«La Nuit des chasseurs» de la gendarmerie
Sécurité – Reportage
Avec la menace terroriste, les personnels des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) ont été dotés d’armes de guerre et d’équipements lourds. Une force de frappe de proximité qui est polymorphe. Immersion au Psig-Sabre de Muret.
Il est 22 heures à la brigade de Muret, l’équipe de nuit du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) démarre son service.
Après avoir pris place dans leur véhicule, Stéphane, le chef de patrouille, et son collègue, Maxime, s’astreignent toujours au même rituel. S’attacher, se connecter sur les ondes du centre opérationnel de gendarmerie (COG) et activer leur arme fatale , mais non létale : la rampe de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI). «Grâce à cinq caméras, chaque plaque est analysée pour être passée au fichier des véhicules volés qui apparaît sur notre tablette tactile. On peut également voir la vitesse des véhicules que l’on rencontre», explique le chef de patrouille.
Une botte secrète devenue indispensable pour la traque du «flag», l’ADN du Psig. «C’est un peu une unité de chasseurs mais qui vient aussi beaucoup en renfort sur les autres brigades dès qu’il y a une interpellation domiciliaire ou une intervention qui nécessitent des moyens de maintien de l’ordre importants. On représente un avantage tactique indéniable», poursuit Stéphane.
Il tente de s’enfuir
À l’affût du moindre événement suspect, les gendarmes vont écumer de long en large l’une des plus grandes circonscriptions de France. De la gare de Muret aux ronds-points en passant par le parking d’Ikéa ou les établissements de nuit de Portet-sur-Garonne, ils sont partout. Et même une nuit «calme» peut très vite s’emballer. «Cet été, on a eu pas mal de «runs» (des courses de voitures entre fans de tunning) vers la route d’Espagne, on va aller y faire un tour.»
Dans la pénombre, plusieurs véhicules sont garés. En voyant la patrouille, l’un d’eux tente un départ en trombe. Coup d’accélérateur, de projecteur, l’automobiliste pressé est coincé. Il n’y a qu’à regarder l’état de cette Honda Civic pour comprendre sa promptitude au démarrage. Le bas de caisse a disparu et à l’arrière, c’est simple, il n’y a rien si ce n’est un capharnaüm de pièces auto. Sans parler de l’absence de papiers d’immatriculation et d’assurance. «C’est un ami qui m’a demandé de la réparer !», assure à 1 heure du matin ce jeune homme de 22 ans qui repart avec deux contraventions. Quand la note aurait pu être bien plus salée. Parfois indulgents mais toujours fermes, les militaires rembarquent dans leur véhicule à tête chercheuse.
Montée d’adrénaline
L’adrénaline tant attendue arrivera des ondes du COG 31. «Un mineur vient de tabasser ses grands-parents pour leur dérober une Audi A3 grise en zone police. Il n’a pas le permis et les victimes pensent qu’il se rend dans un établissement de Portet. La plaque, c’est papa-bravo 166…» Ni une ni deux, le corps des militaires se plaque automatiquement au siège. Il faut aller vite. «La peur est toujours présente, c’est inévitable parce qu’on ne sait jamais ce sur quoi on intervient», confie Arthur, une jeune recrue.
Pour sa part, Stéphane organise une planque à deux véhicules, dont l’un d’eux est banalisé, pour «chasser» l’adolescent violent signalé par la police au COG 31. Comme dans les cités, ils parlent de «chouf’». La patience est le maître mot pour ce genre de dispositifs. Tapis dans l’ombre, les minutes s’égrainent au ralenti même si les militaires sont aguerris à l’exercice. Puis il faut rendre les armes. «C’est le jeu : on ne gagne pas à tous les coups !» Et le chef siffle la fin de la partie.
Le Psig-Sabre : force de frappe de proximité
Pour faire face à la menace terroriste après les attentats de Paris et la déclaration par le gouvernement de l’état d’urgence, le ministère de l’intérieur a renforcé les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (Psig) déjà existants en les dotant notamment d’armes de guerre, de boucliers, casques et gilets pare-balles dits «lourds» ou encore, d’équipements d’effraction et de matériels de maintien de l’ordre perfectionnés.
Les personnels du Psig-Sabre sont soumis à des temps d’entraînement et de formation très récurrents. Sans être une unité d’élite comme le GIGN (groupement d’intervention de la gendarmerie nationale), le PSIG-Sabre est décrit comme une «force de frappe» de proximité.
Antiterrorisme, antidélinquance, stupéfiants, violences, interpellations domiciliaires ou contrôles routiers et d’identité : leur champ d’action est très large. Sur le terrain, ils peuvent d’ailleurs compter sur les renseignements divulgués par leurs collègues des brigades territoriales très en prise avec la population.
Entre 2016 et 2018, 150 unités Psig ont ainsi été dotées et renforcées comme celui de Muret à l’été dernier où évoluent 18 militaires dont une femme. En Haute-Garonne, on compte aussi le Psig-Sabre de Colomiers, relevant de la compagnie de brigades de Toulouse-Mirail. Il faut d’ailleurs noter que certaines brigades anticriminalité (BAC), relevant des services de police, ont également bénéficié de ce classement dit «Sabre».