sa vie privée à la NSA (National Security Agency). Lui le sait parfaitement: « Le droit à l’oubli n’existe pas. Et il est très difficile d’effacer toutes ses traces. » C’est ce qui lui a permis de « sortir » des affaires. Celle de ce jeune pédophile, 33 ans, sûr de n’avoir rien laissé traîner et qui s’est tout de même fait remonter par son disque dur. « Par la suite, j’ai surtout eu des seniors. Des affaires de stockage, de collection surtout. » Sauf deux qui avaient produit leurs propres images.

Ensuite, l’autre gros secteur d’activité, c’est l’escroquerie sur le net. Du très classique « comme les arnaques sur Le bon coin ou eBay ». Des mauvais payeurs ou des escrocs à la vente qui tombent assez facilement. « Les sites nous aident beaucoup, concède le gendarme. J’ai tout de même eu un gros préjudice à traiter: 8 000 euros pour un instrument de musique. » L’un des trente dossiers d’escroqueries sur internet que traitent chaque mois les gendarmes du département.

« Mais les affaires les plus simples se traitent depuis les brigades où sont enregistrées les plaintes. » Les autres, qui intéressent Sylvain, remontent des brigades ou redescendent de l’Institut de recherche criminelle (IRCG) de Rosny-sous-Bois ou de la plateforme de signalement Pharos de Nanterre.

Ce sont « surtout du piratage de données, des escroqueries ». Aujourd’hui, les délinquants ne cherchent plus à s’introduire dans les ordinateurs pour les bloquer.« Les virus permettent surtout aux pirates d’utiliser votre machine à votre insu, de s’y cacher. »

Et si le cybergendarme sait décrypter les disques, reconstituer des données effacées, c’est parfois ardu. « Cent mégas de données visibles, effacées, codées, ce n’est pas la même chose. C’est parfois très complexe. Et la grande fragilité de notre métier c’est que ne pas trouver ne veut pas dire que ça n’existe pas. Mais sur internet ou dans les systèmes, il y a tellement de ramifications qu’il est difficile de tout cacher. »

Sylvain a passé un mois sur le dossier d’un vieux monsieur fortuné qui vidait ses comptes au profit d’une Africaine dans le besoin, arrivée dans sa vie par mail. Ses enfants ont fini par retrouver des mandats Western Union. « J’ai pu établir que cela durait depuis dix ans. Les deux seules dernières années ont été retenues. Il y en avait pour 30 000 euros. » Mais il a réglé plus rapidement l’histoire du type qui avait piraté l’ordinateur de son ex pour suivre ses faits et gestes en direct. « C’est aussi une forme de criminalité. »

Sylvain ne se préoccupe jamais de ce que deviennent ses dossiers en justice. Il repart dans ses machines et dans ses connexions. Avec toujours une préoccupation. « L’ingéniosité et l’imagination des cybercriminels sont sans limite et ils ont toujours un temps d’avance. »

Alors, pas de solution? « La prévention. La protection. Les entreprises ont pris la mesure du problème. Pas forcément le particulier que l’antivirus emmerde. Mais c’est essentiel. Ceux qui vont attaquer s’en prendront aux plus faibles. Aux moins protégés. »

Source : charente libre (1) www.charentelibre.fr

Be Sociable, Share!