Le stakhanoviste de la cambriole
Justice – Tribunal
Emmanuel Boucher se fait le plus petit possible dans le box.
C’est à peine si on le voit entre les gardiens de la pénitentiaire. Entre les mois de janvier et mars 2011, les forces de l’ordre, police et gendarmerie, notent une recrudescence très importante des cambriolages dans Tarbes et ses alentours assez proches : Bazet, Aureilhan, Bordères, Lescurry, Souyeaux, Gonès, Escondeaux, Séméac, Cabanac, Pouyastruc, Sarniguet. Pas moins de 28 cambriolages en à peine trois mois.
À chaque fois, le butin est ciblé : bijoux, numéraire, ordinateurs, télés, appareils photos, consoles de jeux, voitures… Tout ce qui se revend très facilement.
Dans la salle, sur 28 victimes, une dizaine s’est présentée. Toutes ont perdu pas mal d’argent et encore plus de biens auxquels elles tenaient particulièrement : au total, pour les victimes présentes, les dommages et intérêts se montent à 7.980 €.
Emmanuel Boucher va se faire pincer après avoir volé chez une des victimes une Alfa Roméo qu’il va utiliser. Cette voiture sera repérée dans Laubadère et immédiatement surveillée et «filochée».
On finira par appréhender deux individus : Emmanuel et Hassan, un mineur.
En garde à vue, Boucher va reconnaître la plupart des vols, mais pas tous : il ne se souvient plus.
Dans le box, il reconnaît finalement tout, devant les preuves accumulées. Avec un regard de chien battu et une mine accablée, le frêle jeune homme demande pardon aux victimes et éclate en sanglots : «J’ai été forcé. Je ne pouvais pas faire autrement. Je ne faisais que rapporter les objets à quelqu’un qui les prenait. Je ne les ai pas vendus, j’ai été obligé de les donner. Je ne peux pas dire à qui, j’ai trop peur des représailles», explique-t-il d’une petite voix chevrotante : «Pourquoi deviez-vous donner les objets ?» «J’avais une dette. Une dette de cannabis, de 3.500 €.» Le procureur Jardin bondit de son siège : «3.500 €? C’est surprenant quand on compare cette dette au montant de ce qui a été volé…» Le regard du jeune homme se fait encore plus implorant et se tourne encore une fois vers les victimes, qui commencent visiblement à s’émouvoir : «C’est pas moi, ça. J’ai été forcé par quelqu’un. Ça ne me ressemble pas du tout. Je ne suis pas mauvais, je ne veux pas faire le mal. Pardon, pardon…»
Juste après cette petite tirade larmoyante, la présidente va lire le casier judiciaire : 27 condamnations essentiellement pour vols, y compris avec violences. Boucher a commencé la délinquance à 13 ans à peine et jusqu’à ses 26 ans, n’a jamais arrêté. Les victimes, qui s’étaient laissées un moment attendrir, avalent leur salive de travers. Surtout que tous ces cambriolages ont été commis en récidive légale. Forcément, à peine sorti de prison, Emmanuel remet le couvert. Une habitude qui, elle, lui ressemble. Il passera trois ans supplémentaires en prison, dont un avec sursis et devra, d’une façon ou d’une autre, indemniser les victimes.
à l’énoncé du jugement, le regard devient tout d’un coup noir et menaçant. Le frêle petit ange repentant s’est envolé brusquement.