VIDÉO. Accident à Millas: «On est parents, je le suis moi-même», le désarroi des gendarmes qui ont été envoyés sur les lieux du drame
PSYCHOLOGIE Des psychologues ont recueilli la parole de gendarmes sous le choc…
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« On est des êtres humains avant d’être des gendarmes… » Malgré leur « carapace » et leur expérience des situations difficiles, les gendarmes restent marqués par des drames comme celui de Millas et ont besoin eux aussi d’un suivi psychologique.
« Quand on arrive sur un incident comme ça dix minutes après, on fait un constat de la scène et on se met un peu dans une bulle. On essaie de mettre de côté nos émotions personnelles », raconte le lieutenant-colonel de gendarmerie Sophie Catasso, qui faisait partie des premiers arrivés sur les lieux, avec une trentaine de ses collègues. Mais ces émotions peuvent toutefois « ressurgir après », note-t-elle, alors que le bus qui ramenait les collégiens chez eux après la fin des cours a été littéralement coupé en deux par un TER.
« On est parents, je le suis moi-même », souligne celle qui est à la tête de la compagnie de Perpignan regroupant 170 gendarmes dont les douze de la brigade de Millas.
Un événement « chaotique »
Robert Taillant, le maire de Saint-Féliu-d’Avall, où vivaient les adolescents victimes de l’accident, a d’ailleurs souligné que les « gendarmes et les pompiers qui sont intervenus sur place ont vécu l’horreur et sont psychologiquement très atteints. »
Violence du choc, âge des victimes… « C’est un événement qui par beaucoup d’aspects peut apparaître très chaotique. L’ordre du monde peut être bousculé en quelque sorte » pour les gendarmes, souligne le commandant Pascal Barré, psychologue clinicien et chef du dispositif d’accompagnement psychologique de la Gendarmerie.
D’où l’impératif d’un suivi immédiat. « Quand c’est des gros événements comme ça, tous les gens qui étaient intervenus ont été contactés par les psychologues », poursuit Sophie Catasso. Et les gendarmes de Millas ont en particulier « ressenti tout de suite un gros besoin de s’exprimer et de débriefer ».
« Ils vivent dans la localité, ils ont leurs enfants au collège, j’imagine que pour eux des images ont pu ressurgir, ils ont pu penser à leurs enfants », ajoute le lieutenant-colonel.
Besoin de parler
Car même pour les gendarmes les plus rompus aux situations difficiles, un drame de la sorte est dur à gérer sur le plan émotionnel.
« Avant, j’étais en police judiciaire où j’ai été amenée à voir des scènes de crime, des blessés ou des morts. L’expérience professionnelle forge peut-être une carapace » mais « ce premier débriefing (avec les psychologues), on en a besoin parce que forcément à un moment donné, on se place en tant que parent ou conjoint, on pense à tout ça et c’est très important pour nous d’être pris en charge par des psychologues qui vont nous suivre dans le temps », dit la gendarme.
« Un gendarme peut avoir été confronté à des circonstances très difficiles à plusieurs reprises, c’est l’événement qui peut-être au regard des autres lui apparaîtra moins choquant qui viendra à un moment donné faire s’écrouler la personne », abonde le commandant Barré.
Pas de « victimisation »
Et, dans ce cas, parler à un psychologue membre de la gendarmerie est rassurant pour les personnels concernés.
«C’est plus facile pour un gendarme de se dire : « Je parle de mes malheurs à un professionnel qui connaît un peu mes difficultés, qui connaît mon organisation », plutôt qu’à un psychologue civil qui ne connaîtrait pas notre fonctionnement, notre façon d’arriver sur les lieux. Cela donne une impression de famille, d’échange », juge le lieutenant colonel Catasso.
Mais après il ne faut pas «non plus faire de la victimisation », insiste-t-elle, les gendarmes de Millas ayant par exemple « très à cœur d’être au cœur » du dossier car ils veulent « se rendre utiles à l’enquête ».