SÉCURITÉ
Lutte antiterroriste à Metz : le Psig Sabre
s’entraîne au maniement des armes de
guerre
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les 16 militaires du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) viennent de passer « Psig Sabre ». Objectif : intervenir très vite, avec un armement de guerre, en cas d’attaque et de tuerie de masse.
- LE 10/07/2017 À 12:00
Ce matin-là, dans une forêt de l’agglomération messine, le ballet des gilets bleus est impressionnant.
Les armes de poing restent dans leurs étuis. L’entraînement, cette fois-ci, se fait avec des armes de guerre, des HK G36. « La précision est fabuleuse. Même à 200 m », sourit l’un des militaires du nouveau Psig Sabre, dissimulé sous son casque avec visière blindée et son gilet pare-balles qui arrêtent des projectiles de Kalachnikov. Ils s’apprêtent à sortir le bouclier pare-balles, pesant une vingtaine de kilos, du coffre du nouveau véhicule d’intervention rapide qui complète la panoplie, impressionnante, de ce peloton. Un nouvel équipement pour de nouvelles missions.
Depuis le premier semestre, les 16 militaires du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig ) sont passés Psig Sabre. Il y a un an, le ministère de l’Intérieur avait annoncé la création, progressive, de 150 unités de ce type sur tout le territoire national dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Car, dans le domaine, devenu priorité nationale absolue, les procédures ont changé. « Avant, les premiers sur les lieux devaient boucler le périmètre, en attendant le GIGN. Aujourd’hui, les primo-arrivants, même s’ils ne sont que deux, doivent intervenir pour neutraliser les assaillants. C’est une évolution majeure qui modifie totalement notre doctrine d’intervention », détaille le lieutenant-colonel Léoutre, commandant la compagnie de Metz. Ainsi, tous les gendarmes du secteur, même dans les brigades (qui, du fait de leur proximité, pourraient être les premiers sur les lieux) ont été formés à ce type d’intervention (lire par ailleurs).
Pour arriver rapidement, en appui, les Psig Sabre constituent des unités intermédiaires. Ces 16 sous-officiers du Psig de Metz conservent, au quotidien, leurs missions : la lutte contre la délinquance classique, dans les secteurs parfois sensibles, souvent la nuit. Mais, en cas d’attaque terroriste, ils sont prêts à intervenir, et réagir avec du matériel adapté et réservé à ces interventions à haut risque. Ils ne sont pas plus nombreux. Mais sont plus qualifiés. Et ils composent avec ce véritable challenge qu’est celui de comprendre immédiatement à quelle situation ils sont confrontés. « Les premières minutes sont primordiales dans ce chaos », note le lieutenant-colonel. Et ce constat : comme ils interviennent dans les premiers instants, par définition, les informations recueillies en amont sont minces concernant la réalité de la situation. Cette capacité de réversibilité constitue une vraie difficulté. Les missions peuvent passer, en un coup d’appel téléphonique, de l’interpellation d’un homme en état d’ivresse à une suspicion d’attaque terroriste. « C’est le plus compliqué, au niveau mental, de basculer d’un spectre haut à un spectre bas », insiste le lieutenant Faget, commandant le Psig. Leur cahier des charges est clair : ils ne doivent intervenir qu’en cas de tir ou d’appel au secours. Le dosage est toujours délicat.
Le bon jugement, au bon moment. « Car s’il n’y a plus de tirs, nous sommes face à un individu retranché. La procédure change, on attend le GIGN. On fait appel aux grands frères, comme on dit chez nous. »
Et ce risque, forcément plus grand ? Finalement, les militaires ne l’évoquent pas vraiment. « Le gendarme a toujours été confronté à la notion de risque. Il peut s’agir d’un engagement plus important, mais c’est ce qui fait la noblesse de notre métier : protéger la population, jusqu’au sacrifice ultime », insiste le lieutenant-colonel.
La lutte contre le terrorisme est devenue une priorité absolue. Pour la gendarmerie, comme pour la police, ce nouveau postulat inclut « des changements dans les trois volets de lutte contre le terrorisme », explique le lieutenant-colonel Marc Léoutre, commandant la compagnie de Metz.
Prévention. — « On travaille avec les différents propriétaires de sites qui pourraient être la cible d’attaques, parce qu’ils reçoivent un public nombreux. Nous apprenons à connaître ces lieux tout en s’assurant que les mesures de sécurité sont suffisantes. » Salles de spectacle, cinémas, parcs de loisirs, établissements scolaires… Des réunions approfondies sont menées avec tous les organisateurs de manifestations temporaires (de la fête importante au vide-greniers de village). Un gros travail est également mené par la brigade de Prévention de la jeunesse, dans les collèges. Elle intervient pour sensibiliser sur les risques d’endoctrinement et de radicalisation, l’état d’urgence, le plan Vigipirate. « Il est important de former les futurs citoyens mais aussi de diffuser un message de réalité, même s’il est difficile. »
Détection. — « C’est un changement de pratique majeur : former les gendarmes à détecter les signaux faibles de radicalisation dans leurs missions quotidiennes et leur contact avec les commerçants, les associations, élus… » Ces signaux faibles de changements dans les comportements doivent être captés et remontés, incluant ensuite un maximum de discrétion selon le principe du « besoin d’en connaître ». « Il s’agit d’une mission de renseignement de proximité qui sera ensuite évalué par d’autres services compétents. » Avant, cette mission spécifique de détection des signaux de radicalisation incombait à des services parisiens spécialisés. « Aujourd’hui, les brigades de gendarmerie ont un rôle de maillage du territoire car aucun secteur n’est épargné. Et il y a aussi une certaine porosité entre délinquance et terrorisme : tous les auteurs d’actes de terrorisme commencent par de la petite ou moyenne délinquance. » D’où ce travail primordial, important et nouveau, pour que « personne n’échappe au filet ».
Réaction. — Ce volet constitue aussi un vaste changement. Tous les gendarmes sont formés pour apprendre à réagir face à une attaque terroriste. Car les procédures ont changé : désormais, afin de limiter le nombre de victimes, il est impératif d’intervenir le plus rapidement possible. Le Psig Sabre (lire par ailleurs) constitue un peloton intermédiaire. Mais cela signifie également que les brigades pourraient être amenées à intervenir, sans préavis, sur une situation de guerre. « Cela correspond aux valeurs, au sens de la mission du statut militaire. S’il faut monter à l’assaut, il faut être prêt à y aller. » Et en cas de procédure d’urgence absolue, nouveau changement : les gendarmes peuvent être amenés à intervenir en zone police (et réciproquement). « Ce qui implique un durcissement dans les équipements. Mais aussi une formation en sauvetage supérieure. Tous les militaires de la compagnie de Metz ont été formés aux premiers gestes (avec une trousse de secourisme comportant notamment un pansement compressif type israélien et un garrot tourniquet) sur une blessure de guerre en attendant les premiers secours. »